Ma maman m’avait signalé un podacst de France Culture du 13 août 2022 : « Comment travaillent les mathématiciens ? Le cas d’Alexandre Grothendieck ». Comme aujourd’hui c’était jour de ménage, j’ai chaussé mes écouteurs et hop, j’ai écouté l’émission d’une traite. Je m’attendais à un enthousiasme relatif : on a tant parlé de Grothendieck que le sujet avait fini par me lasser (je sais que c’est à tort, qu’il est fascinant, mais voilà), l’invité d’Etienne Klein est Cédric Villani qui, lui aussi, a été surmédiatisé, et en fin d’année scolaire j’avais abusé des podcasts, j’en avais assez d’écouter des émissions sur les maths, la réforme du lycée, les piètres résultats des élèves français, tout ça tout ça.
Bref.
Ce matin, je m’armais de mes écouteurs et de de mes gants de ménage avec un état d’esprit différent de celui qui était mien en juin : j’ai préparé mes cours, pratiquement mis à jour les projets que j’avais pour l’été, rénové une maison, restructuré la nôtre, dormi, profité des personnes que j’aime, fait beaucoup de gâteaux, le bac de ma fille est passé, les garçons semblent se poser tout bien comme il faut, demain nous partons aux journées des maths en Belgique et en plus cet après-midi on joue aux héritiers et c’est moi qui masterise… Ma fille et moi avons prévu des tas de trucs chouette à manger et à jouer, ça va être un bon moment ! Alors j’étais bien détendue pour écouter cette émission.
J’ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé.
Cédric Villani avait des choses très chouette à dire. Il ramène toujours beaucoup Théorème vivant sur le tapis, mais bon, il était dans le thème en même temps. Surtout, je l’ai trouvé juste, simple, et certains de ses mots pour décrire le travail du mathématicien m’ont touchée, même si je ne suis pas mathématicienne. Etienne Klein articulait bien l’émission, avec des lectures bien choisies. J’ai trouvé que le propos se baladait sur la ligne de crête délicate : on parle vraiment mathématiques et mathématiciens, en faisant référence à des savoirs que je n’ai pas parfois, mais sans que ce soit gênant. Le propos, de ce fait, c’est pas dissout ou vague. Cela faisait longtemps que j’avis ressenti cela, et c’est peut-être parce qu’Etienne Klein est lui-même scientifique. Et puis il y a des silences, dans l’émission. J’aime ça, moi, les silences, le fait que les personnes qui parlent puissent prendre le temps de poser leur souffle et de réfléchir à leurs mots.
Comme j’écoutais en nettoyant la baignoire ou en lavant le sol de la cuisine, je n’ai pas pu prendre de notes. J’ai essayé de retenir un passage pour tout de même le retranscrire.
J’essayais de rendre le problème plus abstrait. Ca c’est l’énoncé laplacien ? Allez, je vais pas dire que c’est un laplacien, je vais dire que c’est le carré d’un opérateur différentiel et je vais le prendre comme un opérateur abstrait. Ca c’est un opérateur différentiel ? Je vais oublier que c’est l’opérateur de transport et je vais dire que c’est un opérateur quelconque, je vais chercher des relations particulières entre eux, et de fil en aiguille, en rendant ça plus abstrait, la solution m’est apparue. Et la solution du problème abstrait, finalement est paradoxalement plus simple.
Cédric Villani
Ces observations sur le particulier et le général m’ont intéressée. L’exemple de Cédric Villani avec le théorème de Pythagore m’a d’ailleurs parlé. J’ai aussi maintenant très envie de lire des pages de Récoltes et Semailles, mais j’ai peur tout de même que ce soit trop difficile pour moi. Cependant, l’approche si particulière de Grothendieck dans le fond et surtout dans la forme est vraiment rendue alléchante dans l’émission.
L’expression « je me cassais la tête contre les murs » m’a marquée, aussi.