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Harcèlement sexuel dans le milieu scientifique : la honte

Un article du Monde du 22 mars 2023, écrit par Nathalie Brafman, relaie les conclusions d’un sondage mené par Ipsos pour la Fondation L’Oréal auprès de 5 200 scientifiques, dans 117 pays : une scientifique sur deux a été « personnellement confrontée à au moins une situation de harcèlement sexuel au cours de sa carrière ».

Ce sont les jeunes chercheuses qui sont le plus souvent harcelées. L’enquête montre ainsi que deux tiers d’entre elles disent l’avoir été au moins une fois en début de carrière. Et pour 65 % des femmes, ces situations ont eu un impact négatif sur leur carrière, 25 % disent aussi s’être senties en danger sur leur lieu de travail.

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Et les faits de « sexisme ordinaire » sont encore plus répandus : c’est quatre femmes sur cinq qui y sont confrontées : « propos inappropriés, usages de surnoms « poupée, minette… », insultes, questions intrusives sur la vie privée ou sexuelle ».

Quelle honte… Malheureusement, ce n’est pas une surprise. Et le silence règne : seulement la moitié des personnes concernées a parlé de ces pressions à son entourage, ce qui signifie que l’autre moitié est complètement seule face à cette violence, et une personne sur cinq a fait remonter les fait à l’institution. De même, si un chercheur sur deux reconnaît avoir été témoin de faits de harcèlement, la moitié d’entre eux s’est tue, estimant que la situation n’était « pas si grave », ou que la victime « n’avait pas l’air bouleversée ». Et puis bon, victime ou témoin, les choix sont pesants pour la carrière, dans un univers où la cooptation règne en maître…

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Un peu de poésie

Ce matin, j’anime une formation à destinations d’enseignant et de formateurs du premier degré, sur les nombres et le calcul en cycle 2. Moi qui ai quitté la formation il y a 3 ans, au niveau académique, je suis très contente. Alors avant de partir, je révise : une formation agréable se doit d’être fluide. Mieux vaudrait que je ne sois pas accrochée à mon diapo.

En révisant, je me dis : elle manque de poésie, cette formation. Elle est très centrée sur l’analyse et les outils, ce qu’on m’a demandé par ailleurs. Mais bon, on me l’a demandée à moi, j’ai donc le droit, voire le devoir (oui oui oui, le devoir) d’y mettre ma patte. Je vais faire le clown, naturellement, je vais employer toutes ces expressions polletaises qui de toute façon m’échappent même si j’essaie de les retenir, mais j’ai envie de poésie, ce matin, voilà.

Alfred de Vigny, que je n’aime guère lire par ailleurs, a écrit ceci :

Les nombres, jeune enfant, dans le ciel t’apparaissent

Comme un mobile chœur d’esprits harmonieux

Qui s’unissent dans l’air, se confondent, se pressent

En constellations faites pour tes grands yeux.

Nos chiffres sont pour toi de lents degrés informes

Qui gênent les pieds forts de tes nombres énormes,

Ralentissent leurs pas, embarrassent leurs jeux;

Quand ta main les écrit, quand pour nous tu les nommes,

C’est pour te conformer au langage des hommes ;

Mais on te voit souffrir de peindre lentement

Ces esprits lumineux en simulacres sombres,

Et, par de lourds anneaux, d’enchaîner ces beaux nombres

Qu’un seul de tes regards contemple en un moment

Va, c’est la poésie encor qui, dans ton âme,

Peint l’Algèbre infaillible en symboles de flamme

Et t’emplit tout entier du divin élément :

Car le poëte voit sans règle

Le mot secret de tous les sphinx;

Pour le ciel, il a l’œil de l’Aigle,

Et pour la terre l’œil du lynx.

La poésie des nombres

Alfred de Vigny a écrit ce poème pour à « Henri Mondeux, mathématicien de 14 ans », qui passa son enfance à garder les moutons et découvrit les chiffres par la manipulation de cailloux et brindilles. Henry Mondeux était un calculateur prodige, mais seulement sur certaines opérations. Malgré les encouragements de Cauchy entre autres, Henri Mondeux tomba dans l’oubli. Enfin pas tout à fait, puisqu’il a laissé suffisamment de traces pour que je puisse écrire cet article aujourd’hui.

Je trouve ce poème assez remarquable dans ce qu’il exprime du nombre : la distinction chiffre/nombre est vraiment d’une grande clarté, et les chiffres sont rhabillés pour le printemps, en « simulacres sombres ». La fin du poème me laisse un peu perplexe, mais en tout cas j’ai un peu de poésie pour ce matin…

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Question d’aiguillage

Le deuxième trimestre est terminé. Il me reste donc un trimestre, un seul trimestre, en tant que prof de maths, si tout va bien : hier, j’ai formulé des vœux pour muter vers une Ulis l’année prochaine. Je saurai sans doute bientôt si je suis retenue pour la formation CAPPEI pour la session 2024, aussi. Je vis donc une espèce de transition, ce pour quoi je ne suis pas très douée : j’aime le mouvement, mais pas trop l’attente. Et pourtant, je n’ai guère le choix : je saurai au moins de juin si je pars en tant que coordonnatrice Ulis.

Alors je rationalise, je me concentre à fond sur mes élèves, je profite de la dernière fois où j’amène la découverte du théorème de Thalès, de l’ultime explication de la notation scientifique avec des exposants négatifs, de l’AlKindi et des Olympiades, événements auxquels beaucoup de mes élèves ont envie de participer cette année. Je prépare mes activités favorites avec gourmandise, pour aller encore plus loin que les années précédentes, portée par des classes toutes chouettes. C’est bien : je quitterai mon établissement avec de beaux souvenirs et aucun sentiment d’ennui. Et un sacré bazar.

Mais quand même, je toupine. Et j’ai beau faire, essayer de vivre « juste » le présent, je me projette. J’ai une idée assez claire de ce à quoi je voudrais que ressemblent mes activités de promotion de la culture mathématique. Mais à quoi ressemblera ma pratique des mathématiques en Ulis ? Aller régulièrement animer des séances dans l’Ulis dont est coordo mon mari m’aide à poser des repères. Un nombre non négligeable de mes activités de cycle 3, et quelques-unes des cycle 4 sont transférables : celles où on joue, où on manipule ou on bricole pour faire comprendre et développer la modélisation, et aussi des activités qui visent l’automatisation. Mon expérience dans les classes de primaire est un précieux atout. Les séquences et les séances que j’ai pu imaginer, avec Marion ou Christelle, les indéfectibles et super imaginatives copines professeures des écoles, me donnent des exemples concrets de mélange des genres : pour arriver aux mathématiques, on n’est pas obligé d’emprunter un boulevard. On peut se glisser par une fenêtre… J’ai des idées qui naissent, avec des associations plus ou moins réalisables selon la structure, les équipements et les envies des équipes de l’établissement dans lequel j’arriverai : j’ai jeté dans mon carnet de projets des idées d’associations entre maths et à peu près toutes les disciplines du collège, mais aussi maths-cuisine, maths-couture. Je rêve de projets appuyés à des lectures pas mathématiques du tout, en collaboration avec des personnels variés de l’établissement, avec des structures de personnes âgées… Il faut dire que j’ai de l’inspiration à la maison, et une idée assez précise des contraintes, des obstacles, des leviers. C’est pratique et rassurant.Alors justement, réfléchissons aux obstacles. Il y a l’accès à la langue, déjà. Ce n’est pas un obstacle spécifique aux mathématiques, mais il en impacte fortement la transmission, car les mathématiques nécessitent de manipuler le langage courant, et en plus d’identifier, comprendre et mémoriser ce qu’on appelle le langage mathématique. Il y a la gestion de la différenciation, bien sûr : certains élèves auront un niveau apparenté partiellement ou complètement au cycle 2, d’autres au cycle 3, voire au cycle 4. Je cogite pas mal pour trouver des moyens de gérer les plans de travail individualisés (et ainsi pousser au maximum chacune et chacun dans ses apprentissages et ses compétences) tout en préservant des moments communs à un maximum d’élèves, et créer aussi une culture commune sur le groupe et avec moi. Pas fastoche, ça. Mais l’obstacle auquel je me heurte le plus âprement pour le moment est beaucoup plus « philosophique » : je vais travailler avec des élèves dont au moins une partie sera en situation d’anxiété et de manque de confiance en mathématiques, voire de dépréciation de soi. Restaurer leur estime va demander du temps, et des gestes professionnels spécifiques. Or quand on est stressé, on n’est pas apte à accepter tranquillement l’erreur, ni à s’engager dans l’abstraction. On n’est pas forcément un modèle de patience, non plus. Faut-il alors que je me concentre sur les automatismes, justement, ou puis-je travailler la compréhension de façon plus conceptuelle ? Ou bien encore puis-je transiger et viser un juste milieu ? Par exemple, quand un(e) élève aura des difficultés sur le nombre décimal, comment lutterai-je contre la virgule qui se balade ? Jusqu’où irai-je ? Je n’en sais rien. Mais je réfléchis. J’imagine des situations pédagogiques et didactiques, je teste sur mes élèves et ceux de mon mari, je crois avoir avancé et puis finalement pas du tout, je pense avoir fixé une idée et je change d’avis le lendemain… Bref, je m’amuse. 

En fait, j’ai assez à penser pour attendre facilement jusqu’en juin… Là, il me faudra décrocher les affichages qui couvrent intégralement ma classe, trier le matériel (le peu qui appartient au collège, ce qui m’appartient mais qui va à la maison, ce qui m’appartient et qui part en Ulis). Mais rien que penser les mathématiques en Ulis est bien envahissant comme il faut. Et je ne vais pas enseigner que les maths… Mais je vais attendre l’été pour travailler des progressions dans les autres champs disciplinaires : ma réflexion en mathématiques est de toute façon transférable à d’autres pratiques, et au cas où je n’obtiendrai pas de mutation. Dans les autres disciplines, c’est différent.

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Prout ?

C’est la récré. Une délégation d’élèves de quatrième déboulent dans ma salle, perplexes et révoltés. Il faut qu’ils me racontent un truc, visiblement.

  • Madame, madame, madame, vous avez vu que Poutine et le président chinois ils se sont rencontrés ?
  • Oui.
  • Vous savez de quoi ils ont parlé ?
  • Heu j’imagine.
  • Non mais en vrai ?
  • … Bon vas-y, de quoi ont-ils parlé ?
  • De pets !
  • De pets ! Non mais vous vous rendez compte ??? Ils dirigent le monde et ils ont parlé de pets !
  • Ils ont parlé de paix. Pas de pets, de paix. Enfin, soit-disant. Ils auraient mieux fait de parler de pets, peut-être, d’ailleurs. Ils doivent être plus experts.
  • Non mais qu’on est cons.
  • Ne sois pas si dur, allez. C’est un peu rigolo, du coup.
  • Non mais on est débiles.
  • Mais non.
  • Si. Et l’autre, à la radio, pourquoi il dit pet quand il veut dire paix, aussi ? Il a carrément dit pet.
  • Bah tu sais ça dépend où on vit en France. Nous on dit « poulé » et des tas de gens disent « poulè ». je crois même qu’on est censés dire « poulè ».
  • On est trop cons, les gars, on s’en va.
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Un p’tit coin pour se concentrer

En rentrant à la maison, après mon weekend APMEPien, j’ai trouvé un colis : les séparateurs pour certains de nos élèves, dans la classe de mon mari et les miennes, sont arrivés :

J’espère qu’ils ne vont pas avoir trop de succès : j’en prends 3, et il est possible qu’en 6e la demande soit forte. En 4e je pense aussi à des élèves à qui ce sera sans doute utile, mais 3 devraient suffire.

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La déliquescence du bac

Je me refuse à deviner les intentions de Jean-Michel Blanquer lorsqu’il a porté la mouture actuelle du bac. Pouvoir choisir des disciplines me semble en soi une idée intéressante. Appuyer l’obtention du bac sur le contrôle continu aussi : cela pouvait réduire le stress lié au risque d’accident ponctuel. Mais ça, c’était pour la théorie. Une idée n’est bonne que si elle est déployée de façon raisonnée, réfléchie en fonction des acteurs, des objectifs, des obstacles. Et en pratique, c’est un crash, cette réforme du lycée et du bac. Outre le manque de cohérence du système de spécialités, l’idée du contrôle continu a induit des effets délétères pour les lycéens.

Nos lycéens sont anxieux, à cause d’un système de contrôle continu qui transforme en couperet (pour le bac, mais aussi et surtout pour ParcoursSup) chaque évaluation. Ils ne travaillent plus pour les savoirs ou développer leurs compétences, ils travaillent pour la performance. Aucune réflexion collective n’a été initiée à grande échelle pour réfléchir la gestion de l’évaluation : on est à mille lieues de l’évaluation dynamique des compétences. On prend des photos ponctuelles mais définitives, et voilà. Cela n’a rien d’éducatif. Par l’incompétence du gouvernement, on prépare une génération abimée. On court après le temps, on fait comme si mars ne signait pas des vacances au moins à temps partiel, on s’interroge, jusque sur les sites institutionnels, sur comment occuper les lycéens au troisième trimestre.

C’est un naufrage.

Aujourd’hui, nous apprenons que n’importe quel adulte dans les établissements pourra surveiller le bac. Nous sommes d’accord, surveiller n’est pas compliqué, mais nécessite de vivre certains enjeux, d’incarner un positionnement précis. Il y a des gestes techniques, des points de vigilance précis, des protocoles à respecter. S’ils ne le sont pas, il y aura évidemment des recours justifiés.

Nous apprenons aussi que les élèves pourront arriver en retard, et resteront de sorte qu’ils composent le temps prévu. Cela signifie-t-il que personne ne sortira avant que le dernier potentiel retardataire soit rentré dans la salle ? Car sinon, nul doute que les sujets auront déjà été diffusés, et des éléments de correction aussi. Je ne trouve nulle part cette information : va-t-on empêcher les candidats qui voudraient sortir de quitter la salle d’examen ? C’est pourtant important de façon élémentaire. C’est concret, pratique, bassement matériel. Mais nous autres avons les pieds sur terre, justement.

Alors le débat, parfois violent, de grève ou pas grève du bac, est d’autant plus dommageable : ne se trompe-t-on pas de cible ? Qui a détruit le bac, finalement ? Que signifie-t-il aujourd’hui ? La souffrance des collègues qui penchent pour la grève du bac doit-elle être hiérarchisée, définie comme secondaire par rapport à l’implication des lycéens dans l’obtention du bac ?

Je ne crois pas que ce soit le moment de se déchirer. Les choses sont complexes et délicates, et tous les points de vue se défendent et peuvent se comprendre. Ne dilapidons pas notre énergie et nos capacités d’analyse dans des disputes stériles. En revanche, débattons, discutons. Et luttons.

Et puis quand même, ce débat et ces dissensions ont quelque chose de perturbants : lorsque le lycée professionnel est passé au contrôle continu, on n’a pas entendu grand-chose. Les questions vives de la certification des bacheliers professionnels, leur ressenti, leur vécu, leur réussite n’ont pas été interrogés de façon partagée. En ce moment, la levée de bouclier autour du bac, qu’elle soit autour du dispositif ou autour du déroulement de cette session, ressemble à une lutte de classe. Le gouvernement aurait pu en faire autre chose et éviter ce état de fait, en organisant une réflexion collective. Il ne l’a pas fait, nous mettant par là-même dans une posture philosophiquement et humainement plus qu’inconfortable.

A aucun moment la question ne se pose de façon globale sur ce que c’est qu’éduquer la jeunesse, de quel projet de société veut véhiculer l’école. Formons-nous encore une société, ou des castes plus ou moins influentes ?

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20 067

Sonia Marichal a attiré mon attention sur un article de Slate au titre curieux :

Si vous allez le lire, accrochez-vous (vous pouvez aller lire l’article original en anglais, aussi) :

Il y a sans doute peu de matières aussi clivantes que les mathématiques. Pour beaucoup, elles sont source d’incompréhension, d’angoisses et surtout d’ennui.

Source

Au secours. Quand sortirons-nous de cette vision négative portée inlassablement pas les médias ? Juste après, l’auteur, Thomas Messias, évoque les « amoureux et amoureuses des mathématiques ». Ca aussi, ça m’énerve. On peut aimer les maths sans que ce soit une passion, aussi. Ou y être indifférent.

Plus loin dans l’article, on apprend que « certains nombres indiffèrent copieusement tout le monde, y compris les matheux et matheuses ». Une fois encore, ce n’est pas parce qu’on aime les maths que les nombres fascinent et ont une espèce de personnalité chacun.

Toujours est-il que le Scientific Americana eu l’idée d’élire un nombre « ennuyeux », ou « sporifique », parmi les entiers naturels. Il existe des tas de catégorisations des nombres : les nombres premiers, les nombres aimables, les nombres chanceux, odieux, etc. L’Encyclopédie en ligne des suites de nombres entiers (OEIS), projet initié en 1963, qui contient plusieurs centaines de milliers d’entrées et répertorier des nombres « remarquables ». Le malheureux élu est 20 067 : à ce jour il ne figure dans aucune catégorie considérée comme remarquable.

L’axe horizontal mesure les nombres naturels. L’axe vertical représente le nombre de fois qu’un nombre particulier est mentionné dans le catalogue OEIS. Les nombres « intéressants » sont représentés sur la bande supérieure et les nombres ennuyeux sur la bande inférieure.