A l'attaque ! · Apprendre · BRAVO!!! · C'est bien pratique · Chez les chercheurs · Chez les collègues · Compétences · Culture mathématique · Enseignement · Evénement · Expo de maths · Formation · Je suis fan · Maths pour tous · Merci ! · Partager les maths · Tous ensemble !

Sign’Maths : rendre les mathématiques accessibles en langue des signes

Roméo Hatchi, docteur en mathématiques, professeur agrégé, enseignant de mathématiques en LSF dans un lycée à Paris (auprès d’élèves entendants, avec des interprètes qui signent ses paroles en cours), est depuis 6 ans membre du groupe de recherche Sign’Maths. Il nous propose aujourd’hui un atelier interactif autour de l’enseignement des mathématiques en langue des signes.

L’enseignement bilingue LSF/français (français écrit) date de moins de 40 ans : auparavant, la LSF était interdite dans les écoles pour les enfants sourds, qui étaient contraints de verbaliser, d’utiliser leur voix. En 1880, le congrès de Milan a décidé de l’interdiction de la langue des signes et a contraint l’oral, ce qui n’était pas logique pour les sourds. Cela a été vécu comme un échec pour la communauté des sourds, dont le niveau a baissé, avec de moindres compétences cognitives et 80% d’illettrés, en partie à cause de l’éducation oraliste qui a duré une centaine d’années. Puis est venu le “réveil sourd”, et en 1984 la première classe bilingue a été créée. Aujourd’hui, les dispositifs existants ne suffisent pas : il n’y a que trois parcours complets bilingues. En principe l’année prochaine un PEJS (pôle d’enseignement pour les jeunes sourds) va être créé, avec une classe de 6e bilingue qui ouvre, pour continuer sur les niveaux suivants. En 2017 est sortie une circulaire concernant le parcours d’études pour les jeunes sourds :

En tant que sourd, comment je fais pour m’adapter ?

La pédagogie en LSF concerne les élèves signants, et le LSF est leur langue première. Il y a des sourds en LSF pure, d’autres en LSF et oral, etc. 95% d’enfants sourds naissent de parents entendants. L’enfant apprend en général la langue des signes tardivement, de ce fait, car les parents ne la connaissent pas et les médecins préconisent souvent un implant cochléaire, ce qui ne suffit pas, ou poussent à oraliser. En général ces enfants en viennent à la LSF, mais trop tard. Mieux vaudrait que cet apprentissage soit plus précoce.

Le parcours classique d’un sourd qui veut étudier les mathématiques :

En effet, il manque un glossaire mathématique : il manque des mots (il faut donc créer des néologismes) et les interprètes sont souvent issus d’études littéraires, ce qui ne facilite pas les choses. Très peu de personnes sourdes ont accès aujourd’hui à des études scientifiques.

Il s’agit donc d’harmoniser ,nationalement le vocabulaire pour le primaire et le secondaire. En France, on privilégie le visuel et le global, alors que dans d’autres langues des signes ailleurs on est plus sur les lettres qui composent les mots. Sign’maths a aussi comme objectif de simplifier le travail des interprètes en leur donnant des mots prêts à l’emploi pour signer les cours de maths.

Pour créer un nouveau signe, il lui faut une certaine qualité iconographique, une intégration facile dans le vocabulaire existant, et qu’il soit facile à mémoriser. Il y a 5 paramètres pour un signe : la forme de la main, le mouvement, la direction, la mimique faciale, l’emplacement de la main. Roméo nous a montré plusieurs signes très explicites, comme matrice, segment ou bissectrice. Pour l’écart-type, c’est un peu plus compliqué mais très logique. Nous avons posé des questions sur l’élaboration des signes, et la conversation était passionnante, autant entre Roméo Hatchi et nous que par rapport à la médiation des interprètes, qui interagissent vraiment. Sur le signe de inférieur à et supérieur à par exemple, c’était très intéressant de comparer deux façons de signer : si on choisit de représenter l’inégalité avec les doigts, c’est complexe car selon de quel sens on se place, le signe est inverse !

Dans l’équipe Sign’maths, il y a des enseignants, ce qui permet de confronter le signe proposé aux élèves. Parfois, le signe est remis en cause, ou même les élèves proposent eux-mêmes un signe.

J’ai pu apporter mon témoignage, puisqu’en classe je montre, avec les vidéos de Sign’maths, différents mots de vocabulaire de la langue des signes dans le champ des mathématiques. C’est très porteur, avec mes élèves.

Merci à notre collègue Roméo pour cette présentation vraiment intéressante et motivante !

A lire aussi : ici

Leave a Reply