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Enseigner les mathématiques à des élèves sourds (1)

Cet après-midi, j’ai assisté à des conférences sur l’apprentissage des mathématiques par les élèves sourds, avec, pour commencer, “ce que la linguistique sur la langue des signes peut apporter : comment prendre en compte la spécificité des personnes sourdes pour leur apprendre les mathématiques ?”, par Sandrine Burgat.

Les langues des signes sont des langues naturelles, pas inventées. Ce n’est pas du français en gestes, mais bien plus que cela. Elles sont un reflet d’une vision de la réalité propre aux sourds. Elles sont profondément ancrées dans l’espace. Elles ne peuvent pas uniquement être réduite aux signes manuels : tout le corps s’exprime, y compris le visage, le buste. Ce sont aussi des langues iconiques : leur grammaire et leur syntaxe leur sont propres.

Une autre chose très importante à prendre en compte, c’est que les sourds ont une culture propre et à part entière. Au sein de cette culture, la langue des signes a sa place. Elle est très ancrée dans le visuel.

Sur le plan socio-linguistique, la LSF est inscrite dans un rapport de domination avec la langue française. Les langues des signes sont des signes de l’oralité, qui n’ont pas d’écriture, mais il y a une scripturalité possible. la langue des signes-vidéo est utilisée comme un équivalent de l’écrit de la LSF.

Les sourds entretiennent un rapport conflictuel avec l’écrit du français. 60% à,90% des sourds seraient illettrés. Les émthodes de lecture écriture ne sont pas adaptées aux sourds, par exemple.

Le bilinguisme peut être envisagé comme la capacité à utiliser au moins deux langues ou dialectes dans la vie de tous les jours, avec des compétences différents.

Le bilinguisme sourd est caractérisé par la différence de modalités entre les deux langues impliquées et la le fait que les sourds ne peuvent pas avoir naturellement au français oral. C’est donc un bilinguisme bimodal (ses modalités sont visuo-gestuelle et orale), mais il y a autant de bilinguismes sourds que de personnes sourdes, selon les aptitudes de chacun. C’est dû à des facteurs familiaux (les parents sont-ils sourds ou entendants ?), la scolarité (scolarité oraliste, bilingue ?), la fréquentation de la communauté sourde. Les degrés de maîtrise varient en fonction de ces facteurs.

D’un point de vue législatif, le bilinguisme est un résultat des combats des parents. Il faut attendre les années 70_80 pour voir la fin de la proscription de l’utilisation de la LSF dans les classes par le ministère de la santé. En 1998, le rapport Gillot a émis 115 propositions qui ont fait avancer la situation des enfants sourds.En 2005, la LSF a été officiellement reconnue comme langue. En 2007 sont apparus les premiers bulletins officiels de l’enseignement de la LSF, et la création de la LFS au bac. En en 2009, un CAPES LSF a été créé.

Ainsi, jusqu’en 2005, le concept du bilinguisme dans le champ scolaire était flou et mal défini. Jusque-là, on ne savait pas quelle était la place de la LSF (langue 1, langue 2 ?), quel en était le temps d’enseignement, y avait-il obligation de la langue française dans sa modalité vocale ? Dans beaucoup d’écoles, la langue des signes a été instrumentalisée mais pas utilisée comme langue d’enseignement. En 1998, seulement 5% des sourds avaient accès à un enseignement bilingue, et le nombre d’écoles bilingues n’augmente pas vraiment.

Les interprètes sont des professionnels formés, qui font le pont entre les deux langues et les deux communautés. La traduction, c’est comprendre, déverbaliser et ré-exprimer. C’est cognitivement complexe : il faut visualiser le message, se baser sur le sens pour traduire. En classe, l’interprète traduit le discours des enseignants et des élèves. Il n’a pas de mission pédagogique, mais travaille étroitement avec l’enseignant. Cela pose un premier problème : si les sujets sont techniques ou spécifiques, si l’interprète n’est pas spécialiste des maths, par exemple, il ne comprend peut-être pas tout ou ne peut pas restituer. Des mots comme “fractale” ou “probabilité” peuvent poser difficulté. Si un problème écrit est posé, l’élève risque d’être en difficulté ; l’interprète doit-il traduire l’énoncé ? A quel point ? Et c’est vrai aussi pour les examens. D’autre part, il est difficile pour les interprètes de traduire ce qui se dit en classe alors qu’il y a aussi des écrits en route. Les interprètes sont obligés de choisir ce qu’ils vont traduire ou non.

Pour leur enseigner, il faut comprendre les élèves sourds. Un élève sourd n’est pas un élève entendant qui n’entend pas. Il a une manière spécifique d’appréhender le monde, une identité particulière. Il devrait y avoir une pédagogie différenciée, sans quoi on risque des malentendus culturels.

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