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La leçon sur les unités de mesure

En 5e il me reste des bricoles à traiter, et ce n’est pas très rigolo : je préfèrerais plonger avec les élèves dans des activités et des problèmes plus motivants, mais il me faut terminer de compléter le cahier de leçon pour pouvoir les voir s’envoler l’âme sereine, hé oui. Ce matin, je voulais parler unités de mesure. Mais je n’avais pas du tout envie de travailler une leçon appuyée sur des tableaux de conversion. Le travail sur les conversions, nous allons le faire sur tablettes. J’ai retrouvé ce document, sur ma clef USB, sans savoir précisément d’où il vient. Vu le visuel, je dirais bien Sesamaths, mais je ne l’ai pas trouvé :

J’ai utilisé ce tableau pour la leçon, seulement complété par des précisions : « L », par exemple, était spontanément « longueur » pour certains élèves, alors nous avons écrit au-dessous du tableau « L : litre », et ainsi de suite. Nous avons relié ensemble, et c’était vraiment super intéressant : nous avons réfléchi à ce qu’est un nombre, aux opérations sur les unités de mesure… Cela nous a permis de revoir les principes du calcul littéral, en fait : « x+x reste dans la famille des x, alors que x.x change de famille et rentre dans les carrés ». Cependant, je referai ce document à ma façon pour l’année prochaine, pour garder plus de visibilité, faire apparaître un exemple de débit et enlever le … g x … g, qui m’a posé problème : certes, cela n’a pas de sens concrètement, mais c’est possible sur le plan calculatoire, et quand on effectue des calculs, il arrive qu’en cours de route on ait des étapes avec des unités « abstraites ». Alors que … h – … m, c’est vraiment dépourvu de sens.

En tout cas, c’est un super support.

Si quelqu’un parmi vous a la référence, je prends, pour rendre à l’auteur(e) ce qui lui appartient.

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Des gens, des maths, des gaufres

Et voilà, retour dans le train. J’ai adoré présenter mon projet. Je suis toute heureuse de sentir comme je l’assume, comme il a du sens pour moi, pour faire progresser toutes et tous les élèves et outiller leurs enseignants. Mais chut, je ne vous en dirai plus que début mars. En attendant, j’ai une excellente lecture, Claire Diterzi dans les oreilles et cinq délicieuses gaufres au-dessus de ma tête, que je ramène à ma famille et qui parfument tout le wagon… Et j’ai le petit bonbon que m’a donné une de mes élèves ce matin. Parfait, en somme.

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Des ensembles à la découverte du nombre, Nicole Picard

Je continue mon exploration des ouvrages que m’a très gentiment donné un papa d’élève. Aujourd’hui, Des ensembles à la découverte du nombre, par Nicole Picard.

Le livre s’ouvre sur une très belle préface d’André Revuz :

La suite est très très prometteuse, et ma lecture passionnante. Je vous raconterai au fil de l’eau.

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Démontrer au collège ?

Des collègues échangeaient récemment sur Twitter au sujet de la démonstration au collège, absente des manuels qu’ils avaient sous les yeux. C’est vrai que dans certains manuels ce n’est pas fou. Dans d’autres, on trouve des tâches de démonstration, comme dans la Maths Monde cycle 4 (chez Didier) par exemple. Dans ce manuel, on trouve un grand nombre d’exercices du type « Prouver que … » à plusieurs étapes, « Emettre une conjecture puis prouver que cette conjecture est vraie », « Démontrer que… », etc. En revanche, je n’ai pas vu de démonstrations complexes (au sens de plusieurs étapes) dans la partie leçons. Cela dit, je ne suis pas sûre que ce soit pertinent de présenter des démonstrations dans les leçons des manuels : je crois que c’est vraiment à l’enseignant que revient de les amener, et ainsi il choisit celles qu’il souhaite. Dans le Sésamaths de cycle 4, la partie activités propose des guides pour démontrer, ce qui peut être pratique pour nous, pour avancer pas à pas dans les démonstrations.

Mais que faire de la démonstration en classe ? Pour ma part, après avoir enseigné pendant quinze ans au lycée, j’ai plutôt eu l’impression de pouvoir démontrer plus souvent au collège. Evidemment, rien de comparable aux démonstrations de spécialité ou d’expertes… Mais le collège est bien le lieu de l’apprentissage de la démonstration, comme le montrent clairement des ressources institutionnelles :

Source : https://eduscol.education.fr/document/17224/download

La formation au raisonnement et l’initiation à la démonstration sont des objectifs essentiels
du cycle 4. Le raisonnement, au cœur de l’activité mathématique, doit prendre appui sur des
situations variées (…).
Le programme du cycle 4 permet d’initier l’élève à différents types de raisonnement, le
raisonnement déductif, mais aussi le raisonnement par disjonction de cas ou par l’absurde.
La démonstration, forme d’argumentation propre aux mathématiques, vient compléter celles
développées dans d’autres disciplines et contribue fortement à la formation de la personne et
du citoyen (domaine 3 du socle). L’apprentissage de la démonstration doit se faire de
manière progressive, à travers la pratique (individuelle, collective, ou par groupes), mais
aussi par l’exemple. C’est pourquoi il est important que le cours de mathématiques ne se
limite pas à l’application de recettes et de règles, mais permette de mettre en place quelques
démonstrations accessibles aux élèves. De nombreux résultats figurant dans ce programme
peuvent être démontrés en classe, selon des modalités variées : certaines démonstrations
peuvent être élaborées et mises au point par les élèves eux-mêmes (de manière individuelle
ou collective), sous la conduite plus ou moins forte du professeur ; d’autres, inaccessibles à
la recherche des élèves, tireront leur profit des explications et des commentaires apportés
par le professeur. Certaines démonstrations possibles (aussi bien sur les nombres et le
calcul qu’en géométrie) sont identifiées dans le programme. Les enseignants ont la liberté de
choisir ceux des résultats qu’ils souhaitent démontrer ou faire démontrer, en fonction du
niveau et des besoins de leurs élèves. Enfin, il vaut mieux déclarer « admise » une propriété
non démontrée dans le cours (qui pourra d’ailleurs l’être ultérieurement), plutôt que de la
présenter comme une « règle ». Une propriété admise gagne à être explicitée, commentée,
illustrée.
En complément, dans le cadre du travail personnel soumis aux élèves, beaucoup
d’exercices et de problèmes peuvent servir de support à la démonstration. (…)

https://eduscol.education.fr/document/621/download

Les manuels ne sont pas des préconisations, mais des outils qui viennent simplifier notre enseignement. Les programmes le disent bien : nous sommes libres de nos choix en la matière. Alors démontrons ! Mais quand et comment ? Je vais essayer de réfléchir à mon accès à la démonstration en 6e-5e-4e, et je vais sans doute oublier des choses, mais bon.

En sixième (qui ne fait pas partie du cycle 4, mais on peut préparer le terrain), nous parlons de la valeurs des exemples et des contre-exemples, de généralités et de cas particuliers. Nous nous entraînons aussi sur une activité de Pyromaths qui permet de distinguer hypothèse (qu’est-ce qu’une hypothèse, il est nécessaire de l’expliciter en maths par rapport aux SVT par exemple) et conclusion, et surtout de comprendre que ce n’est pas parce que quelque chose semble être évident (les deux droites là elles sont parallèles, ça se voit) que c’est vrai, ou que l’on peut l’affirmer sans plus d’argument (nous cherchons donc à aller plus lion que le merveilleux argument « c’est forcé », et à invoquer des propriétés pertinentes). Le tableur, GeoGebra, Scratch nous sont d’une aide importante, car ces supports facilitent les conjectures et éventuellement d’exhiber un contre-exemple sans y passer des heures. Construire une preuve est ensuite plus facile, puisqu’on sait où on va.

En cinquième, je démontre en classe plusieurs propriétés de la leçon : la somme des angles d’un triangle, des critères de divisibilité, des propriétés dans les relatifs ou le parallélogramme, en lien avec les angles alternes-internes… Tout dépend des années, de mes envies, du temps que j’ai, des capacités à coopérer des élèves. Nous parlons à nouveau structure du raisonnement, hypothèses et conclusions, exemples et contre-exemples, mais aussi connecteurs logiques, négation d’une proposition, réciproque (avec les angles et le parallélisme, le parallélogramme, l’arithmétique). Les élèves démontrent aussi en classe, sur des fiches d’exercices à la carte selon un parcours qui s’adapte à leurs réussites et leurs difficultés. Ce n’est pas tout le temps non plus : on est engagés ensemble dans un apprentissage qui à mon sens doit revenir régulièrement, mais sans constituer la majorité des tâches. A vrai dire, rien ne constitue la majorité des tâches.

En quatrième, c’est vraiment pour moi la continuité de la cinquième, mais on s’est musclé(e)s. Nous démontrerons le théorème de Pythagore, celui de Thalès, pourquoi le cosinus a un sens, et nous démontrerons aussi dans le domaine nombres et calculs. Je propose sans doute plus d’exercices de démonstration en quatrième, en proposant souvent des choix : les élèves peuvent résoudre un exercice ou un autre, que j’ai choisis selon le type de démonstrations possibles, le nombre d’étapes, la variété des outils.

J’ignore si j’ai répondu un peu précisément aux questions que des collègues m’ont adressées ou si c’est trop vague, tout ça. Vous me le direz ! 🙂

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Au programme du bac en 1934

Mon mari a acquis des cours et des copies d’un élève préparant le bac en 1934. Parmi ces travaux, il y a des maths, dont l’enseignement a été dispensé par correspondance.

Les devoirs de maths sont très appuyés sur les sciences physiques. par exemple, en voici un en intégralité :

Pour bien comprendre la différence, voici un sujet (couplé au sujet de maths ci-dessus) de sciences physiques. Certaines pages n’ont pas été découpées, c’est pourquoi la photo est prise différemment :

Je me plonge maintenant dans les copies de l’élève Yann Collin(né en 1916, est devenu ensuite général de brigade en passant par Saint Cyr et l’école supérieure de guerre).

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Fichus rectangles ! Heu, non fichus carrés ? Ah, zut !

Matthieu Drillet a publié un tweet d’une copie de son enfant. Il a écrit en commentaire « J’aurais préféré que ma fille n’ait pas eu TB » :

https://pbs.twimg.com/media/FWWiWVQXgAA61ax?format=jpg&name=4096×4096

Préambule : Matthieu ne fait de procès à personne. Il ne prend pas le professeur de son enfant pour un(e) idiot(e). Il regrette juste que la formation ne soit pas suffisamment conséquente et efficace pour éviter ce type d’erreur. Alors tout le monde se détend, et on discute.

Ici, on est devant un obstacle classique et résistant. Se tromper dans ce cadre a du sens. Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir appris les rectangles et les carrés de façon « étanche ». Nous avons donc construit nos « définitions » : « un rectangle est un quadrilatère à quatre angles droits, avec deux largeurs et deux longueurs », ou bien « avec deux côtés opposés d’une longueur, et les deux autres d’une autre longueur », voire « avec les deux horizontales d’une longueur, les deux verticales d’une autre ». Le carré, lui, a « quatre angles droits et quatre côtés égaux ».

Or, pour le rectangle, c’est faux. Et pour le carré ce n’est pas une « définition minimale ». Le rectangle est un quadrilatère qui possède trois angles droits et le carré est, par exemple, un rectangle dont deux côtés consécutifs sont égaux. Mais on peut choisir bien d’autres définitions, minimales elles aussi.

Quatre questions se posent, selon moi :

  1. Pourquoi ça fâche ?
  2. Est-ce vraiment important, tout ça ?
  3. Quels sont les enjeux ?
  4. Et alors, on fait comment pour éviter des constructions erronées ?

1. Pourquoi ça fâche ?

Parce que ça vexe, ça complexe, ça culpabilise : j’ai raconté une bêtise, je raconte une bêtise depuis longtemps, je n’ai pas fait ce que j’aurais dû, voire pire : je ne suis pas capable de…

C’est rendu encore plus douloureux lorsqu’on est enseignant : on est censé être détenteur des savoirs curriculaires, et transmettre des connaissances fausses est naturellement source d’une grande frustration, car on veut bien faire son travail.

Et pourtant, des bêtises, nous en disons et nous en faisons toutes et tous. Construire un rapport à l’erreur harmonieux, équilibré, sans culpabilisation excessive ni décontraction exagérée est difficile. Mais c’est crucial, ne serait-ce que pour pouvoir être vraiment bienveillant (exigence incluse, évidemment) devant les erreurs des élèves.

2. Est-ce vraiment important, tout ça ?

Tout dépend de ce qu’on entend par « important ». Est-il plus grave de croire que la Terre est plate, d’appeler systématiquement une chaise un tabouret, ou de penser qu’un carré n’est pas un rectangle ? Tout dépend sans doute du contexte. Mais tout de même, oui, c’est important. Ce n’est pas important dans le sens de rectification d’une erreur isolée. C’est important dans un sens émancipateur. Accepter des élèves, et donc de personnes, que boah-c’est-pas-si-grave-on-s’en-moque-un-peu-au-final-de-toute-façon-dans-la-vie-ça-va-changer-quoi-?, c’est aussi ne pas tout à fait les respecter. Ils méritent cette exigence, justement, indispensable à un enseignement de qualité. Dans la vie courante, on est d’accord, assez peu d’individus vont voir leur vie basculer pour cause de confusion géométrique. En revanche, l’accès à l’abstraction est impacté, pas seulement par cet exemple précis (carré vs rectangle), mais par ce qu’il porte quant au rapport à l’abstraction et à la construction du raisonnement. Cela m’amène au point suivant.

3. Quels sont les enjeux ?

Ils sont multiples et je vais essayer de faire court. Les mathématiques contribuent particulièrement (mais pas seulement : la philosophie aussi, et d’autres disciplines encore) à la construction de l’abstraction. Elle y contribue par le biais d’un langage particulier, qui passe par des figurés, du lexique et des éléments sémiotiques. En mathématique, dire qu’un rectangle est un quadrilatère qui possède trois angles droits ne signifie pas qu’on pense qu’il n’a que trois angles ou que le quatrième n’est pas droit. Cela signifie qu’il a au moins trois angles droits. En fait, s’il en a trois, il en a forcément quatre, alors dans un souci de minimalisme (prouver pour trois est plus rapide) on se contente de trois (c’est nécessaire, et aussi suffisant). De même, « définir » un carré par une liste de propriétés certes vraies, mais équivalentes, ce n’est pas définir. C’est énumérer des propriétés, ce qui est utile aussi, mais différent.

Ainsi, il y a la question de ce qu’est une définition. C’est important dans la vie de tous les jours, ça. A partir de quel moment puis-je nommer quelque chose ? Lorsque j’ai vérifié que sa caractérisation renvoie à ce mot. C’est transférable dans tous les domaines et cela permet la communication sans interférences, sans informations inutiles qui noient l’indispensable. C’est aussi ce qui permet d’accéder à l’idée d’argument, sans pencher vers l’opinion. On touche à la logique : à quel moment prononcer légitimement ce terrible « donc » utilisé à toutes les sauces à l’oral ? Qu’est-ce qui entraîne quoi ? Où sont les causes, les conséquences, le nécessaire, le suffisant ? Soyons honnêtes : pour penser de façon claire et argumenter solidement, quel que soit le contexte, on est plus robuste en sachant définir et lier les concepts entre eux. Les mathématiques y aident grandement. Dans cette perspective, ce ne sont pas les objets étudiés qui ont le plus d’importance, mais ce pourquoi on les étudie (le choix des objets étudiés a aussi de l’importance, dans une perspective différente).

Il y a aussi la question de l’abstraction. Quand un enfant (ou un adulte) se réfère à la verticalité et l’horizontalité, cela dit quelque chose de sa pensée. Elle en est à un certain point, et il est utile pour l’enfant d’avancer plus loin. Quand on montre en sixième un morceau de papier coloré de forme carrée placé de façon prototypique (avec un côté parallèle au sol), les élèves disent « carré ». Quand, devant eux, on effectue une rotation de 45°, une partie importante des élèves disent « losange ». Ils voient bien que c’est le même bout de papier. Mais une petite rotation les fait irrésistiblement énoncer un mot différent. Certains sont perplexes devant ce réflexe, d’autres pas. Notre rôle est, à partir de là où ils en sont, quel que soit leur âge ou leur niveau de classe, de les amener à progresser en ayant accès à l’abstraction : réussir à parler géométrie sans recours immédiat ou systématique à la figure choque souvent ; c’est pourtant un bon exercice intellectuel, que nous pratiquons au quotidien avec les nombres. Car 2, ce n’est pas « 2 pommes ». Le nombre aussi est une abstraction.

C’est bien normal et naturel de se rapporter à des cas concrets. Mais ces cas concrets ne définissent pas les concepts. Ils les illustrent.

4. Et alors, on fait comment pour éviter des constructions erronées ?

Je n’ai pas de recette magique (même si multireprésenter est un bon appui), et je le regrette. Mais j’ai des idées et des pratiques pour aider.

D’abord, partir du principe qu’on va loin d’emblée. Pas n’importe comment, pas n’importe quand. Mais avec tout le monde. Ensuite, si nécessaire, on simplifiera pour celles et ceux qui n’accèdent pas à ce qu’on propose, pour alors les hisser au plus haut à ce moment de leurs apprentissages et de leur parcours de vie. Mais enfin, on ne va pas se contenter de peu, quand même !

Ensuite, discuter de ce que sont les définitions, les propriétés, montrer qu’on peut choisir des définitions différentes pour un même objet, débattre de celle qui semble la plus adéquate à tel ou telle. Par exemple, il y a quelques années, mes collègues de maths et moi nous étions aperçues que nous ne donnions pas la même définition d’un parallélogramme : « un parallélogramme est un quadrilatère dont les côtés opposés sont parallèles » (pour le lien avec le mot), « un parallélogramme est un quadrilatère dont les diagonales se coupent en leur milieu » (pour le lien avec la symétrie centrale et l’importance de cette propriété), « un parallélogramme est un quadrilatère dont deux côtés opposés sont parallèles et de même mesure » (parce que les élèves zappent souvent cette entrée). J’avais trouvé ça super, en fait : depuis, j’en parle chaque année à mes élèves de cinquième, pour leur montrer comment on est libre de faire des choix justifiés, et là où ne peut pas aller parce que ce n’est pas correct. Nous parlons condition nécessaire, condition suffisante, équivalence, sans forcément le modéliser ou le formaliser (parfois oui, cependant), mais pour construire la pensée, pour donner des outils pour réfléchir et au final pour comprendre seul. De toute façon c’est toujours seul qu’on comprend, et c’est bien pour cela que démontrer en maths est une joie si intime. Mais on peut y être aidé : c’est moi qui monte à l’échelle, mais on m’a apporté le bon modèle d’échelle en fonction de mon objectif.

J’en reviens à mes carrés et à mes rectangles. On peut toujours déconstruire pour reconstruire. Il faut soulever le capot et démonter tout le moteur, mais on y arrive. C’est beaucoup plus difficile que si on a tout construit ensemble dans la continuité, évidemment, et éminemment plus long. Je pense qu’une solution ici est de procéder à la Brissiaud comme dans Picbille (Retz, CP) :

La seule chose que je n’ai pas ici, c’est que les rectangles soient opaques, ce qui privilégie la vision surfaces et ne permet pas de développer la vision lignes ou la visions points, qui seront essentielles plus tard. Mais là, Rémi Brissiaud donne la possibilité de raisonner, de faire des liens, d’inclure immédiatement les carrés dans les rectangles.

Ensuite il faudrait que cette entrée soit stable au fil de la scolarité (la question du cycle 1 se pose également). Et ça, c’est très compliqué. En particulier parce que la formation n’a pas les moyens de transmettre tout ce qui serait nécessaire. Et aussi parce que les maths ne font pas partie de la culture générale pour beaucoup, en particulier pour celles et ceux qui décident, souvent parce qu’eux-mêmes ne sont pas compétents en maths et choisissent la solution de facilité : puisque je peux m’en passer, c’est que c’est inutile.

Bel exemple de raisonnement de travers. Ca aurait été mieux avec un peu de maths, sans doute. Ca aurait aussi été mieux si on cherchait à avancer toutes et tous ensemble.

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Maths éco-responsables

J’ai reçu de Génération 5 l’ouvrage Maths éco-responsables, pour le collège, de la 6e à la 3e. Je ne suis pas hyper fan de mettre du développement durable partout, parce que je trouve que c’est, à force, très lourd pour les élèves, qui semblent souvent fatigués de toute cette pression qu’on leur met sur les épaules pour leur redire ce qu’ils savent déjà dans absolument toutes les disciplines ; hé bien là, je suis tout à fait convaincue. Je m’explique.

Côté notions, on traverse au fil des pages « les grands nombres entiers, les fractions et nombres rationnels, les nombres décimaux, les nombres relatifs, les statistiques et probabilités, les grandeurs et mesures, les puissances et racines carrées, la distributivité, la proportionnalité, la géométrie, l’espace ».

A chaque page, on dispose d’un code barre qui renvoie automatiquement à la version pdf de la page, ce qui est bigrement pratique. C’est une page pdf interactive, dans laquelle il est simple d’écrire ; on peut donc se dispenser de photocopies si on dispose de tablettes… Ah bah voilà, on y arrive ! C’est ce que j’attendais depuis un moment avec les manuels ; là, cet ouvrage propose un fonctionnement qui va s’adapter impec à la dotation des élèves de collège de tablettes (à commencer par les élèves de sixième à la rentrée prochaine). C’est super, ça.

Un lexique sur la thématique écologique entame l’ouvrage, histoire de bien savoir de quoi on parle et de la partager. Des informations complémentaires de culture générale figurent sur chaque page, avec des renvois à des liens pertinents.

En début d’ouvrage, on dispose de tableaux synoptiques pour rapidement trouver ce que l’on cherche.

Donc déjà, sur le plan de l’ergonomie, c’est parfait.

Côté contenus, je n’utiliserai pas toutes les activités par niveau, pour la raison citée en préambule, et parce que je veux aussi parler d’art, d’histoire, de sociologie, de géographie, de littérature, de maths au travers du monde, etc. Mais d’ores et déjà un bon paquet d’activités ont retenu mon attention :

  • J’aime les activités qui me permettent d’apprendre quelque chose, comme pour calculer la production d’électricité d’une éolienne ;
  • La partie grands nombres, pour les cycles 3, et notation scientifique, pour les cycles 4, me paraît très solide et particulièrement intéressante. Je crois que je vais tester une activité en 5e, d’ailleurs, sur la notation scientifique, la semaine prochaine ;
  • La proportionnalité est présente de façon importante ;
  • En géométrie, il y a sans doute moins de fiches, mais elles sont elles aussi intéressantes et consistantes didactiquement.

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A la base.

En cinquième ce matin, nous avons étudié cet exercice du Myriade :

Première figure, pas de souci : tout le monde est d’accord, c’est un prisme droit, à bases hexagonales, c’est-à-dire en rose. Sauf que… Tout le monde est d’accord, mais pas parce que les élèves ont tous identifié que les faces roses sont parallèles et superposables, ou à la rigueur que ce sont les deux seules à ne pas être rectangulaires. Non : c’est parce que le solide est posé sur une de ces faces-là, et que l’autre est son couvercle. Il est bien tout présenté comme il faut. Prototypique, le prisme droit.

Et le deuxième ? La majorité des élèves sont d’accord : ce n’est pas un prisme droit. Ah. Pourquoi donc ? Parce que « le haut et le bas y sont pas parallèles ». Voilà, nous y sommes. C’est vrai, la face du dessus et la face du dessous ne sont pas parallèles. De quelle forme sont ces faces ? « Rectangulaires ». Bon ; j’aurais accepté qu’on me parle de parallélogramme, et alors en effet il ne s’agissait pas d’un prisme droit, mais d’un prisme tout court (ce sur quoi nous sommes revenus plus tard, tout de même). Mais non. J’ai donc poursuivi : et la face avant, là, elle est de quelle forme ? Première réponse : c’est un rectangle

Il est bizarre, votre rectangle… « Ah oui m’dame, c’est parce qu’il a que deux angles droits ». Voilà. C’est possible, ça, un rectangle qui n’a que deux angles droits ? « Ah non, zut. »

Bon alors donc on en est où ? « Non bah c’est pas un prisme, mais c’est pas pour la raison qu’on a dit. C’est parce qu’il a qu’une base ». Une seule base ? Ah d’accord. De quelle couleur ? De quelle forme ? « Bleue, et c’est un trapèze ». Et vous ne pensez pas qu’il pourrait y en avoir une autre, base trapézoïdale, qui constitue la face de derrière ? Réponse : « non, y a pas d’bleu ».

Alors ça ne tient pas, en raison des arêtes visibles et cachées qui montrent que cette face existe (encore que, m’ont dit des élèves, il pourrait ne pas y avoir de « paroi »…). Mais plusieurs élèves m’ont fait remarquer qu’on aurait pu ne pas colorer la face de droite pour laisser un petit bout de bleu apparaître, ce qui leur aurait permis, selon eux, de ne pas se tromper. En plus, m’ont-ils fait remarquer, le vert du dessus se voit sur le rose de gauche, alors pourquoi le bleu ne se voit-il pas du tout ? Je reste dubitative, car ce qui les a surtout gêné est que le solide n’est pas « posé » sur une base. Toutefois, un autre obstacle a résidé dans la consigne : « mais madame, pourquoi ils disent la couleur de LA base ? Ca fait nous tromper, forcément. Moi même dans le premier je me suis demandé laquelle des deux bases était LA base, du coup. » C’est vrai que c’est chargé d’implicite : on évoque LA base comme on écrit un prisme droit à base (sans s) trapézoïdale, mais dans le fond je ferais mieux d’écrire à baseS trapézoïdaleS. Je comprends que cela gêne certains élèves pour qui ce que je présente est déjà relativement complexe ou trop abstrait.

Bref, nous arrivons à passer au troisième cas. Alors là, tout le monde fonce dessus : « Haha madame, on va pas se laisser avoir ce coup-ci, c’est exactement pareil : il est pas posé sur une base, le prisme, mais c’est quand même un prisme et ses bases sont toujours bleues et c’est encore des trapèzes ».

Bien, ok. Sauf que là on a un problème de pointillés. Je ne sais pas si c’est fait exprès, mais je trouve ça un peu overkill, si oui. Cela dit, nous avons pu en parler : pourquoi des pointillés ? Quand ? Est-on sûr qu’avec seulement cette arête en pointillés ça coince ?

C’était un petit exo, mais il nous a bien occupés… Au final, je ne suis pas éblouie par sa consigne et les choix effectués : s’agit-il de parler perspective cavalière, représentation ou prismes, finalement ? Tout, ça fait beaucoup. Mais il faut bien les faire, ces choix, et aucun n’est idéal quand il s’agit de représenter un solide sur une feuille. Et les échanges avec les élèves ont été très intéressants : ils ont sans doute plus appris qu’avec un exo « planplan ». Nous avons même parlé de choix pédagogiques : qu’auraient-ils choisi, eux, pour colorer le solide n°2? En plus j’ai pu comprendre quels obstacles mineurs les bloquent parfois de façon tout à fait majeure.

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Faut pas faire genre

Je vais retrouver Aline Bègue-Crézé ce matin au local de l’APMEP, avec plein d’autres matheux motivés, pour un weekend productif. Je serai côté bureau et elle au groupe Femmes et maths, et elle a préparé de quoi cogiter avec cet exercice qui fait mal :

Comme le souligne Aline, cela n’ôte rien à la qualité du manuel. Chacune et chacun d’entre nous est menacé par ce type de stéréotype ; mieux vaut que nous ayons conscience que là où se cachent les nôtres, ils nous sont invisibles, pour se préparer à les reconnaître, les débusquer ensuite et les éliminer.

En tout cas, c’est un très bel exemple, bravo Aline !

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Question de contexte

Parfois, il y a des idées sympa mais qui tombent à côté. Par exemple, ma fille révise et voit un exercice de l’Hyperbole spé de terminale, qui fait référence à Donjons et Dragons. C’est une chouette idée : il y a de quoi faire de belles probabilités, avec les règles de Donjons. Sauf que :

Non mais on est vraiment sérieux, là ? J’ai beau chercher, je ne vois pas à quel moment on peut être amené à lancer un D20 et un D10 et additionner les résultats obtenus (qui ne sont d’ailleurs pas des numéros, techniquement). Alors noooon, les gars, c’est sérieux, le jeu de rôles, faut pas dire n’importe quoi, zut.

Et puis d’ailleurs, pourquoi afficher l’étiquetage Donjons et Dragons sans préciser l’action réalisée ? Et est-ce vraiment utile de déterminer la variance, dans ce contexte ? L’espérance, je veux bien, pour mesurer la prise de risque ou l’amplitude de l’échec ou du succès, mais la variance est difficilement interprétable en jeu de façon spontanée sans référence.

Du coup, j’ai eu envie de réfléchir à un exercice de probas avec Donjons. Par exemple on pourrait partir de ce type de situations :

Alice veut faire tirer son personnage à l’arbalète légère sur un gros méchant monstre qui menace le village. A chaque attaque elle doit lancer un dé à vingt faces et ajouter 5 au résultat obtenu ; si elle obtient 14 ou plus, elle fait des dégâts au monstre.

Alice est amenée à attaquer 7 fois pendant le combat. Elle sait qu’il lui faut au moins réussir 5 attaques pour pouvoir mettre le gros méchant monstre hors d’état de nuire.

Quelle est la probabilité qu’Alice réussisse à porter son attaque au moins cinq fois parmi ses sept tentatives ?

Alice commence par rater ses deux premières attaques. Quelle est sa probabilité de réussir toutes les suivantes ?

Claire vient en renfort pour mettre le gros méchant monstre hors d’état de nuire. Elle réussit son jet d’attaque avec son épée et lance ses dégâts, donnés par le score obtenu en lançant un dé à 8 faces, auquel elle ajoute 4. Comme le personnage d’Alice est déjà à la bagarre, elle peut ajouter à ces dégâts la somme des résultats obtenus en lançant 3 dés à 6 faces.

Le premier exemple permet d’évoquer un schéma de Bernoulli pour recourir à la loi binomiale. Le deuxième exemple est assez adapté au type d’exercice du manuel : il y a une somme de deux variables aléatoires. Il doit y avoir d’autres types de contextes draconiques, encore. Je réfléchis.

file:///Users/claireauger/Downloads/Basic-Rules-FR.pdf