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La (merveilleuse) petite histoire des flocons de neige

Pour terminer la matinée, voici ma transcription dela conférence d’Etienne Ghys :

Voici le plus grand flocon jamais photographié, avec un peu plus d’1cm de diamètre.

Pour Etienne Ghys, la nature est une source d’inspiration pour les maths.

Comment les hommes ont-ils commencé à observer les flocons, et y ont mis des mathématiques ?

Olaf Manson/Olaus Magnus (1490-1557) était évêque catholique, et s’est réfugié à Rome à cause des guerres de religion. Là, il a compris qu’à Rome on pensait qu’au Nord, il n’y avait que des barbares. Alors il a écrit un livre, “Historia de gentibus septentrionalibus”. On y trouve un chapitre sur la neige. Ces dessins sont sans doute parmi les premiers dessins d’étude des flocons, et Etienne Ghys nous a déclaré qu’ils étaient ridicules. Boum, rentre chez toi Olaus, pour regarder les flocons avant de les dessiner.

Kepler, ensuite (1571-1630), vit à une époque déchirée entre la religion et la science. Kepler essaie de comprendre l’oeuvre de Dieu à travers les mathématiques. Il se place à la frontière de ces deus mondes. En 1610, le 31 décembre, Kepler se dirige vers la maison d’un puissant mécène pour fêter la Saint Sylvestre. Il cherche une idée de cadeau, et en traversant un pont, il voit un flocon se poser sur ce manteau, flocon qui l’émerveille par sa petitesse et sa structure incroyable. Alors il décide d’offrir un flocon à son mécène. Mais comme les flocons ça fond, il écrit un livre dessus : De la neige sexangulaire. C’est un livre extraordinaire, qui pose des questions auxquelles il n’est pas capable de répondre par ailleurs.

Première question : pourquoi tous les flocons ont-ils six branches ? Il propose une solution partielle et appelle les mathématiciens du siècle y répondre. En fait, il faudra 400 ans pour cela. Kepler envisage que les flocons soient formés de disques minuscules serrés les uns contre les autres, comme des pièces de monnaie. C’est fort car à l’époque on a aucune idée de structure atomique.

Deuxième question : pourquoi tous les flocons ont-ils une symétrie d’ordre 6 ? Comment est-il possible que six branches se développent simultanément et de façon identique, sans communiquer entre elles ? Les flocons auraient-ils une âme ?

Troisième question : pourquoi les flocons sont-ils planaires, et pas comme des oursins, par exemple ? Alors Kepler se demande ce qui se passe quand on organise des boules les unes contre les autres. La façon la plus efficace, c’est de les organiser façon oranges sur un étal. Cela signifie que les atomes qui forment les flocons seraient plutôt des disques que des boules, et ça, Kepler ne le comprend pas.

Maintenant arrive Descartes (1596-1650). Le Discours de la méthode contient un supplément, intitulé La géométrie, et un autre intitulé Les météores. C’est un livre un peu “fumeux”, qui montre que la méthode scientifique de Descartes n’est pas toujours efficace et que la raison pure ne suffit pas : il faut aussi de l’expérience.

Une partie des flocons de Descartes sont faux, avec plus de 6 branches aux flocons.

Passons au XIXe siècle, avec Wilson Bentley (1865-1931). Il n’est pas un scientifique, mais il est un amoureux de la neige. Il se bricole un appareil photo combiné à un microscope pour prendre des flocons en photo. Il travaille dur et consacre sa vie à cela.

Bentley ne cherchait pas à faire de la science, et n’hésitait pas à retoucher les photos pour qu’elles soient plus belles : il voulait produire de belles images, qui ont d’ailleurs eu des succès phénoménaux. Et il voulait émerveiller les enfants, ce que manifestement Etienne Ghys partage joliment.

C’est grâce à Wilson Bentley que le flocon est devenu le symbole de la période hivernale et de Noël. Et selon lui, pour trouver un flocon qui est beau, il faut en sélectionner 1000. Parmi eux, 999 seront “très moches”.

Parfois, dans des circonstances très particulières, les flocons prennent une forme d’haltère, tout en conservant les propriétés citées plus haut, sauf le côté planaire.

Passons au début du XXe siècle pour la compréhension atomique de la glace, et physique du crital de neige.

Un cristal de neige est un cristal en formation et qui tombe du ciel alors qu’il était encore en croissance. IL faut donc bien différencier la cristallographie et l’étude des cristaux de neige.

La molécule d’eau a une forme de V avec un angle très précis.

Le cristal de glace, ça ressemble à ça :

Ils se développent donc bien de manière planaire. Chaque oxygène est relié à deux hydrogènes, mais certains ont leurs hydrogènes tournés au-dessus, vers le bas ou vers un autre oxygène. Mais un cristal est une structure qui doit être périodique, et là les oxygènes sont répartis périodiquement, mais les hydrogènes sont répartis de façon un tout petit peu aléatoire. Par ailleurs, il y a en fait huit sortes de glace, mais ici nous parlons de la glace du frigo, pas au fin fond du fond de la banquise.

Voici alors Ukichiro Nakaya, né en 1946. C’est une vedette au Japon. Il a passé sa vie à étudier les flocons de neige. Il a décidé d’en fabriquer en laboratoire.

Et monsieur Nakaya cartographie et catégorise les flocons : ceux qui ressemblent à des fougères, à des étoiles, ceux qui ont un bord… Et ce, grâce à ses flocons fabriqués artificiellement.

Mais pour qu’un flocon puisse commencer à se développer, il faut un “germe”. Nakaya découvre que comme germe, un poil de lapin, ça marche bien. Ca fait pousser les flocons, le poil de lapin.

Ca, c’est pour mes 5e à la rentrée !

Question rapportée par Christan Mercat :

Mais dis Etienne, ça veut dire qu’il y a des lapins dans les nuages ?

Hé bien parlons-en, des petits lapins dans le ciel. Que se passe-t-il quand il neige ?

Il y a un nuage, humide et chaud. Les molécules d’eau s’y déplacent, un peu au hasard. Un front froid arrive et pousse le petit nuage humide et chaud vers le haut, ce qui refroidit le nuage (puisqu’il monte). L’eau se condense alors en gouttelettes, et lorsque le nuage se refroidit encore, certaines de ces gouttelettes gèlent, brrr. Mais en fait, dans les nuages, s’il n’y a pas de poil de lapin, i y a de minuscules poussières, qui sont à l’origine des changements de phases du gaz vers le liquide et du liquide vers le solide. On se retrouve avec un nuage qui contient les trois états. Et tout cela se cogne et se colle, ce qui crée des cristaux.

Les cristaux deviennent trop gros et lourds, alors ils tombent. Et quand ils tombent, il neige. En fait, il neige tout le temps partout, mais la plupart du temps les cristaux de neige fondent en altitude et se transforment en eau liquide.

Que peuvent apporter les maths ? (les matheux, ils peuvent apporter de l’émerveillement, en tout cas, je vous l’affirme en direct) Elles peuvent essayer de proposer des modèles, comme celui inventé par Norman Packard dans les années 80-90.

Alors il a fallu améliorer, car le modèle restait un peu primitif. Cliff Reiter “fait presque pareil mais différent”, une espèce de passage du discret au continu qui introduit un paramètre, ce qui permet de se donner la possiblité de se rapprocher de la catégorisation de Nakaya :

Cela donne des flocons ni naturels ni fabriqués, mais assez jolis. Cela semble plutôt un succès. Mais l’un des inconvénients de cette méthode, qui repose aussi sur une dose de pifomètre quant au choix des paramètres, est qu’on part du postulat de planarité.

Deux scientifiques (Gravner et Griffeath) proposent un modèle mathématique incluant des prismes, avec aussi de la glace ou de la vapeur et des règles un peu analogues aux précédentes.

Et là, ça donne des snow-fakes ! Ils n’existent que dans un ordinateur, mais selon les paramètres il peut arriver qu’on obtiennent nos haltères précédentes.

Kenneth Libbrecht est l’auteur du site Snowcrystal.com. C’est un peu le Bentley moderne, version physicien.

Pour finir, Etienne Ghys nous a démontré le théorème suivant :

A gauche, cristal. A droite, pas cristal.
Dédicace à mes 4e

C’était très chouette, comme démonstration : ma fille l’a suivie et comme elle est en première, elle a compris.

Et c’était formidable, cette conférence. Vraiment. Merci, monsieur Ghys.

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