Vous êtes quelques-unes et quelques-uns à me demander quels aménagements nous avons obtenus pour le bac de ma fille, qui arrive bientôt. Pour celles et ceux qui auraient slalomé entre mes coups de colère, Alice est autiste. Elle est dans l’impossibilité de s’exprimer dans quelque épreuve orale que ce soit. Or elle a cette année l’oral de NSI et le grand oral. J’ai donc, avec d’autres parents d’enfants autistes lycéennes et lycéens, entamé un combat âpre : pour ma fille, à part demander la dispense du grand oral, il n’y a pas d’autre solution viable. Pour la NSI, nous avons demandé que la partie orale soit transformée en un écrit.
Pour la NSI, il est possible que cela aboutisse car c’est une décision plus locale que pour le grand oral, et le lycée se bat à nos côtés d’une façon formidable. Pour le grand oral, c’est au niveau ministériel que cela se joue. Le bilan aujourd’hui, après avoir écrit à beaucoup, beaucoup de représentants politiques, le voici : rien. Le cabinet du premier ministre m’a répondu avoir transmis au ministre de l’éducation nationale, et savoir que je l’avais déjà saisi. C’est la seule réponse que j’ai reçue. Parce qu’en fait, la problématique du handicap est un affichage, mais rien de plus. Que ma fille doive passer un oral alors qu’elle ne parlera pas est « normal » pour des raisons d’ « égalité ». Évidemment, c’est à l’oral qu’on me dit cela ; un écrit serait en effet une erreur stratégique.
J’ai bien conscience que le cas de ma fille est marginal. Mais des cas marginaux, il y en a beaucoup. Se battre ainsi est véritablement épuisant. Au final, sauf revirement de dernière heure, Alice écrira son grand oral, qui sera lu par une accompagnatrice, puis le jury lui posera des questions auxquelles elle sera dans l’impossibilité de répondre. Pas parce qu’elle ignore mes réponses, mais parce qu’elle est autiste. Ce jury devra évaluer principalement la communicztion orale et tres peu le fond de son conteu… Mais alors donc il évaluera la communication de l’accompagnatrice de ma fille ? C’est absurde.
Nous, nous la préparons à se protéger. Nous avions réussi pour l’oral de français, alors nous déployons toute notre énergie en ce sens. Car imposer un oral à un candidat non verbal relève d’une violence inouïe. Mais c’est une facette de l’école inclusive : adaptez-vous, enseignants, mais nous n’adapterons pas les examens. Comme me l’a dit un interlocuteur au ministère : « Estimez-vous heureuse qu’elle soit en terminale ! C’est rare dans un cas comme le sien. »
Ma fille n’est pas un cas. Elle est une personne.