Rholala, les journées de l’APMEP de Jonzac s’annoncent bien… Et ce n’est que le début des annonces d’ateliers. J’ai hâte !
Moi aussi j’animerai un atelier (cette année je suis raisonnable, j’ai décidé de me poser un peu figurez-vous) : il sera intitulé « Quand l’anamorphose cache des mathématiques », le lundi à 8h30. Je présenterai ce beau projet Regards de Géomètre. J’amènerai la machine à anamorphoses, et François Abélanet participera s’il est disponible. Nous réaliserons ensemble une anamorphose… Youpi !
Pour vous donner ENCORE PLUS envie, voici deux vidéos : une sur les journées de Jonzac, et une sur nos anamorphoses.
Ah, j’avais oublié une partie de mon matériel pédagogique, qui m’attendait a la restauration. Comme quoi c’est bien tous ensemble qu’on fait des maths!
PS pour les copains de Limoges : mercredi ou jeudi il faut que j’achète des oranges ou des pommes, pour l’atelier de l’apres-midi.
Julien Say, professeur de mathématiques à la Cité scolaire René Pellet de Villeurbanne, un établissement régional d’enseignement adapté à la déficience Visuelle (EREA-DV), nous présente les mathématiques enseignées à des déficients visuels, pour finir les interventions de cette journée.
L’existence d’un retournement paradoxal fut découvert par Stephen Smale en 19581. Il est difficile de visualiser un tel retournement, bien que des animations infographiques aient été produites, rendant la tâche plus aisée ; le premier exemple explicite fut construit grâce aux efforts de plusieurs mathématiciens, parmi lesquels Arnold S. Shapiro(en) et Bernard Morin, qui était aveugle. Il est plus facile de démontrer qu’un tel « retournement » existe sans le construire, comme le fit Smale.
Julien enseigne à des élèves en situation de handicap, aveugles ou mal voyants.
Source : OMS
On distingue les malvoyance (les noiristes), affectés de différents troubles visuels (tâches au niveau des yeux, champ visuel réduit, photophobie, etc.), et la non voyance (les braillistes), qui utilisent du braille en numérique, par des ordinateurs sur le clavier desquels de petits picots de lèvent pour matérialiser les points du braille.
Exemples de braille mathématique français
Un brailliste n’a pas accès à l’information en une seule fois : il est obligé de se relire, de réajuster sa compréhension de ce qui est écrit. Par exemple, dans le calcul ci-dessus, les parenthèses sont « invisibles ». On privilégie la représentation au concept, on cherche à se rapprocher de la norme des voyants. L’approche est fondamentalement différente de ce que nous avons découvert dans l’atelier précédent avec la LSF : c’est plus de la transcription de la façon d’écrire des voyants. Cela mène à une écriture particulièrement lourde.
Adapter, c’est d’abord se demander : qu’est-ce que j’adapte ?
Julien Say
Nous avons expérimenté, ensuite :
La géométrie est le domaine le plus simple à enseigner aux malvoyants et aux aveugles ; pour nous, ces exercices ont été très fatigants.
Encore un atelier enrichissant, mais quelle journée !!!
Les élèves ont réalisé avec enthousiasme leurs anamorphoses, et commencent à en créer entièrement eux-mêmes. Je suis sûre qu’ils vont me ramener des merveilles la semaine prochaine !
Aujourd’hui, un peu de sémiotique en 6e : j’ai appris à mes élèves les symboles suivants :
Je trouve cela très important, car la différence entre les deux est mathématiquement importante. Les élèves vont croiser, en cycle 4, des inégalités strictes et des inégalités larges. Au moment où ils les croiseront, ce serait bien qu’ils aient pu modéliser leur sens en amont. Pour résoudre des problèmes mettant en jeu des inégalités, des inéquations, pour comprendre facilement au lycée les intervalles, il me semble que c’est plus confortable ainsi.
Et donc, j’écris dans le cahier de leçon :
Je demande : que peut bien valoir ce point d’interrogation ? Et ensuite, je me régale. Ils sont vraiment extraordinaires, ces loulous, et ils me renvoient que nous avons bien travaillé :
Ca peut être 3, du coup. C’est le premier, même.
3 est en effet le plus petit nombre que je peux mettre à la place du point d’interrogation. Alors que dans ? < 3, je ne pouvais pas le proposer.
Ca peut être 4.
D’accord. (je note dans le cahier)
Ou 5.
Oui, mais ça ne m’amuse pas : 4 ou 5, c’est un peu le même exemple, pour moi.
Ah bah alors 19 030 000.
D’accord, c’est aussi un entier, mais c’est un grand nombre. (je note dans le cahier)
Ah je sais je sais : 6,5.
Ok, comment s’appelle un tel nombre ?
Un décimal !
Oui. Autre exemple ?
…
On ne connaît que les entiers et les décimaux, nous ?
Non, y a les fractions.
Ok. Une fraction supérieure à 3 ?
Heuuuuu…
3/4 ?
C’est supérieur à 3, 3/4 ?
Non, c’est plus petit que l’unité.
Hé oui.
Alors 3+1/4 !
Oui, ça marche, ça. Ca donne quoi, sous la forme d’une seule fraction ?
…
13/4 !
Bien. Une unité, c’est 4/4. Trois unité c’est 4/4+4/4+4/4, ou 3×4/4, donc 12/4. Avec 1/4 en plus, ça donne 13/4. C’est bien, mais je ne le note pas. Pourquoi ?
Parce que c’est aussi un décimal.
Oui, pourquoi ?
Chais pas. Les quarts c’est toujours des décimaux.
Pourquoi ?
Mmmmmh…
Parce que quand on coupe un entier en deux ça fait « ,5 » et du coup si on recoupe en deux ça fait « ,25 ».
Ou « ,75 ».
Ah oui, ou « ,75 ».
Bon alors je voudrais une fraction qui ne soit pas un nombre décimal.
Faut prendre des tiers ou des septièmes, qui se divisent pas bien.
Genre par exemple on pourrait prendre 16/3.
Ok, pourquoi ?
Parce que 15/3 c’est 5 alors 16/3 ça fait « 5,plein de 3 à l’infini » et ça marche.
On aurait pu prendre 10/3 alors.
Oui, aussi. (Je note dans le cahier)D’autres idées ?
…
On a des entiers, dont des grands nombres, des décimaux, des fractions, on s’arrête là ?
Aaaaaah moi moi moi !
Oui, G ?
π !
Bien ! Comment s’appelle un tel nombre ?
Bin π…
Oui, mais c’est un entier ?
Non.
Un décimal ?
Non.
Une fraction ?
Non.
C’est quoi alors cette drôle de bestiole ?
…
Un irrationnel !
Bravo !
Ensuite, nous avons étudié l’inégalité :
Et là, les élèves m’ont fait écrire 3 ; 1 ; 0 ; 0,5 ; 1/3 ; et puis les élèves se sont lâchés : -3 ; -0,5 ; -1/3 et même -π parce qu’ils voulaient un irrationnel.
Quand j’ai demandé : « mais -π, c’est un nombre ? », j’ai eu droit à un simple : « bah oui. »
Ce soir, j’ai reçu un mail avec en pièce jointe les épreuves d’un livre que j’ai écrit en entier, qui est maintenant tout mis en page et tout (et c’est du très beau travail de la part de l’éditeur, je suis vraiment contente). C’est un livre sur les maths, des maths sous toutes leurs coutures, les maths et leur bonheurs, leur beauté, leur vie. J’ai participé à la réédition de l’ouvrage de Brissiaud, Premiers pas vers les maths, mais là c’est moi qui ai écrit tout ça. J’imagine que c’est candide, mais cela me fait vraiment tout bizarre, me rend fière aussi, et c’est une véritable émotion.
Bon, c’est parti pour la relecture.
Rholalarholala. On se lance dans des trucs sans trop réfléchir, on bosse on bosse, et un jour c’est fini et concret.
J’entends d’ici mes élèves remarquer que le disque du haut n’est pas attaché à la face latérale… C’est leur fixette. Mais je leur montrerai quand même !
Après une semaine bien remplie et bien active, et avant un lundi studieux, je termine ma journée sur quelques photos prises avant de reprendre le train et de regagner mon chez-moi.
Pourquoi nous bercer de « ça sert à quoi les maths ? » et de « les Français n’aiment pas les maths », alors que notre environnement et les productions des Hommes en sont si spontanément chargés ?