Je vais retrouver Aline Bègue-Crézé ce matin au local de l’APMEP, avec plein d’autres matheux motivés, pour un weekend productif. Je serai côté bureau et elle au groupe Femmes et maths, et elle a préparé de quoi cogiter avec cet exercice qui fait mal :
Comme le souligne Aline, cela n’ôte rien à la qualité du manuel. Chacune et chacun d’entre nous est menacé par ce type de stéréotype ; mieux vaut que nous ayons conscience que là où se cachent les nôtres, ils nous sont invisibles, pour se préparer à les reconnaître, les débusquer ensuite et les éliminer.
En tout cas, c’est un très bel exemple, bravo Aline !
📚En route pour une journée avec le groupe Femmes&maths de l @Apmep_Nat, en préparation de nos échanges : 🤔Saurez-vous identifier les #stéréotypes de genres qui se cachent dans cet exercice de #Mathematiques d’un manuel de 2016 ? 👇👇👇 pic.twitter.com/WkGXuu0nmh
Graphic Detail, de The economist, est un site très très intéressant, que je découvre. Malheureusement, l’article original est payant, et je ne sais pas en quoi consiste l’indice : je suppose que les sur représentations et les sous représentations sont calculées à l’ensemble homme-femme d’une discipline ? Cette infographie conforte ce que nous savons déjà, mais elle interroge aussi, de ce fait. Je vais continuer de fouiller, mais si quelqu’un a accès à l’article, je veux bien ce renseignement : par rapport à quoi sont établies les sur et sous représentations ?
SISTA et Mirova Forward lancent une campagne pour interpeller sur le traitement des femmes dirigeantes et entrepreneuses par les médias. Pour illustrer de façon décalée les conclusions de l’étude, SISTA et Mirova Forward ont réalisé avec la société de production engagée Malmö Productions une campagne vidéo dans laquelle huit hommes dirigeants ont répondu à des questions habituellement posées aux femmes. Pendant 3 minutes, Xavier Niel (Iliad-Free), Thierry Déau (Méridiam), Nicolas Hiéronimus (L’Oréal) Frédéric Mazzella (BlaBlaCar), Cédric O’ (Secrétaire d’état), François Pinault (Kering), Jean-Marie Tritant (Unibail-Rodamco-Westfield), Philippe Zaouati (Mirova) sont interrogés par Allison Chassagne (créatrice de la chaine YouTube Glamouze) sur leurs doutes, leur équilibre vie privée/vie professionnelle ou encore leurs difficultés à reprendre le travail après leur congé paternité. La comédie de la situation pointe sans détour les inégalités de traitement que subissent les femmes en situation de pouvoir économique. Elle appelle aussi à une harmonisation des questions et une égalité de traitement afin de permettre d’œuvrer à une véritable égalité des chances.
C’est parfait pour faire écouter à des élèves et ensuite débattre en classe de ce qu’ils ont retenu, ce qui les a frappés.D’ailleurs je vais de ce pas envoyer le lien de ce podcast à mes élèves, histoire de marquer la journée internationale des femmes et des filles de science C’est clair, pas monotone, court. Impec. Merci à son auteur, Alexandre Morgan.
Voici un message de l’association Femmes et Maths, relayé par plusieurs associations de matheux déjà :
Nos collègues afghanes sont en danger de mort, en particulier les femmes universitaires, les diplômées et les étudiantes. Elles représentent tout ce que les Talibans veulent éliminer : ce sont des femmes qui travaillent et qui contribuent à l’éducation, à la recherche et à la vie économique. Ce sont des modèles pour les générations d’Afghanes à venir. Elles ne peuvent plus travailler sous le régime des Talibans et elles sont physiquement menacées.
Chacun.e, dans nos universités, nos écoles et nos entreprises, nous pouvons identifier des départements d’accueil, et les accompagner pour bénéficier du programme PAUSE ou d’autres programmes, les aider à retrouver du travail, persuader nos présidentes ou présidents, nos directions et nos collègues de se battre pour les accueillir le mieux possible et leur offrir un environnement de travail qui leur permette de poursuivre leurs études pour les étudiantes, leurs recherches et leurs enseignements pour les universitaires, de poursuivre leur carrière professionnelle pour les diplômées.
Si vous connaissez des étudiantes, des diplômées et des universitaires afghanes signalez-les sur soutenir.afghanes@femmesetsciences.fr et donnez-nous les informations qui nous aident à les identifier, à demander leur exfiltration et à préparer leur accueil dans nos universités ou nos entreprises. Signalez-nous si vous connaissez des départements, des universités ou des entreprises qui sont prêtes à accueillir ces étudiantes, ces professeures ou ces diplômées. »
Ce matin, j’avais commencé par la lecture prévue, mais je n’ai pas accroché, de bon matin. Alors je suis allée faire un tour à « Comprendre le pouvoir de l’enseignement et son rôle dans la (in)justice » de Deborah Loewenberg Ball (Université du Michigan, États-Unis). Le sujet, ce sont les tensions clés dans le développement d’une compréhension solide du pouvoir de l’enseignement, et comment la recherche et la pratique pourraient mieux contribuer à une articulation nuancée et explicite de la théorie et de la pratique. Sa présentation était assez centrée sur les Etats-Unis, mais transposable et vraiment très intéressante, franche, claire. Et bien présentée, ce qui compte vraiment beaucoup, en particulier en langue étrangère. Un très beau propos, par une personne manifestement extraordinaire.
Deborah Loewenberg Ball s’est appuyée sur des vidéos de classe, et nous a fait réfléchir à ce qui est « complex » sur tous les plans dans cet extrait : le lieu, les personnes, le langage, … En insistant sur le fait que le cours est un moment d’apprentissage avec les élèves, par juste pour eux.
Alors finalement, qu’est-ce que ce travail qui consiste à enseigner, « the work of teaching » ?
Et comment comprendre le pouvoir de l’enseignement pour perpétuer ou faire disparaître l’injustice, le racisme, l’oppression ?
Ce sont les gens qui font le système, affirme Deborah Loewenberg Ball.
Deborah Loewenberg Ball a expliqué que les élèves interagissent entre eux, avec leur environnement, les enseignants, mais aussi avec une matière scolaire, avec un contenu disciplinaire, un langage, qui modifie aussi les interactions sociales. La dynamique complexe de l’acte d’enseigner ne peut pas reposer sur l’autorité seule. Chaque acte de l’enseignant, chaque geste pédagogique, chaque choix didactique compte et change quelque chose à la façon de chaque élève de vivre parmi les autres et l’environnement, et aux interactions. Dans le petit extrait vidéo que nous a diffusé Deborah Loewenberg Ball, elle a identifié 25 moments-clé.
Deborah Loewenberg Ball a insisté sur les différences de jugements subjectifs selon les publics, pour montrer comme l’école pourrait participer à briser le racisme.
Cela nécessite des savoirs, mais aussi de réfléchir ses gestes, de prendre du recul sur ces gestes, pour les modifier.
Nous avons visionné à nouveau la vidéo de classe, et nous avons regardé aussi la suite. C’est vrai que l’attention de l’enseignante à la façon dont elle s’adresse aux enfants, mais aussi dont les enfants s’adressent les uns aux autres, est frappante. Elle a un contenu mathématique à transmettre, et pas des moindres : la fraction. Mais elle ne transige sur rien quant à la forme des échanges, tout en laissant les élèves vraiment libres. Elle est vraiment bienveillante. Elle ne fixe pas sur le temps, sur « terminer sa séance », et elle l’annonce au départ, d’ailleurs.
Voilà une bien belle façon de commencer la journée. Le message porté par Deborah Loewenberg Ball est profond, libérateur et responsabilisant. Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est le lien explicite entre le disciplinaire et le développement de l’individu, c’est que le pédagogique ne soit pas que pédagogique, mais aussi lié à la discipline, sans forcément être côté didactique. Je ne sais pas si je suis claire, mais dans ma tête c’est lumineux.
Caroline Ehrhardt et Renaud d’Enfert nous ont proposé la première conférence de la journée : l’enseignement des mathématiques et ses enjeux de 1800 à 1960 : les problèmes qui se posent aujourd’hui sont liés à ceux qui se posaient hier ou avant-hier.
Les contextes d’exercice du métier d’enseignant de mathématiques
Qu’est-ce qu’être enseignant de mathématiques ? Les contextes d’exercice du métier sont très variés, encore aujourd’hui, au niveau des lieux, des publics mais aussi des enseignants eux-mêmes, des statuts, etc.
Au XIXe siècle, il y a deux puis trois grandes filières d’enseignement qui structurent son offre : l’enseignement secondaire (avec les lycées et les collèges, qui s’adresse aux classes sociales aisées et doit former l’élite, l’enseignement primaire (qui ne conduit pas au baccalauréat et se distingue par un caractère utilitaire des études. C’est l’école du peuple, qui vise à faire entrer rapidement dans la vie active) et, plus tardivement, l’enseignement technique (des écoles pratiques de commerce et d’industrie, etc., et la filière des lycées professionnels qui va venir se greffer plus tard).
La structure est donc très éclatée et très différenciée en fonction des finalités des enseignement et du public qui fréquence ces différents types d’établissements : l’enseignement féminin est encore différent de l’enseignement masculin. L’enseignement des jeunes filles ne conduit pas au baccalauréat avant le milieu des années 20, par exemple.
Il existe aussi toute une pléiade d’autres institutions: des pensions et des institutions privées, qui peuvent remplacer ou compléter les enseignements en lycée. Il y a aussi des cours municipaux, des cours d’adultes qui dispensent un enseignement de mathématiques pour des jeunes gens ou des adultes qui ont terminé l’école. C’est un volet dont l’importance est peut-être sous-estimée par rapport au système scolaire officiel.
A tous ces lieux d’enseignement correspondent aussi des enseignants aux profils très diversifiés : il y a les instituteurs, les professeurs de mathématiques, des géomètres, des arpenteurs, etc. Il y a une très grande porosité entre différentes fonctions. Mais il existe aussi une très forte hiérarchie entre les différentes personnes qui enseignent, entre professeur en titre et chargé de cours. Les statuts ne sont pas les mêmes, en particulier quant à la pérennité des postes. les répétiteurs sont chargés de faire travailler les élèves, ce qui inclut l’enseignement de mathématiques, et parfois remplacent les professeurs dans des classes comme la 7e ou la 8e. Souvent ce sont des fonctions de début de carrière, mais pas toujours.
Les pensions privées jouaient un rôle essentiel de complément des lycées., et donc les personnes qui y enseignaient aussi. Et les « professeurs ambulants » (dans des cours privés par exemple, ou dans le cadre du préceptorat) existaient encore, mais cette carrière tendait à disparaître dans le courant du XIXe siècle.
Le professeur de maths n’est pas forcément alors quelqu’un qui est spécialisé en mathématiques : dans les petites classes, les professeurs de latin enseignent les mathématiques (jusqu’au début de l’actuel collège). Jusqu’à la monarchie de juillet, l’enseignement est construit sur la dualité humanités et sciences, sans qu’il y ait de section dédiée aux mathématiques. La création de l’agrégation de mathématiques en 1841 marque le début de la spécialisation du métier, mais ce n’est qu’au début du XXe siècle qu’elle se consolide. Dans le contexte de l’élargissement du métier, le statut de PEGC est créé, avec des associations maths-arts plastiques, maths-éducation musicale, maths-EPS. Plus récemment, le CAPLP est bivalent en maths-SPC (mais avec la même grille salariale, ce qui n’était pas le cas pour les PEGC).
Les évolutions, débats et grandes questions périodiques
Les mathématiques sont-elles un enseignement de spécialité, ou est-ce un enseignement qui fait partie de la culture commune et donc concerne tout le monde ? Voilà une question qui résonne…
Au départ, l’enseignement secondaire est dominé par le grec et le latin, ce qui est plus socialement reconnu. A chaque fois qu’on va essayer de modifier la place des mathématiques, cela va soulever des débats sur l’utilité des maths.
Dans l’ancien régime, on étudie quasiment exclusivement les humanités classiques car ce sont les seules disciplines considérées comme tant capable de former l’esprit. L’enseignement des maths est un enseignement de spécialiste.
Au XIXe siècle, les maths sont un enseignement de spécialité, dispensé à très haute dose en classes prépa, mais à dose homéopathique ailleurs. En classes prépa, c’est un enseignement théorique et abstrait, dont on commence à dire qu’il va apprendre à raisonner, qu’il va permettre de mesurer l’intelligence de candidats aux concours. Pour les élèves qui ne sont pas en classe prépa, on initie à l’arithmétique dans les petites classes, puis l’enseignement des maths s’interrompt dans la scolarité et un débat porte sur le moment où on recommence les maths : en 1820, il faut attendre les classes de philosophie pour qu’il reprenne.
Il n’est pas du tout reconnu qu’il faudrait avoir une culture mathématique après le secondaire ; elle ne fait pas partie de la culture générale. On ne prévoit pas d’enseignement des mathématiques pour les non spécialistes. L’enseignement des mathématiques ne pourrait pas commencer trop tôt, parce que l’esprit des élèves ne serait pas mûr pour cela : c’est un argument résistant, qui permet de déplacer l’enseignement des maths en première ou en terminale. Cela montre qu’on considère que les maths ne forment pas l’esprit, mais peuvent être enseignées seulement quand l’esprit des élèves est « déjà formé ».
La réforme de 1925 est celle de l’égalité scientifique.
Globalement, le principe que les maths aient une place dans les emplois du temps n’est plus remis en cause après-guerre.
Les mathématiques, au XIXe siècle, jouent un rôle de discipline de sélection, notamment avec le concours d’entrée à l’Ecole Polytechnique, mais aussi les écoles de gouvernement et plus tard des écoles d’ingénieurs. Pour recevoir des élèves dans ces écoles, on va valoriser le mérite plutôt que la fortune et la naissance, et la priorité est donnée au sein du concours pour évaluer les capacités intellectuelles. Les examinateurs se voyaient comme de « explorateurs de l’intelligence ». Mais cela concerne seulement ceux qui veulent faire des sciences. Pour accéder à de hautes fonctions sociales, il faut avant tout connaitre le et avoir fait ses humanités.
A partir de 1950, les mathématiques deviennent une discipline scolaire centrale : on a besoin de scientifiques, de techniciens pour reconstruire et moderniser le pays. Les maths deviennent partie prenante d’un humanisme moderne. Elles paraissent indispensables à la formation des futurs citoyens et sont érigées comme un langage universel et commun à l’ensemble des sciences. Elles sont de plus en plus demandées par les élites sociales et promues comme discipline de sélection, car cette sélection apparaît plus démocratique que le latin et les autres disciplines littéraires : les maths ont une image plus neutre.
Cela aboutit à une réforme des études secondaires, avec en 1965 la création par Fouchet des sections A, B, C, D et E. La hiérarchie disciplinaire au sein du curriculum est reconfigurée, et la section C devient la filière d’excellence des études secondaires. La tyrannie des maths est alors dénoncée. Beaucoup de ministres successifs vont s’attacher à détruire cette dictature des maths, abolir cette hégémonie.
Pour détruire la tyrannie des maths, une solution semble simple : réduire le volume de l’enseignement des maths. La présidente de l’APMEP écrit, en colère, en 1980 :
Et les inégalités de genre ? Aujourd’hui, la réforme Blanquer aboutit à des inégalités sociales sur les maths, mais cette fois par « choix ». Les maths sont-elles toujours une discipline de sélection ? Quels rapports de force se jouent entre les disciplines ? C’est tout le système global qui est percuté par ce genre de questions.
Historiquement, l’enseignement des mathématiques était moins développé pour les filles que pour les garçons jusqu’à la moitié du XXe siècle. Par exemple, les filles ont longtemps reçu très peu de géométrie, et pas d’algèbre : les parties des maths « consacrées au raisonnement et à l’abstraction » ne leur est pas consacrées. Elles reçoivent des contenus « pratiques ». Bon, accrochez-vous :
On voit de nouveau qu’il n’est pas acquis qu’il faut une culture commune, à cette époque, puisqu’elle est genrée. Monsieur Legouvé, au départ complètement opposé à une agrégation féminine, évolue radicalement :
Mais ce n’est pas le cas de tout le monde :
Rappelez-moi de réfléchir à si je laisse l’affiche de Lebesgue dans ma classe, tiens…
Mais pourquoi la place des femmes évolue-t-elle aussi peu dans les maths ? La question est d’actualité. Il existe une forme de stéréotype assez marquée, et le fait qu’il faut des preuves en neurosciences pour montrer que les maths sont aussi pour les filles le montrent. Ces préjugés sont robustes chez les élèves, chez les parents. La spé maths est toujours aujourd’hui choisie par beaucoup plus de garçons que de filles.
Les contenus
Quelles mathématiques enseigner à l’école élémentaire ? C’est une question récurrente depuis le XIXe siècle. Longtemps on n’a parlé d’arithmétique ou de calcul, mais pas de mathématiques. L’idée que la première chose à apprendre c’est de compter est forte. Le périmètre des maths enseignées s’élargit sous la Troisième République. Sous Jules Ferry, on enseigne l’arithmétique, mais aussi de la géométrie (avec une approche concrète et intuitive, mais aussi une initiation au raisonnement) et de l’algèbre (pour les grands élèves, de 11-13 ans), où on résout des problèmes.
A partir des années 50, le mot d’ordre est que l’école élémentaire, qui va se réduite à la tranche CP-CM2, doit préparer ses élèves à rentrer en sixième. Il faut donc se centrer sur les connaissances et les mécanismes de base. L’apprentissage par coeur est valorisé.
Il y a beaucoup de discussions à cette époque, autour de la question de la continuité des apprentissages des mathématiques, pour que les élèves fassent « de vraies mathématiques », et sur celle des maths comme savoir de base ou comme accès à la pensée mathématique. Les programmes de 1970 bousculent tout et marquent les esprits pour des dizaines d’années :
Trois blocs constituent des passages obligés pour qui apprend les maths, depuis très longtemps : la géométrie, l’algèbre et l’analyse. Pourtant, ce qu’on apprend peut être très variable, dans tous les domaines :
La manière dont on calcule a aussi énormément évolué : les outils que l’on utilise conditionne les mathématiques que l’on peut faire.
Enfin, il y a la question de l’innovation pédagogique en mathématiques. Initialement, l’apprentissage des maths se fait comme celui du latin : on apprend par coeur, on résout les exercices à la maison, ils sont corrigés au tableau, etc. L’idée que pour apprendre et comprendre les mathématiques il faut faire autre chose que cela n’apparaît qu’au XXe siècle. Une des questions qui se pose de façon continue, c’est le temps que prend d’enseigner des démarches et pas seulement des contenus. Une autre est celle des exercices : pour pouvoir innover, on a aussi besoin de maîtriser des techniques, et la pratique du calcul est typiquement le genre d’enjeu qui revient périodiquement.
Voilà une conférence aussi intéressante que dense ! Il va falloir que je me relise pour fixer tout cela.
En sixième, chaque année, je propose mon activité Superman et les super-mathématiques. C’est mon fils qui avait trouvé cette case au fil de ses lectures et me l’avait signalée, il y a des années.
Pour moi, ce problème est l’occasion de :
faire un peu d’anglais, montrer que parler anglais, comprendre l’anglais est évidemment nécessaire ;
faire chercher un problème de plus : extraire les données utiles, décomposer en sous-problèmes, trouver une stratégie, justifier, communiquer ;
travailler grandeurs et mesures (en déstabilisant avec des unités peu familières aux élèves : dans un pound il y a 16 ounces) ;
traduire « 1 haricot pèse 20 ounces » en « 20 haricots pèsent 1 ounce », ce qui est pour moi un des objectifs principaux en numération en sixième ;
travailler la proportionnalité, en modélisant (10 pounds de haricots, sachant qu’un ounce contient 20 haricots, …) ;
travailler le calcul mental (160×20, comment faire rapidement et sans « ajouter des zéros », mais en verbalisant que c’est 16 dizaines fois 2 dizaines, donc 32 dizaines de dizaines, c’est-à-dire 32 centaines) ;
réfléchir à l’évaluation ;
réactiver l’écriture des nombres, avec 1/20, 70%, etc.
parler notations : 32,000 ???
montrer que même Superman peut se tromper, et que donc se tromper ce n’est vraiment pas grave.
Je traite de Superman et ses haricots en groupe, en général, et en débit d’année. Mais cette année, tout a été différent et un peu imprévisible : je n’ai pas pou l’aborder dans une de mes deux classes avant… ce matin ! Mais c’est l’occasion de réfléchir à quand placer au mieux ce problème, et d’observer les différences.
Le fait que ce soit en anglais ne gêne pas outre mesure les élèves : nous commençons par expliquer le texte, et aujourd’hui j’ai vu la différence avec le début d’année : ils sont bien meilleurs en anglais en fin d’année, d’une façon impressionnante : dans les deux groupes ils ont uni leurs forces et traduit le texte sans mon aide. Souvent, ce qui les entrave vraiment pour entrer dans la réflexion, ce sont des unités de mesure qu’ils ne connaissent pas. Là encore, j’ai trouvé leur approche beaucoup plus fluide que d’habitude : ok, on n’est pas familiers de ces unités ; hé bien ça doit être « genre comme les miles » et on va aller chercher sur internet combien il y a d’ounces dans un pound. Voilà, pas besoin d’en faire un plat. En début d’année, les élèves sont surpris d' »avoir le droit » de recourir à internet pour trouver l’information. Là, pas du tout.
Alors nous résolvons, avec des variations dans la méthode proposée par les élèves :
En une fois la partie résolution de l’activité terminée, j’amène les élèves à se questionner sur la production de Superman :
Et ça, en bout de course, mène à l’évaluation de sa production. Les élèves, d’habitude, me proposent des notes : entre 4/20 et 10/20 la plupart du temps, avec un pic autour de 6. Cette année, ils sont partis directement sur les points verts et rouges, en étant beaucoup plus nuancés que les élèves de début d’année : au final, il a compris, notre cryptonien. Il s’est juste loupé dans son calcul « en mettant un zéro de trop ». Et ça, les élèves le formulent eux-mêmes, quand on leur demande d’y réfléchir. J’ai dégainé Sacoche et nous avons, ensemble, en votant (mais c’était très consensuel), évalué Superman. Nous avons obtenu ce genre de bilan :
Et là, nous faisons le lien avec la note : ça veut dire quoi, 69% ou 78% (les scores attribués par les deux groupes d’aujourd’hui) ? 78% :
ça veut dire 78 parmi 100
ça veut dire 78 sur 100
ça veut dire 78 centièmes
donc ça fait 7,8 sur 10
ah bah ça fait le double, sur 20
il a 15,6/20.
Enfin, nous réfléchissons : pourquoi les élèves obtenaient une évaluation si différente en analysant les compétences.
C’est vraiment une situation très riche, qui synthétise bien l’écriture des nombres et la proportionnalité. Nous avons fait de super mathématiques, c’est certain, car on touche au sens de l’écriture des nombres. Quant à Superman, il peut se rassurer : tout le monde a pris avec bienveillance son erreur de calcul. En revanche, il pourrait envisager d’être moins prétentieux… Et la dame pourrait réfléchir par elle-même plutôt que d’être admirative par défaut.
Je me dis que c’est bien aussi de l’aborder en fin d’année ; mais faire réfléchir les élèves à l’évaluation, leur permettre de comprendre encore mieux comment j’évalue, a plus de sens en début d’année. Je vais donc essayer de caler la question de l’évaluation sur une autre analyse d’erreur, plus précoce, l’année prochaine, et sans doute laisser superman plus tard dans l’année. Peut-être pas autant, mais pas non plus en première période.