A quoi ça sert les maths ?·Activité rigolote·C'est bien pratique·Culture mathématique·Enseignement·Expo de maths·Formation·Je suis fan·Maths pour tous·Mots de maths·Parole·Partager les maths·Tous ensemble !

Balade mathématique, mode d’emploi

J’ai reçu une question sur les balades mathématiques : comment organiser au mieux ? Alors voilà comment je m’y prends, et ce n’est évidemment que ma façon de procéder mais qui s’appuie sur de nombreuses expériences, de la maternelle au lycée.

En amont, pour le prof

D’abord, il faut s’entraîner : l’enseignant a tout intérêt à faire lui-même sa balade, tout seul, en famille ou entre collègues. Cette prébalade a plusieurs objectifs : développer son propre regard mathématique, trouver des exemples de situations à proposer aux élèves sans inspiration immédiate et trouver des supports pour tous les domaines des maths scolaires (et pas qu’en nombres et calculs, ou en espace et géométrie, ou en grandeurs et mesures). De plus, cette prébalade est l’occasion de trouver des trajets alternatifs si besoin : comment raccourcir, rallonger la balade, par où passer au retour pour changer de l’aller par exemple.

L’organisation pratique

Ahlala, ce n’est pas ma partie préférée, mais elle est cruciale : sans elle, impossible de réaliser quoi ce que ce soit. Il va falloir penser aux autorisations de sortie, à quel matériel pour prendre les photos (les téléphones des élèves ? Mais en ont-ils tous? Et s’il y a de la casse, pas glop ; ou alors des tablettes du collège ?), à comment la classe va être répartie en groupes (pour une balade, on peut aller plus loin que pour des travaux en classe : des groupes de 5 sont envisageables). Il faut aussi penser aux accompagnateurs : combien, qui ? Il sera nécessaire d’ailleurs d’expliquer le principe et les règles de la balade aux accompagnateurs aussi, pour que leurs interventions soient productives et compatibles avec nos objectifs. Enfin, il faut prévoir un plan B s’il pleut trop fort.

La préparation en classe

Demander aux élèves de trouver des situations de problèmes dans leur environnement n’est possible que s’ils ont compris ce qu’est un problème, et qu’ils ont une culture des problèmes en maths. Sans un répertoire suffisamment développé régulièrement, l’exercice risque d’être périlleux et frustrant pour tout le monde.

Pour bien préparer le moment de la balade, je propose d’abord, dans l’année, des photo-problèmes façon maths en vie, d’abord avec des consignes que j’ai posées, et plus tard en inventant des consignes. C’est un très bon préalable, qui garantit une véritable activité mathématique le jour de la balade. Lorsque les élèves inventent des consignes, nous parlons beaucoup de l’explicite : il faut des consignes compréhensible par toutes et tous, et c’est clairement le plus difficile à atteindre. Mais en le travaillant de façon détendue, on progresse rapidement, en s’amusant. Travailler ainsi sur le langage et la faon dont on est assuré d’être compris par autrui est crucial pour l’avenir de nos jeunes.

Je montre aussi aux élèves des photos prises les années précédentes, mal cadrées ou floues. Prendre correctement une photo qui traduit ce que l’ont veut montrer n’est pas si simple.

Avant de partir, il reste encore des points à préciser : le droit à l’image doit absolument être clair pour tout le monde. On en prend pas de photo des camarades, même s’ils sont d’accord, même « pour rigoler », point. Même chose avec les passants. Et puis dehors, on véhicule l’image de chacune, de chacun, de l’enseignant et de l’établissement, alors on se tient bien ! Enfin, il est toujours utile de repréciser qu’on part faire des maths. Et d’ailleurs, c’est quoi, faire des maths ? prenez donc le temps de poser la question aux élèves, d’écouter leurs propositions et de vous trouver votre réponse. C’est très instructif.

Tout juste avant de partir, pensez à emmener une ficelle, une règle ou, mieux, un tasseau, une équerre de tableau. C’est pratique pour indiquer des informations sans avoir à les rajouter de façon plus ou moins artificielle sous forme de consigne écrite, qui doit être limitée au maximum.

Une fois dehors

Les élèves sont par groupe, et on n’opère aucun échange. Si possible il y a un adulte par groupe, et de toute façon l’enseignant responsable limite les déplacements de façon à toujours avoir tout le monde en visuel, à portée de voix et d’intervention rapide.

Pour ma part, j’ai une règle : lorsqu’un groupe a une idée, il doit en faire part à son adulte référent. Ainsi, les élèves sont obligés de la formuler, de verbaliser, et l’adulte peut ou non autoriser la photo. Je dis non à une bonne photo mise en mots de façon incompréhensible, ou à une intuition pas mise en mots du tout. Car l’objectif n’est pas de ramener des photos (ça, je peux le faire moi-même), mais des associations photo-consigne qui soient déjà le résultat d’une activité mathématique, et en permette une autre : la résolution de problèmes.

Et après ?

Les élèves pourront opérer une sélection, mais je conseille à l’enseignant de faire un premier tri. Ensuite, on va constituer un répertoire de problèmes, avec des consignes, et les faire résoudre par les groupes qui n’ont pas pris cette photo-là. Echanger avec une autre classe est aussi très sympa. En fait, après, c’est encore toute une aventure. Mais la question portait sur l’organisation, alors je réponds à la question !

C'est bien pratique·Culture mathématique·Expo de maths·Je suis fan·Maths pour tous·Mes projets·Mots de maths·Parole

Même dans les bouchons il y a des maths

Hier, je revenais du collège, et ça bouchonnait à la demi-lune. Et là, que vois-je à ma gauche ? Des maths.

Consigne : décris le logo de cette entreprise avec des mots mathématiques :

C’est un bon petit exo de reprise de long weekend, ça. De la 6e à la 4e (parce que je n’ai pas de 3e). Il y a un paquet de choses à dire, en fait, y compris en mobilisant des savoirs spécifiques aux niveaux de classe : en 5e angles et parallélisme, en 4e les configurations de Thalès, dans les deux cas les agrandissements-réductions. Il y a aussi un fort joli cerf-volant, qu’on ne rencontre pas si souvent. Et puis on peut se poser des questions de symétrie.

Actualité·Allez les jeunes !·Au collège·Chez les élèves·Ecouter·Education·Evénement·Ici et ailleurs·Parole·Tous ensemble !

Quand un avant définit un aujourd’hui

J’ai écrit tout à l’heure un article sur un album qui parle du déracinement des enfants dont les familles fuient la guerre, et cela m’a rappelé un moment d’intense émotion la semaine dernière.

J’ai quatre élèves qui ont fui la guerre, dans une classe. Pas la même guerre, mais la même violence. Si tous et toutes le ressentent, le soulagement d’être en sécurité est vécu différemment selon les enfants et aussi selon les moments. Certains ont laissé derrière eux des proches, voire des très très proches. Et puis « leur » pays, c’est compliqué à définir, du coup.

En particulier, un élève qui commence à bien parler français participe avec régularité et enthousiasme. Jusqu’ici, cet élève me disait souvent des choses du type « chez moi, la division on la pose comme ça… », « chez moi, on note ça de cette façon… » Et la semaine dernière, il m’a dit :

Dans mon école d’avant, …

C’était la première fois. Peut-être n’est-ce pas du tout signifiant, mais quand même, peut-être que si. Peut-être il soigne un peu son déchirement si profond et si intime. Cette parole m’a vraiment touchée. Dans cette expression, « Dans mon école d’avant », il y a un maintenant qui existe différemment.

Je me demande si nos élèves mesurent comme nous les écoutons, comme nous analysons leur langage, le choix des mots, les pauses et les soupirs. Sans doute pas : ils ne seraient pas aussi naturels. Tant mieux.

Activité rigolote·Allez les jeunes !·Au collège·Chez les élèves·Chez les collègues·Culture mathématique·Didactique·En classe·Expo de maths·Je suis fan·Maths en vidéo·Maths pour tous·Merci les copains·Parole·Partager les maths·Représenter·Sixième·Tous ensemble !·Vidéos

Julien Dudu <3 les axes de symétrie

Ce matin, en sixième, nous avons traité ce problème Dudu :

Le problème a super bien motivé les élèves. Nous avions déjà réactivé la symétrie axiale, mais mon propos était de les faire passer de la géométrie perceptive à une géométrie plus déductive, en introduisant la médiatrice. Comme à chaque fois que le leur parle un peu didactique, les élèves ont été très intéressés : savoir qu’on monte en compétences, qu’on fait des maths plus de matheux, et comprendre le mode d’emploi pour y parvenir est toujours populaire.

Après un visionnage unique (ils commencent à être habitués à se concentrer directement), je n’avais pas encore demandé de quoi il est question dans la vidéo que les mains étaient levées :

C’est Julien, il a mis du carrelage qui est super joli, mais il est pas content parce qu’il voulait que chaque carreau ait des axes de symétrie, mais on s’en fiche des couleurs, ce qui compte c’est les motifs. Donc il se demande s’il faut enlever des carreaux. Et c’est bizarre, on voit pas les joints sur on carrelage.

J’ai vu que j’avais affaire à un expert… qui avait très bien reformulé la question. Nous avons réfléchi à quels axes possibles dans un carré, pour circonscrire la recherche, et hop, tout le monde s’y est mis avec allégresse.

Nous avons bien trouvé des carreaux sans axe de symétrie… Alors que dire à Julien, ai-je demandé ?

Bin faut qu’il les enlève, ceux qui vont pas.

Ah bon, c’est grave, vous trouvez ?

Ah oui, moi j’y avais jamais pensé mais c’est super énervant si y a des carreaux qui ont des axes et d’autres non.

Oui, il a raison Julien.

Et puis même si on pense pas comme lui, lui il veut des axes et c’est son carrelage, pas le nôtre.

Les voix de la sagesse. J’adore ces enfants.

La prochaine fois, on décortique la médiatrice d’un segment.

C'est bien pratique·C'est pas des maths!·Enseignement·Jouer·Parole·Tous ensemble !

Nomme-moi…

Nous avons testé nomme-moi, un jeu coopératif ou pas, comme on veut. C’est très très bien, ce jeu. Je suis surprise car j’y ai cru ne pas aimer à la lecture des règles et en fait c’est vraiment très chouette et très adapté avec tout type de personnes.

A son tour on retourne une carte. Dessus il y a la désignation d’une catégorie : ce qu’on aime manger, ce qu’on aime ou pas en soi, des choses qu’on perd souvent, qu’on aime toucher, qui sont faciles pour soi… Le joueur lance le dé et il ou elle doit énoncer le nombre désigné par la face obtenue dans cette catégorie.

C’est très chouette car cela invite à réfléchir, souvent sur soi, et à verbaliser. Mais très vite on échange en cherchant à comprendre l’autre, en lui faisant préciser sa pensée, on nuance aussi beaucoup. Le développe clairement l’empathie, en douceur.

Certaines cartes m’ont intriguées : celle de gauche parce que je ne vois pas le rapport entre l’image et la consigne et qu’en plus la consigne est sujette à interprétations. Et celle de droite parce que ça veut dire quoi « difficile à compter » ?

Je n’aime pas ces cartes-ci, mais elles peuvent justement servir de base pour parle stéréotypes :

Enfin, plein de variations sont possibles et sympas : répondre en langue étrangère, en LSF par exemple. On peut jouer de façon collaborative et le jeu s’adapte à tous les âges. On peut aussi jouer en grand groupe mais alors on peut peut-être lancer le dé plusieurs fois ou observer ce qui revient le plus ou le moins souvent, ou comment la consigne a été interprétée.

Ce jeu est un super support pour faire naître la parole et l’argumentation, pour travailler les langues en général et pour travailler l’implicite.

A quoi ça sert les maths ?·Activité rigolote·Actualité·Allez les jeunes !·école·BRAVO!!!·Chez les élèves·Chez les collègues·Cycle 3·En classe·Enseignement·Je suis fan·Maths pour tous·Merci les copains·Parole·Partager les maths·Tous ensemble !

Les Dudu en CM2

Ce matin, je suis intervenue dans la classe d’Aline Mollien, à Mont Saint Aignan, pour que nous menions une séance de recherche de problème en vidéo, à partir d’une situation des Dudu. La semaine prochaine, rebelote, mais avec des caméras et tout, alors nous voulions nous caler pour toutes les questions matérielles et donner des repères aux enfants. J’ai passé une matinée fantastique. Aline est de ces enseignantes qui font que la classe est en activité, réflexive, paisible, où l’inclusion n’est pas une question. C’était vraiment extra.

Nous sommes parties de cette situation :

Les élèves ont visionné deux fois le problème, en prenant des notes la deuxième fois, et nous sommes arrivés à un consensus. Ensuite, même travail sur la question, où nous ne sommes pas arrivés à un consensus mais c’était très bien ainsi, et d’ailleurs Arnaud en parle lui-même ici, de la question posée.

Globalement, la situation est la suivante : j’ai 14€, je dois acheter une baguette à 1,10€. Les croissants coûtent 0,85€ et les pains au chocolat coûtent 0,90€. Combien puis-je en acheter au maximum, avec l’idée de dépenser tout mon argent ?

Les élèves, après une courte réflexion individuelle, ont été répartis en groupe, et zou on cherche. Une fois leur recherche aboutie ou avancée (on a le droit de ne pas trouver, mais on raconte nos aventures mathématiques, c’est ça qui compte et nous fait avancer collectivement), ils ont consigné leurs idées, propositions et difficultés sur une affiche.

Ensuite, chaque groupe est passé raconter, justement.

Aucun groupe n’a procédé de la même façon. C’était super chouette, toutes ces façons de réfléchir et d’envisager le problème différemment. Un élève aurait trouvé une solution à 14€ pile s’il avait eu plus de temps, mais les autres sont fait des propositions différentes :

Quand nous avons repris les solutions, j’ai d’abord répondu à la première question posée par les élèves : est-ce qu’on pouvait trouver 14€ pile ? Pendant leurs présentations, je réfléchissais à la façon dont j’allais leur présenter la solution, en étant claire et accessible. Mais le groupe que j’ai entouré sur la photo ci-dessus m’a donné la solution :

Regardez, ce groupe a trouvé que la baguette, 13 croissants et 2 pains au chocolat me laissent 5 centimes. Ce 5 centimes m’a donné une idée. Il est à mettre en lien avec autre chose…

C’est ce qui reste de plus petit ?

Oui, mais je le vois autrement.

Je sais ! C’est ce que coûte de plus un pain au chocolat par rapport au croissant.

Et là, ça a été immédiat : de nombreuses mains se sont levées : si j’enlève un croissant, je récupère 0,85€, et avec les 0,05€ qui me restaient, cela me donne pile-poil un pain au chocolat. Nous voici donc avec une solution supplémentaire.

Alors maintenant, discutons, jeunes gens : quelle est la meilleure solution selon vous ?

C’est 7 et 7, parce que ça fait plus de choix.

C’est 12 et 3 parce qu’on a une viennoiserie de plus

Les deux points de vue sont acceptables, en fait.

Mais les Dudu, ils voulaient dépenser tous leurs sous…

Oui, mais ils demandaient ce qu’on en pense. Et dépenser tout son argent, c’est pas forcément très malin, si on peut avoir ce qu’on veut pour moins cher.

C’est vrai. C’est très vrai.

Je vous laisse avec les productions des élèves. Leurs présentations orales ont permis d’éclairer la démarche de certains groupes, qui ne sont naturellement pas complètement explicites sur les écrits. Les prestations orales ont d’ailleurs toutes été impressionnantes, avec une grande liberté de parole, qui va avec une tolérance de toutes et tous. Par exemple, le premier groupe a expliqué avoir choisi 7 et 7 parce que 2×7=14, et que cela fournissait une valeur approchée qui semblait un point de départ raisonnable. Un autre a expliqué être parti sur 2 croissant et 2 pains au chocolat parce que cela donnait une somme entière. Un autre encore a expliqué avoir tout fait en centimes pour éviter les décimaux partout :

Là, je vais dans la classe de Christelle. Mais en rentrant je vous raconterai la conversation qui a suivi, après le problème. C’était un moment de pur bonheur…

Allez les jeunes !·Au collège·BRAVO!!!·Chez les élèves·Ecouter·Enseignement·Je suis fan·Merci !·Parole·Quel beau métier·Question de grand

A quoi ça sert les maths, par un élève de sixième

Après avoir été filmés, observés, interrogés, voire carrément scrutés ce matin pour une activité type inclusion universelle, avec mes élèves de sixième, nous nous sommes livrés au jeu des interviews. J’ai participé en tant qu’intervieweuse, pour que nous puissions recueillir un maximum de paroles d’élèves. Un élève m’a cueillie joliment :

A ton avis, qu’est-ce que je voulais faire, moi, au travers de cette séance ?

Baaaah, comme d’habitude madame, nous apprendre à penser.

Et boum.

Activité rigolote·Chez moi·Didactique·En classe·Faut que je fasse mieux·Mes projets·Oups·Parole

Tu vois le tableau ?

Cet après-midi, après deux voyages à Ikea pour avancer notre projet bibliothèque, j’ai avancé un autre projet qui va bientôt aboutir, sur les résolutions de problèmes. J’avais envoyé un schéma de résolution à mon éditeur, dont il ne pouvait rien faire, en tout cas c’est ce que le graphiste lui avait dit. Bon, ok, je reprends mon schéma.

Mais qu’est-ce que c’est que ce truc ??? Qu’est-ce que j’ai voulu dire ? Ouaaaaah…

Alors bon, j’ai pris mon temps, j’ai remis en ordre, et surtout j’ai restructuré : c’était une trace écrite de tableau, au départ. Sauf qu’une trace écrite de tableau, en classe, avec des élèves et tout, ça vit, ça prend du sens mais ce n’est manifestement pas fait pour être transmis de façon décalée dans le temps.

Cela me donne très envie de l’intéresser aux traces écrites enseignantes de tableau. On doit apprendre plein de choses en les analysant. Sur celle que j’avais laissée, il y avait de belles approximations symboliques et langagières, du genre qui piquent aux yeux une fois sortis de la classe. Et puis elle montre aussi une co-construction : on y lit les ralentissements, les accélérations et les détours. C’est très rigolo. Je vais regarder mes tableaux, je crois.

Allez les jeunes !·Au collège·Chez les élèves·Compétences·Cycle 4·Dans les copies·Didactique·Enseignement·Evaluer·Je suis fan·Maths pour tous·Mots de maths·Parole·Partager les maths·Prof power

Les symétries

En cinquième, on étudie la symétrie centrale. C’est nécessaire pour travailler le parallélogramme, mais c’est tout bizarre : c’est une rotation, en fait. Et comme les élèves ont travaillé la symétrie axiale depuis le CP en la nommant « LA symétrie », ils ont des représentations très fortes qu’il faut déconstruire d’un coup pour faire de la place à la symétrie centrale.On y arrive, progressivement, et aussi à l’aide de l’application Transformations de Christophe Auclair, qui me permet de travailler la symétrie axiale rtoute seule, sur des points, puis sur des figures, puis d’adjoindre la symétrie axiale et de recommencer des exercices similaires pour distinguer les deux.

Et même là, alors que les élèves sont en réussite, quand on repasse sur papier, boum, certains chutent, par habitude de la symétrie axiale. Parfois dans un même exercice ils réussissent et se trompent :

Mais ce qui est encore plus intéressant sur la symétrie centrale, c’est comme les élèves s’approprient différemment les différentes interprétations de la définition : le centre de symétrie comme milieu du segment d’extrémités un point et son image, la rotation d’angle 180° ou la vision du retournement plus élémentaire. Ou un mixte de plusieurs façons d’envisager les choses. C’est chouette, car cela en dit beaucoup sur la façon de penser de chacune et chacun. Je pourrais écrire tout un portait robot de démarches mentales de mes élèves. Peut-être même que sur le plan de leur pensée mathématique j’en sais plus qu’elles et eux sur elles et eux-mêmes.

A l'attaque !·A quoi ça sert les maths ?·Allez les jeunes !·Au collège·Calcul mental·Chez les élèves·Cycle 4·En classe·Mots de maths·Parole·Partager les maths·Quatrième

7/20 % de chances, c’est pas beaucoup.

Il y a quelques jours, en quatrième, nous avons réactivé le thème des probabilités. Les élèves l’ont déjà travaillé en cinquième : depuis les programmes de 2015, les probabilités sont étudiées mathématiquement dès le début du cycle 4. C’est plutôt un point positif, car c’est un sujet accessible, propice à la modélisation, riche en représentations diverses, en lien avec l’environnement des élèves, facilement appuyé sur le ludique, support intéressant pour développer le langage… Et puis l’étude des probabilités échappe un peu à l’aspect cumulatif des mathématiques scolaires, en demeurant abordable sans pré-requis particuliers jusqu’à la classe de seconde. C’est une respiration bienvenue pour tout le monde, le moment de raccrocher sans peine des wagons. Mais il y a un revers à la médaille : nous, enseignants, nous répétons beaucoup en probas, sans grandes nouveautés sur plusieurs années. En cinquième on découvre la notion de probabilité, mais on peut déjà aller assez loin : on calcule des probabilités dans des cas simples, mais les élèves ont des tas de questions et sont aptes à comprendre au-delà des attendus de leur niveau de classe. En quatrième on modélise davantage, on convoque un vocabulaire plus développé, les situations étudiées sont plus riches. En troisième le lien entre fréquences et probabilités doit être posé, mais on peut l’avoir mis à jour bien avant.  Les situations s’enrichissent encore, on utilise le tableur ou la programmation pour alléger les calculs répétitifs ou simuler l’aléatoire.

Alors il y a toujours un risque pour que les séquences de probabilités soient plan-plan, surtout en quatrième. Je n’aime pas trop ça, dans ma pratique, la plan-planitude. J’essaie de ruser en combinant inégalité triangulaire et probabilité, au travers d’une activité que j’aime beaucoup et qui rend les élèves actifs et découvreurs, ou bien nous mettons en œuvre l’expérience des aiguilles de Buffon, ou bien nous nous lançons dans des manipulations qui mènent à des modélisations intéressantes et des utilisations vraiment bienvenues des outils numériques, ou bien nous réfléchissons à partir de l’excellent jeu Avé ! ou de la cible dont j’ai équipé ma classe. Cette semaine, c’est pourtant un exercice de base qui m’a fourni un matériau de choix pour comprendre les besoins de mes élèves et devoir remédier au pied levé, ce qui me réveille toujours joyeusement les neurones.

Nous travaillions un exercice du manuel de classe, avec une situation classique : une urne, des boules de trois couleurs différentes, des probabilités à déterminer. L’urne contenait 20 boules, dont 7 vertes. A la question « quelle est la probabilité d’extraire une boule verte lors d’un tirage aléatoire », je m’attendais au classique « 7 », au prévisible « 7/3 » (car il y a trois couleurs différentes de boules), aux ricanements nerveux de quelques élèves car on parle de boules, ce qui est vraiment trop rigolo. Mais en fait, j’ai obtenu une erreur bien plus délicate :

L’élève, K, qui a résolu l’exercice au tableau a bien identifié les issues de l’expérience aléatoire, a dénombré l’effectif total de boules, a écrit une fraction de façon fort pertinente, et là, paf, a adjoint à son 7/20 un symbole de pourcentage. Lorsque je lui ai demandé de m’expliquer ce qu’il avait écrit, K m’a expliqué : « 7 c’est les boules vertes, 20 c’est toutes les boules possibles, donc 7/20. » Ok, ai-je renchéri, mais tu as écrit « % », après 7/20. « Bah oui », m’a répondu K, « c’est des chances donc faut que je réponde en pourcentages ».

Jolie représentation initiale, mais erronée. Alors j’ai fait appel aux camarades de K pour proposer de remédier à l’erreur de leur camarade, et j’ai globalement fait un flop. 7/20 ou 7/20 %, même combat. Bon bon bon. Le sens du pourcentage n’est pas posé. Les élèves savaient me dire que %, c’est « pour cent », mais que ce soit « sur cent » était un pas qu’ils n’étaient pas prêt à franchir. Ces élèves  utilisent le symbole « % » comme un symbole d’unité. Ce qui est intéressant, c’est que toutes et tous, ou presque, savent calculer 50%, 10%, 1% d’une grandeur, et donc, si on leur en laisse le temps, à peu près n’importe quel pourcentage d’une grandeur. Et là, ils donnent du sens à ce qu’ils font. C’est un peu comme si le % avait là une « valeur » différente parce que nous nous plaçons dans le champ des probabilités, comme s’il était une signature des probabilités. Obstacle supplémentaire : K était entré dans sa phase de déception amère et d’auto-dénigrement que je lui connais bien maintenant. Mais je savais que je pouvais renverser la tendance, aussi, car K et moi sommes tous les deux du genre tenace, mus par le même projet : qu’il comprenne. Être tenace ensemble est un puissant moteur pour moi.

Je suis revenue à ce que signifie 7/20 : selon K lui-même, c’est « 7 chances sur 20 possibilités ». Et quand on écrit un nombre sous forme de pourcentage, que cela signifie-t-il ? Qu’« on a 100 possibilités » Mais alors pourquoi écrire ici un pourcentage, si on n’a que 20 possibilités ? « Parce qu’on peut faire comme si, et imaginer qu’on a 100 possibilités en faisant comme si c’était proportionnel ». Ah, c’est mieux, ça, ça m’ouvre une porte. Comment imaginer qu’on a une situation similaire mais avec 20 boules dans l’urne ? « C’est facile madame : on multiplie par 5 parce que 5×20 ça fait 100. Donc on multiplie aussi en haut sinon ça change tout. Ça fait 35/100 ».

Là, moment de suspension. Je vois des regards qui traduisent de la réflexion, d’autres perplexes. J’attends. Je me tais. C’est difficile, ça, pour moi, mais essentiel pour les élèves. C’est K qui reprend « mais madame, ça veut pas dire que ça fait 35%, quand même… » Hé si, 7 sur 20 ou 35 sur 100, c’est la même proportion. J’ai poursuivi sur ma lancée : voyons quelle écriture décimale a 7/20. 7/20, c’est égal à 3,5/10 (qui n’est certes pas une fraction, mais cela ne change rien), soit 0,35. Mmmmmh, 0,35 ? 35 centièmes ? Là, j’ai vu K accepter, parce qu’il recollait tous les morceaux. 

Je pense qu’il faudra y revenir ; j’ai encore deux passages par les pourcentages dans ma programmation, ce qui me semble indispensable. Mais K a, je pense, compris, et n’est pas le seul dans la classe : il est passé de son traditionnel « je comprends rien de toute façon j’ai tout faux chuis nul » à « c’est super simple madame, c’est tout, là, y a que ça à comprendre ? », ce qui est un bon présage pour la suite.

Il demeure que c’est intéressant de voir comme certaines notions peuvent être utilisées correctement dans certaines circonstances, y être automatisées, même, et ne pas résister aux transferts vers un autre contexte. Et puis il y a le poids de pseudo-conventions, comme le fait de croire qu’il faut faire référence à des % si on parle probas. Pourtant, il y a sans doute derrière ceci une qualité : faire des liens entre mathématiques scolaires et environnement, avec les données dont sont si friands les médias, la plupart du temps exprimées en pourcentages. Le « de chances » ajouté par K à la fin de chaque ligne va en ce sens. C’est aussi pour ça que nous sommes là, nous enseignant(e)s : pour donner des clefs de lecture et de compréhension.