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La déliquescence du bac

Je me refuse à deviner les intentions de Jean-Michel Blanquer lorsqu’il a porté la mouture actuelle du bac. Pouvoir choisir des disciplines me semble en soi une idée intéressante. Appuyer l’obtention du bac sur le contrôle continu aussi : cela pouvait réduire le stress lié au risque d’accident ponctuel. Mais ça, c’était pour la théorie. Une idée n’est bonne que si elle est déployée de façon raisonnée, réfléchie en fonction des acteurs, des objectifs, des obstacles. Et en pratique, c’est un crash, cette réforme du lycée et du bac. Outre le manque de cohérence du système de spécialités, l’idée du contrôle continu a induit des effets délétères pour les lycéens.

Nos lycéens sont anxieux, à cause d’un système de contrôle continu qui transforme en couperet (pour le bac, mais aussi et surtout pour ParcoursSup) chaque évaluation. Ils ne travaillent plus pour les savoirs ou développer leurs compétences, ils travaillent pour la performance. Aucune réflexion collective n’a été initiée à grande échelle pour réfléchir la gestion de l’évaluation : on est à mille lieues de l’évaluation dynamique des compétences. On prend des photos ponctuelles mais définitives, et voilà. Cela n’a rien d’éducatif. Par l’incompétence du gouvernement, on prépare une génération abimée. On court après le temps, on fait comme si mars ne signait pas des vacances au moins à temps partiel, on s’interroge, jusque sur les sites institutionnels, sur comment occuper les lycéens au troisième trimestre.

C’est un naufrage.

Aujourd’hui, nous apprenons que n’importe quel adulte dans les établissements pourra surveiller le bac. Nous sommes d’accord, surveiller n’est pas compliqué, mais nécessite de vivre certains enjeux, d’incarner un positionnement précis. Il y a des gestes techniques, des points de vigilance précis, des protocoles à respecter. S’ils ne le sont pas, il y aura évidemment des recours justifiés.

Nous apprenons aussi que les élèves pourront arriver en retard, et resteront de sorte qu’ils composent le temps prévu. Cela signifie-t-il que personne ne sortira avant que le dernier potentiel retardataire soit rentré dans la salle ? Car sinon, nul doute que les sujets auront déjà été diffusés, et des éléments de correction aussi. Je ne trouve nulle part cette information : va-t-on empêcher les candidats qui voudraient sortir de quitter la salle d’examen ? C’est pourtant important de façon élémentaire. C’est concret, pratique, bassement matériel. Mais nous autres avons les pieds sur terre, justement.

Alors le débat, parfois violent, de grève ou pas grève du bac, est d’autant plus dommageable : ne se trompe-t-on pas de cible ? Qui a détruit le bac, finalement ? Que signifie-t-il aujourd’hui ? La souffrance des collègues qui penchent pour la grève du bac doit-elle être hiérarchisée, définie comme secondaire par rapport à l’implication des lycéens dans l’obtention du bac ?

Je ne crois pas que ce soit le moment de se déchirer. Les choses sont complexes et délicates, et tous les points de vue se défendent et peuvent se comprendre. Ne dilapidons pas notre énergie et nos capacités d’analyse dans des disputes stériles. En revanche, débattons, discutons. Et luttons.

Et puis quand même, ce débat et ces dissensions ont quelque chose de perturbants : lorsque le lycée professionnel est passé au contrôle continu, on n’a pas entendu grand-chose. Les questions vives de la certification des bacheliers professionnels, leur ressenti, leur vécu, leur réussite n’ont pas été interrogés de façon partagée. En ce moment, la levée de bouclier autour du bac, qu’elle soit autour du dispositif ou autour du déroulement de cette session, ressemble à une lutte de classe. Le gouvernement aurait pu en faire autre chose et éviter ce état de fait, en organisant une réflexion collective. Il ne l’a pas fait, nous mettant par là-même dans une posture philosophiquement et humainement plus qu’inconfortable.

A aucun moment la question ne se pose de façon globale sur ce que c’est qu’éduquer la jeunesse, de quel projet de société veut véhiculer l’école. Formons-nous encore une société, ou des castes plus ou moins influentes ?

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Les pourcentages, c’est pas facile-facile.

La preuve, même le ministre a du mal. Il a loupé son calcul. Déjà que c’est pas une revalorisation mais une prime qui ne correspond pas à la réalité opérationnelle des établissements, en plus le calcul il est pas bon.

Comme quoi, les maths, c’est utile…

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Les maths dans le JDD : l’analyse de Nathalie Sayac

Dans cet article du JDD, on lit d’abord des constants : avant la réforme du lycée, 13 % des élèves de lycée général ne faisaient plus de maths à partir de la classe de première, contre 36 %, après la réforme. Les filles sont 55 % à faire le choix de la spécialité maths en première, contre 75 % des garçons, et 26 % conservent la spé maths en terminale, contre 52 % pour les garçons. 28 % des garçons issus de milieux sociaux très favorisés choisissent l’option maths expertes, contre seulement 14 % des garçons issus de milieux sociaux défavorisés. Voilà pour l’équité.

Voici des extraits de l’article écrit par Nathalie Sayac, professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie, mais il faut aller le lire dans son intégralité :

C’est là une des premières causes de persistance du mythe, la difficulté à imaginer qu’un mathématicien ou une mathématicienne puisse être une personne banale, qui n’aurait ni araignée en broche ni grotte à habiter. On a, en effet, souvent l’image caricaturale d’un personnage avec lunettes et cheveux hirsutes, éloigné des contingences matérielles et de son temps. C’est une image totalement fausse et dépassée, qui persistera tant que les médias, les livres et les manuels scolaires la véhiculeront inconsciemment ou par négligence.

Source

Une autre piste peut être avancée pour expliquer la persistance de la vision élitiste que l’on a des mathématiques. C’est celle de son histoire dans le système scolaire français. Il convient en effet de rappeler qu’avant même qu’elle ne devienne LA discipline de sélection telle qu’on la connait aujourd’hui, cette discipline était réservée aux hommes et particulièrement à ceux issus de milieux que l’on qualifierait aujourd’hui de favorisés.

Ce n’est qu’à partir de 1880 que les femmes ont pu bénéficier d’un enseignement secondaire, et encore, avec un programme mathématique allégé par rapport à celui des hommes, les programmes scolaires n’ayant été unifiés qu’en 1924. En effet, on considérait jusque-là que les enseignements dispensés aux femmes devaient principalement contribuer à les former à devenir de bonnes épouses et mères de famille et qu’elles pouvaient se dispenser d’étudier des disciplines trop complexes, telles que les mathématiques.

source

A la fin de l’article, Nathalie relaie un propos d’élève qui fait vraiment mal :  « les profs ne travaillent que pour ceux qui vont prendre la spécialité Maths en Première et ne se préoccupent pas des autres ». Mais elle explicite d’une façon qui fait changer l’angle de vue : la nature des nouveaux programmes oblige les professeurs à adopter un rythme d’enseignement davantage adapté aux élèves se destinant à poursuivre leurs études en mathématiques qu’à ceux qui ne font pas ce choix : les élèves qui choisissent la spé vont avoir une épreuve de bac à très haut coefficient (coeff 16, soit plus d’un quart du poids dans les épreuves terminales et donc 16% de la totalité des poids), dont leur bac dépend directement. La pression du bac est telle que les enseignants ont cet objectif qui les contraint eux-mêmes et qui écrase le reste : faire réussir leurs élèves au bac. Mais alors l’autre objectif de l’enseignement des maths au lycée, développer la culture, outiller pour comprendre le monde d’aujourd’hui et ses enjeux, ne trouve pas d’espace pour se développer. C’est exactement en ce sens que l’heure et demie en plus proposée en première n’est pas une réponse à nos difficultés : on confond en permanence deux objectifs complémentaires mais différents.

Et au final, ce la continue de nuire à cette si belle discipline, qui s’enferre dans le scolaire et reste à distance de la culture générale.

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Contre l’école injuste

J’avais écrit ici une recension de l’ouvrage Contre l’école injuste, de Philippe Champy, qui a été ingénieur de recherche à l’INRP et a dirigé Retz et Roger-François Gauthier, ancien IGEN. Le livre est publié chez esf sciences humaines. Le CRAP-Cahiers pédagogiques, en partenariat avec les éditions ESF Sciences Humaines, organise le samedi 1er octobre 2022 à 10h un débat éducatif ayant pour titre « Contre l’école injuste », et j’ai l’honneur d’y participer.

À l’heure de la diffusion à grande échelle de fake news et de théories complotistes, apprendre la culture de l’autre est devenu un outillage indispensable pour tout futur citoyen, tous les savoirs dont l’École est responsable doivent être repensés afin d’assumer d’authentiques finalités démocratiques et d’être au clair avec les défis planétaires qui se posent à l’humanité.

Ces questions fondamentales et d’autres encore seront abordées avec les auteurs.

https://www.cahiers-pedagogiques.com/webinaire-contre-lecole-injuste-le-samedi-1er-octobre-a-10h30/

Pour assister et pouvoir participer à ce webinaire, c’est ici.

https://www.cahiers-pedagogiques.com/webinaire-contre-lecole-injuste-le-samedi-1er-octobre-a-10h30/

Attention, deux informations différentes sont passées pour l’horaire mais c’est 10h en fait !!!

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Les fourberies imaginaires de l’école savante du malade avare

Un peu partout dans la presse, on peut lire ceci :

Au cas où on n’aurait pas compris comme nous sommes nuls, le ministre enfonce le clou avec subtilité :

Sur les maths, ce n’est pas une question d’heures de cours, qui sont déjà conséquentes du CP à la Terminale, mais plutôt de méthode pédagogique.

Ca sent le Singapour à plein nez. Mais ça ne sent ni la pédagogie, ni la didactique, justement. Je suis inquiète. Même si en effet, le collège ne fonctionne pas assez bien.

Attendons : d’une part il n’y a rien d’autre à faire, d’autre part nous aurons peut-être une bonne surprise… Ou une moins mauvais que les bruits de couloir…

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Contre l’école injuste !

C’est le titre d’un ouvrage dont je viens de termine la lecture. Il est écrit par Philippe Champy, qui a été ingénieur de recherche à l’INRP et a dirigé Retz (je l’ai d’ailleurs rencontré il y a une semaine, à la journée Brissiaud), et Roger-François Gauthier, ancien IGEN. Le livre est publié chez esf sciences humaines.

Cet ouvrage se lit facilement et rapidement, car il est clair et accessible à tous. Le propos est direct et il ne se limite pas à des constats, mais s’engage dans des propositions. Un webinaire aura lieu samedi prochain, le 1ier octobre 2 022, en présence des auteurs, par les Cahiers pédagogiques.

Inscriptions

Ce que retranscris ici est naturellement subjectif. C’est ce qui m’a plu, frappée, interrogée ou ce avec quoi je n’ai pas été d’accord. En tout cas j’ai apprécié cette lecture, qui m’a fait réfléchir.

Une des premières questions posées et : « que s’est-il passé et que se passe-t-il dans ce pays pour que, depuis cinquante ans, l’Ecole ait connu plus de difficultés résistantes que dans les autres pays similaires ? » Très justement, les deux auteurs identifient un imaginaire collectif particulier comme une cause majeure. Cet imaginaire (dont le propos n’est pas de critiquer l’existence, mais le fait qu’il empêche l’analyse et le progrès) est « composé de croyances en des constructions mentales qui peuvent aller jusqu’au mépris de la réalité » :

  • l’école, basée sur le mérite, serait centrale dans la démocratie,
  • Le système éducatif serait protecteur et adapté à toutes et tous,
  • Les évaluations dresseraient un portrait scolaire juste des individus,
  • Les savoirs enseignés seraient indiscutables et pertinents.

Alors bon, spoiler : non, non, super non et mega non. Je partage le point de vue de messieurs Champy et Gauthier.

Malgré les apparences et les discours, le système éducatif français est devenu relativement indifférent aux savoirs ! Il privilégie sa fonction de sélection et de classement à sa fonction de diffusion à tous des connaissances et des acquis civilisationnels »

C’est vrai, mais cela date. Notre système éducatif est construit sur un modèle anachronique et reproduit inlassablement par celles et surtout ceux qui y ont réussi, qui se sentent parvenus à une hauteur qui leur sied. Les auteurs critiquent le rôle des politiques, des ministres qui chacun s’échinent tristement à laisser leur marque alors qu’ils ne travaillent que dans le « fugace ». Cela les amène à un point saillant de leur propos : « ce qu’enseigne l’Ecole est, selon eux, « le lieu d’un large impensé ». Les disciplines sont morcelées, les savoirs éclatés, chacun court après des pseudo-priorités sans pouvoir participer ou construire un projet global pour l’individu, sans même savoir comment s’articulent les programmes des différentes disciplines. Autant pour « le respect du collectif et de l’intérêt général » que les décideurs prétendent considérer comme prioritaire.

Au passage, le principe de notation chiffrée s’en prend un coup, « aberrant » et « inamovible », hé oui.

Page 58, ce que les auteurs appellent « le piège du disciplinaire » apparaît. Là, je ne sais pas. C’est vrai, la solitude, la singularité qui débouche sur le cloisonnement des disciplines est délétère. Mais la suite de la lecture va plus loin, et peut-être bien vers la tendance actuelle du ministère (donc en fait de la présidence de la république), qui prépare un démantèlement du collège, en espérant rendre les enseignants polyvalents, au mépris même de la didactique des disciplines puisque c’est sans accompagnement (mais la flexibilité est si pratique pour masquer le manque de moyens et le naufrage de l’école). Alors c’est le moment de ma lecture où je deviens pour le moins vigilante. Et pourtant, je pratique au quotidien l’interdisciplinarité, je cherche à oeuvrer dans le sens d’un projet de société et du développement de chacune et chacun. 

Les auteurs reviennent sur la question de ce qui est enseigné, de pourquoi c’est enseigné (et peut-être pas assez de l’importance du comment, à mon sens) : l’école est toujours dogmatique et trop souvent éloignée des réalités, de locales à planétaires. La dichotomie général/technologique/professionnel est absurde et clivante. Philippe Champy et Roger-François Gauthier interrogent même le sacro-saint aspect national du curriculum. Ils se demandent si le faire varier « en fonction de l’environnement régional, culturel, économique et démographique » ne serait pas pertinent. C’est très risqué car il faudrait que ce soit mis en oeuvre de façon éclairée, ce qui selon moi est illusoire vu le manque d’humanisme et d’altruisme de celles et ceux qui sont aux manettes. D’un autre côté, dans un monde idéal, j’aimerais, moi, qu’il n’y ait plus de programme au sens strict, mais des thèmes liés aux compétences à developper pour rendre nos élèves et étudiants autonomes, thèmes que nous développerions en interdisciplinarité au travers de questions actuelles. Alors en fait je crois que nous nous retrouvons bien davantage que je ne l’ai cru pendant quelques pages.

La fin de l’ouvrage propose trois angles d’attaque qui se constituent en révolution :

  1. Définir les finalités de l’éducation
  2. Privilégier l’idée que l’école est là pour éduquer (mmmh, ce point instruction/éducation est passionnant et se discute)
  3. Donner du sens aux contenus pour transmettre de la culture

C’est bien en effet d’une révolution que l’école a besoin, urgemment, contre « une inégalité anthropologiquement inacceptable d’accès aux savoirs ».

Je vous conseille la lecture de ce livre, et d’en débattre.

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Continuité oblique au ministère

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/06/26/pap-ndiaye-annonce-une-hausse-de-remuneration-des-enseignants-en-2023_6132071_3224.html

Un article du Monde annonce ceci, ce matin.

La hausse de rémunération sera composée de deux parts. La première sera non conditionnée et s’appliquera à tous les enseignants. Ce qui implique de passer le salaire de départ des jeunes au-dessus des 2 000 euros net. Ce sera en 2023. Par ailleurs, nous mettrons en place une part salariale conditionnée à des tâches nouvelles.

Des tâches nouvelles ? Monsieur Ndiaye a-t-il idée de l’ampleur de nos tâches, déjà, et sans aucune rémunération supplémentaire ? Et pour un professeur dans chaque classe, on fait comment ? Sur le plan arithmétique ça ne passe pas. Table-t-on sur le fait que dans certaines zones personne n’ira s’insurger, parce qu’élèves et familles ne s’en donnent pas le droit, ou parce qu’on ne leur a pas permis de faire société ?

Tout en faisant vœu de moins de « verticalité » que son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, et en plaidant pour que l’école réduise davantage les inégalités scolaires, M. Ndiaye se place dans la « continuité » de l’action menée ces dernières années et réaffirme qu’il ne reviendra pas sur Parcoursup et la réforme du lycée.

https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/06/26/pap-ndiaye-annonce-une-hausse-de-remuneration-des-enseignants-en-2023_6132071_3224.html

Nous sommes très inquiets. Nos élèves ne sont pas bien préparés en mathématiques, la formation se réduit, le métier n’attire pas… Quelles solutions, à part remettre complètement en cause une vision de la société, ce à quoi nos décideurs ne semblent absolument pas prêts, entre autres parce que leurs enfants à eux bénéficient de possibilités de contournement des obstacles rencontrés par les autres enfants ?

Un autre des multiples problèmes qui se pose est que ces décideurs n’ont aucune culture scientifique, particulièrement mathématique. De ce fait ils ne voient même pas ce que les mathématiques apportent, comment ils s’associent à toutes les autres disciplines, leur rapport particulier à la vérité, l’importance de la démonstration. Ils le vivent au quotidien d’ailleurs, nous le montrent.

On n’est pas sortis du sable. C’est vraiment très inquiétant.

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Projet Remédiation Tests de Positionnement

Pour commencer la journée à Limoges, je profite de l’intervention de monsieur Arzoumanian, IA-IPR dans l’académie et doyen des inspecteurs.

Monsieur Arzoumanian a commencé par donner les infos dont il dispose aujourd’hui pour l’option du tronc commun : les programmes devraient être validés durant la première semaine de juillet, disponibles pour les enseignants la deuxième semaine de juillet, et pour le moment on n’a aucune info sur la pérennité ou l’aspect temporaire de ce dispositif.

Le projet présenté aujourd’hui, RTP, a été développé par des enseignants (8 initialement, 35 aujourd’hui), en réponse à la question :

On fait quoi avec les résultats des tests de positionnement ministériels ?

Un écueil était que les items ne peuvent pas être libérés : si on veut pouvoir comparer les performances des élèves au fil du temps, le fait de les libérer risque d’introduire des biais qui rendent l’opération inutile pour l’objectif visé. De ce fait, la DEPP a libéré 45% des items et a conservé le reste. Depuis 2020, les enseignants ont accès aux réponses des élèves. Mais alors maintenant que l’étude des résultats est rendue possible, qu’en fait-on, et comment ?

RTP, c’est une plateforme contenant des parcours adaptatif en maths, de l’école au BTS, qui interagit avec l’élève. Elle est en lien avec les tests de positionnement, mais pourrait aussi vivre indépendamment de ces tests. La plateforme est RGPD, gratuite et accessible à tous les enseignants de France métropolitaine, des DROM et des AEFE. Il faut juste disposer d’une adresse académique. Tout se fait en ligne, sur ordi ou sur tablette. Aucune installation n’est nécessaire (mieux vaut éviter Safari, qui rend l’utilisation élève possible, mais la récupération par l’enseignant difficile).

RTP s’inscrit dans des objectifs de révisions, d’évaluation formative, formatrice, diagnostique. Des aides sont accessibles pour les élèves, avec juste quelques indications, sauf en mode starter. Des mises à jour sont prévues pour juillet : lorsque la réponse est fausse, on indique pourquoi à l’élève. La société Grain’s up.  a contribué gratuitement pour rendre le projet opérationnel.

En septembre 2022, il y aura aussi des parcours pour lycées professionnels/CAP et lycées généraux et technologiques au niveau seconde. Chaque parcours contient 70 items. Trois axes de recherche ont été travaillés : les types de tâches (adossés à Chevallard, en partenariat avec le LDAR), l’écriture des items (Dieudonné Lecleccq, la conception des questions à choix multiples; éducation 2000, youpi j’ai de la lecture) et les facteurs de complexité/de compétences (LDAR encore).

Monsieur Arzoumanian a développé la méthodologie de détermination des questions-distracteurs : lorsqu’on propose des propositions dans un QCM, il faut veiller à éviter les distracteurs trop attirants, non pertinents, et avoir un nombre pair de réponses, sans quoi les élèves ont tendance à taper au milieu. Si on veut pouvoir analyser les feed-back, c’est vraiment important. Il faut que toutes les propositions soient aussi longues, vraisemblables, complexes.

Ensuite, nous avons joué à répondre à des questions, et nous avons réfléchi à la difficulté des questions, perçues par les enseignants concepteurs par rapport aux enseignants en classe. En fait, quand on crée des questions, on a tendance à minimiser la complexité. Et ça, c’est très intéressant. Philippe Arzoumanian nous a présenté des critères ordonnés, en lien avec la recherche, et maintenant j’ai vraiment envie de me cultiver là-dessus (avec la thèse de Nadine Grapin, encadrée par Nathalie Sayac, ici en version intégrale ou là en résumé).

Des parcours, dont plusieurs sur l’éducation financière (EDUCFI) pour rendre autonomes et avertis les jeunes dans leur vie courante, sont en préparation.

Cette intervention était instructive, motivante et claire. J’ai vraiment de la chance d’assister à ce type d’événements : qu’est-ce que j’apprends comme choses, que je peux réinvestir dans mes pratiques au quotidien ! Moi, j’ai envoyé mon mail d’accès, à l’adresse rtp.insp@ac-limoges.fr, en indiquant mon identité et le nom et lieu de mon établissement d’exercice, avec mon adresse institutionnelle. Et vous ?

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Halte à l’élitisme.

Voilà une très belle intervention : Elise Huillery, professeure d’économie à l’université Paris-Dauphine, résume de façon lumineuse la situation de l’école en France dans cet extrait :

Une année d’études supérieures en plus, ça a un coût, mais ça a un effet causal sur des éléments comme l’espérance de vie, l’accès à la citoyenneté, etc. Faire des études supérieures, c’est rentable. Il ne faut pas se contenter de la gratuité de l’enseignement supérieur. Elle ne suffit pas. Il faut aussi payer du logement étudiant et de quoi vivre. Il faut avoir des politiques beaucoup plus volontariste, pour aider via un salaire étudiant les catégories populaires et les classes moyennes à pouvoir véritablement suivre des études supérieures.

Il faut un changement d’approche global du système éducatif qu’il faut effectuer.

Si on ne change rien aux logiques d’évaluation et de sélection, le gain d’apprentissage dans les différents dispositifs comme le dédoublement des CP est minime. C’est bien d’apporter des ressources, de faire de l’accompagnement, des réductions de tailles de classe (…), mais sans changer la philosophie qui consiste à sélectionner dès le CP (…) on n’atteindra pas de meilleurs niveaux d’éducation et on ne réduira pas les inégalités scolaires.

Elise Huillery

Là où je ne suis pas du tout d’accord, c’est sur l’obligation institutionnelle prétendue de répartir nos élèves en 1/3-1/3-1/3, entre un niveau haut, moyen et bas. Non, nous ne sommes pas contraints de nous en tenir à une courbe de Gauss. Je ne ressens aucune pression de cet ordre et moi aussi mon objectif est que tous mes élèves soient en réussite à l’issue des séquences d’apprentissages, ce qui est présenté comme l’objectif « normal » des enseignants américains. C’est vrai, la culture de l’évaluation en France est élitiste et prégnante, et la constante macabre existe (j’apprends d’ailleurs avec tristesse la mort d’André Antibi), mais la majorité des enseignants lutte pour que ce ne soit plus le cas. Les enseignants savent que notre système est inégalitaire, particulièrement inégalitaire, et cherchent à lutter à leur échelle.

Camille Peugny, sociologue, professeur à l’université de  Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, intervient aussi, en particulier sur la réforme du lycée :

C’est difficile de suivre les méandres de la pensée gouvernementale. Mais supprimer les mathématiques du tronc commun étant sans doute une erreur.

La massification de l’enseignement, elle est réelle. Mais attention : on est à moins de 50% de baccalauréat général chez les personnes de 18 ans. La massification n’est pas la démocratisation ; la démocratisation n’est pas à la hauteur. 100 000 jeunes quittent le système scolaire avec au plus le brevet des collèges.

Il est difficile d’accéder à une véritable démocratisation tant qu’on n’interroge pas fondamentalement l’orientation de notre système éducatif. Il est particulièrement élitiste, davantage tourné vers la nécessité de sélectionner une petite élite plutôt que de donner le maximum de compétences au plus grand nombre de gens. On le voit dans la pratique de l’évaluation précoce, qui vise davantage à sanctionner ce que les élèves ne savent pas faire plutôt que ce qu’ils savent faire, (…). Si les élèves arriveront toujours inégaux à l’école, les années où il est possible de réduire ces inégalités ce sont les premières, or nous dépensons moins pour l’école primaire que les autres pays de l’OCDE. Autre symbole de l’élitisme : on va dépenser 60% de plus pour un étudiant en classe préparatoire plutôt que pour un élève de premier cycle universitaire.

Camille Peugny

Camille Peugny évoque les classe hétérogènes, en citant une étude qui montre que les élèves en réussite réussissent moins bien lorsqu’ils sont concentrés dans une même classe. On savait depuis longtemps que l’hétérogénéité est un meilleur plan que des classes de niveau, mais entendre clairement qu’elle est préférable même pour les « bons élèves » fait du bien.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-invite-e-des-matins/baccalaureat-la-massification-scolaire-ne-fait-pas-l-egalite-9979687

Je suis très inquiet, en tant que citoyen et pas seulement en tant que chercheur, de voir comme le métier m’enseignant semble dévalorisé et semble perdre complètement son attractivité. Probablement paie-t-on aujourd’hui le faible niveau de rémunération des enseignants, mais il est lui-même lié aux discours que la société tient sur l’école et tient sur les enseignants depuis trente ans. Le niveau de rémunération d’un métier tient aussi à l’image sociale qu’on en a.

Il y a une souffrance, chez une partie des enseignants, de devoir mener une politique dévaluation, de tri. Le but de notre système éducatif n’est pas simplement de classer et de trier des élèves mais aussi de les former, d’en faire des citoyens, de les préparer aussi, au bout d’un moment, à la vie professionnelle, mais qu’on se donne 5, 6, 7, 8 ans sans évaluations, avec une vraie mixité sociale, des enseignants bien formés qui exercent un métier qui est valorisé socialement, alors on aura progressé.

Camille Peugny
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Réaction du bureau de l’APMEP au projet de programme de première en mathématiques

Le bureau de l’APMEP a écrit et publié un communiqué qui pose sa réaction devant le projet de programme de mathématiques de première.

L’APMEP a pris connaissance du projet de programme de mathématiques dans le cadre de l’enseignement scientifique et mathématique, en classe de première. Le ministère, sous pression, propose en urgence un aménagement inadapté sur une structure que nous dénonçons depuis le début avec force et sans relâche.

Ce n’est pas acceptable car cela ne permettra pas une formation de qualité.

Le projet de programme, aux allures de catalogue, renforce l’instrumentalisation des mathématiques sans leur donner de perspective culturelle et sociétale, ni les considérer comme objet d’étude. Or, le tronc commun doit contribuer à diffuser et à partager une culture commune. L’horaire annoncé (une heure et demie par semaine) ne permet pas la formation de l’ensemble des élèves à l’activité mathématique et le traitement de la totalité des contenus.

Le CSP s’est appliqué à répondre à la commande ministérielle qui n’était pas raisonnable. Nous dénonçons aussi le projet de programme comme ne répondant pas aux enjeux de formation du citoyen éclairé. S’il propose des thèmes incontournables, nous identifions le peu de finesse dans son contenu et le manque de souplesse dans son déploiement. L’articulation avec l’option mathématiques complémentaires n’est pas pertinente ; le risque perdure d’une aggravation de la désaffection des filles pour la spécialité de mathématiques.

Comment réconcilier les élèves avec les mathématiques avec les contenus proposés avec un si petit horaire ? L’APMEP demande, encore et toujours, la création d’une deuxième spécialité de mathématiques, complétant un enseignement de mathématiques du tronc commun, ainsi que la possibilité de conserver en classe de terminale les trois spécialités choisies en classe de première. Elle ne se satisfait pas de ce projet de programme, tant sur son contenu stéréotypé que sur sa déclinaison dans les établissements.

L’APMEP craint la grande souffrance qu’engendrera la mise en œuvre de cette proposition pour les élèves, leurs familles et les équipes éducatives.  

Le bureau national

https://www.apmep.fr/Reaction-du-bureau-de-l-APMEP-au