A l'attaque !·A quoi ça sert les maths ?·Activité rigolote·Allez les jeunes !·Au collège·C'est bien pratique·Ca fait pas du bien aux maths·Chez les collègues·Culture mathématique·Cycle 4·Enseignement·Expo de maths·Je suis fan·Maths en vidéo·Maths pour tous·Merci les copains·Partager les maths·Tous ensemble !·Vidéos

La malédiction des probas

Rhaaaaa mais zut, pourquoi ai-je continué à explorer toutes ces ressources des Dudu ??? Cela doit faire un moment que je n’ai pas regardé leur catégorie travail sur l’erreur et c’est plein de pépites… J’ai très envie de traiter ça en quatrième, car nous avons traité les probas et les questions des élèves m’ont amenée aux expériences à deux épreuves et aux arbres :

Comme je trouve mes élèves tout ramollos depuis le retour des vacances, je me dis que cela pourrait les motiver, un challenge qui leur reste accessible…

Je vais aussi pouvoir expliquer à mes élèves ce que je pense de l’idée même de malédiction, car nul doute qu’ils vont réagir.

A l'attaque !·Actualité·Ca fait pas du bien aux maths·Calcul mental·Culture mathématique·Expo de maths·Maths pour tous·Merci les copains·Partager les maths·Tous ensemble !

Non mais là le calcul, ça va pas.

François Jarraud m’a envoyé cette photo de Paris :

Bon, s’insurger, c’est parfois utile, on est d’accord. Mais là, c’est moi qui m’insurge :

  • D’abord, dans un décimal, en France, on indique une virgule, dans le rang des unités, pas un point.
  • Ensuite, on voit bien qu’on n’enseigne pas assez l’estimation : 49,3×49,3, c’est proche de 50×50, soit 5x5x10x10=2500. Alors 1789, non.
  • Si vraiment on décide que 1789 c’est environ égal à 2500, au moins il faut indiquer un « environ égal à », pas un « égal ». La sémiotique, c’est important.

Non parce que faut être un peu rigoureux, quand même.

Merci François ! 😉

Allez les jeunes !·BRAVO!!!·Ca fait pas du bien aux maths·Chez les élèves·Culture mathématique·Décrochage·Expo de maths·Je suis fan·Maths et société·Merci !·Représenter·Tous ensemble !

Moins = plus, ah oui, tiens ?

J’ai reçu cette photo de la part d’élèves qui goûtaient ensemble chez l’un d’eux :

Alors ce qui est bien, c’est l’usage du verbe croire, car en effet on est dans le domaine de la croyance, pas du savoir, scrognegneu.

Non mais qu’est-ce que c’est que cette affirmation, et qu’est-ce que c’est que cette utilisation du signe égal ???

Merci BEAUCOUP aux élèves qui ont pris et m’ont envoyé cette photo. On sent que la règle des signes est passée par là… C’est extra !!!

A l'attaque !·A quoi ça sert les maths ?·Actualité·ça m'énerve·Beaucoup de bruit pour rien·Ca fait pas du bien aux maths·Chez les cadres·Culture mathématique·Décrochage·Dur dur·Enseignement·Evénement·L'éducnat·Lire·Tous ensemble !

Et si on FAISAIT des maths au lieu de causer ???

Bon, bon, bon. Alors donc notre ministre a sorti un plans maths. Ooooh, chouette. Qu’y lit-on ?

En intro, je résume : ça va mal mais on a plein de médailles et de prix.

Afin non seulement de continuer à promouvoir l’excellence, mais aussi réconcilier tous les élèves avec les mathématiques et encourager l’égalité filles-garçons, Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, présente la stratégie qui fera de 2023 « l’année de promotion des mathématiques à l’école ».

Source

Ok. Promouvons, si c’est en faisant des maths. Parce que juste demander aux collèges d’ouvrir un compte Facebook, cela me fatigue.

Ensuite, à l’école primaire, on poursuit le plan de formation actuel et on revalorise les CPC dès cette année. Ca, c’est très bien, de revaloriser les CPC, parce que vu leurs conditions salariales et la charge de travail, le fait même que des collègues soient CPC volontairement me stupéfie.

Au collège :

  • Encourager la création dans chaque collège d’un club de maths à partir de la rentrée 2023 pour cultiver le goût pour les mathématiques et le plaisir d’en faire ;
  • Mettre en place des groupes à effectifs réduits en classe de 6e en mathématiques, tant pour soutenir les élèves qui en auraient besoin que pour stimuler les élèves les plus avancés ;
  • Créer un cadre national de compétences en mathématiques (CNCM) sur le modèle du cadre européen de référence pour les langues (CECRL) pour certifier le niveau atteint par chaque élève en fin de 3e.
Source

Bon avec mes quatre clubs chaque année, je pense qu’on est tranquilles. Par contre si ça se trouve, je pourrais en être payée, avec plus que de l’estime, je veux dire. Parce que là tous mes midis en club, à raison d’1h par jour, cela doit me rapporter entre 0€ et 240€ par an. Vous aurez bien compris que je ne fais pas cela pour l’argent, mais pour mon plaisir et celui des élèves. Par contre un jour c’est l’absence de rémunération qui me fera arrêter, parce que parfois je fatigue de n’avoir jamais de pause.

En 6e, j’attends de voir les « groupes à effectifs réduits » : dans ma classe de 6e, j’ai 29 élèves dont 12 dans des situations extraordinaires dans leurs apprentissages. Je ne parle pas des dys, hein. Je parle des élèves qui ne savent pas lire, qui ont des handicaps physiques invalidants, qui sont malades, les hyperlaxes qui ne peuvent pas écrire, les élèves qui ne parlent pas du tout français, les élèves autistes, etc. Ma classe est formidable, adorable et super sympa. Mais aider tout le monde et chacun, c’est la folie furieuse. Alors oui, je veux bien des groupes en effectifs réduits, de façon plus fréquente qu’aujourd’hui : je vois mes élèves en demi-classe une heure par quinzaine, c’est peu, et ils sont en deux groupes chacun hétérogènes, ce qui ne permet pas une remédiation efficace.

Pour le cadre national, je suis perplexe : le DNB ne compte pas ? Parce que si vraiment on veut lui trouver une utilité, c’est de donner une idée du niveau atteint par rapport à une norme, non ? Ou alors on fait le truc du CNCM (on manquait d’acronyme, c’est vrai) et on vire le DNB. Là, je suis partante et même je ferai un article enthousiaste.

Au lycée, ça m’énerve. On nous ressort l’idée du module de réconciliation. Je n’en peux plus de cette idée de réconciliation, défaitiste à l’extrême, et dévalorisante pour les enseignants d’école et de collège. Point positif : le LP n’a pas été oublié. Et pour les maths en première et terminale,  » Rendre obligatoire en classe de 1ère générale l’heure et demie de mathématiques pour tous les élèves n’ayant pas choisi la spécialité mathématique, afin de solidifier la formation commune de tous les élèves en mathématiques ». Bon, attendons de savoir comment, qui, quoi. C’est un progrès par rapport à ce qui se passait, disons.

Autre point de vigilance : les inégalités filles-garçons (je préfèrerais les inégalités de genre, car beaucoup d’élèves ne se reconnaissent ni dans fille, ni dans garçon ; c’est plus complexe. Parler tout le temps de la dichotomie filles-garçons renforce des stéréotypes) et liées à la pauvreté. Là, on sent la phrase qui fait bien :

Pour lutter contre les stéréotypes de genre, l’objectif est d’atteindre d’ici 2027 la parité filles-garçons dans les spécialités mathématiques, physique-chimie et mathématiques expertes (les filles sont majoritaires en SVT), et tendre vers la parité pour les autres enseignements (Sciences de l’ingénieurs – NSI – numérique et sciences informatiques).

Source

Pourquoi est-ce que je râle encore ? Parce que dans cette phrase il n’y a rien et qu’on y confond cause et conséquence. Pour améliorer la situation, il faut FAIRE des maths. Pas de l’affichage, mais des MAAAAATHS ! Former, revaloriser, rendre compétent et compétente.

Bref, je me calme. C’est dimanche soir, on ne va pas pulvériser un beau weekend comme ça pour des bêtises.

Mais quand même : « Lutter plus précocement (dès l’école maternelle) contre les stéréotypes de genre qui découragent les filles », ok, comment ? « Fixer des objectifs chiffrés d’orientation pour concentrer les efforts sur les secteurs scientifiques où les filles sont très minoritaires », très bien, en faisant quoi ? « Décliner dans chaque académie dès les prochaines semaines cette stratégie de promotion et de revalorisation des mathématiques », non, il faut FORMER !!! Et puis quoi, elles sont dévalorisées, en elles-mêmes, les mathématiques ??? Non : c’est le gouvernement qui porte cette dévalorisation.

J’aimerais écrire que j’y crois, qu’il y a de l’espoir, que les choses vont changer. J’aimerais présenter tout cela comme positif. D’ailleurs en réalité je ne demande qu’à être convaincue. Mais nous avons eu, j’ai ressenti tellement de déceptions, je me sens tellement abandonnée par le ministère, que je ne veux pas risquer d’être à nouveau dépitée. Le plan Villani-Torossian, tel qu’il était initialement, et tout son déploiement de base, porté par une véritable ambition et une énergie incroyable, était formidable et efficace. On voit ce qui en a été fait. Quant à la réforme du lycée… Alors si vraiment on veut améliorer les choses, on sait comment faire. Mais pour ça, il va falloir des moyens et des décisions. De vraies décisions. Et de vrais moyens.

Ca fait pas du bien aux maths·Chez les collègues·Culture mathématique·Dur dur·Enseignement·Expo de maths·histoire des maths·hommage·Lire

Naturel ou extraordinaire ?

La famille d’un de mes élèves m’a donné des ouvrages, dont des ouvrages scolaires de mathématiques. La plupart datent des années 60-70 et j’ai commencé aujourd’hui à les dépiler. J’ai appris, à l’école et au collège, avec des maths modernes ; je sais aujourd’hui que c’en était une version « édulcorée ». Voici le livre que j’ai étudié ce matin :

Je l’ai ouvert au hasard, et je suis restée assez longtemps sur ladite page :

Après en avoir fini avec ce petit extrait, je suis allée lire l’avant-propos, dont voici des passages qui traduisent bien l’inconfort des auteurs :

Allez, pour le plaisir, d’autres extraits emblématiques selon moi :

Et sur les opérations :

Et puis cet extrait m’a vraiment fait réfléchir :

A quoi ça sert les maths ?·Actualité·Beaucoup de bruit pour rien·Ca fait pas du bien aux maths·Calcul mental·Chez les cadres·Culture mathématique·Décrochage·Dur dur·Ecouter·Expo de maths·Maths pour tous·Merci les copains·Partager les maths·scandale·Si si c'est drôle·Vidéos

Le grand oral de Bruno

Hé bin c’est pas gagné. Merci Yvan, j’ai bien ri !

A l'attaque !·A quoi ça sert les maths ?·école·Ca fait pas du bien aux maths·Chez les élèves·Chez les collègues·Culture mathématique·Enseignement·Expo de maths·Formation·L'éducnat·Manuels scolaires·Maths et société·Maths pour tous·Merci les copains·Mots de maths·Partager les maths·Question de grand·Représenter·Tous ensemble !

Fichus rectangles ! Heu, non fichus carrés ? Ah, zut !

Matthieu Drillet a publié un tweet d’une copie de son enfant. Il a écrit en commentaire « J’aurais préféré que ma fille n’ait pas eu TB » :

https://pbs.twimg.com/media/FWWiWVQXgAA61ax?format=jpg&name=4096×4096

Préambule : Matthieu ne fait de procès à personne. Il ne prend pas le professeur de son enfant pour un(e) idiot(e). Il regrette juste que la formation ne soit pas suffisamment conséquente et efficace pour éviter ce type d’erreur. Alors tout le monde se détend, et on discute.

Ici, on est devant un obstacle classique et résistant. Se tromper dans ce cadre a du sens. Nous sommes nombreuses et nombreux à avoir appris les rectangles et les carrés de façon « étanche ». Nous avons donc construit nos « définitions » : « un rectangle est un quadrilatère à quatre angles droits, avec deux largeurs et deux longueurs », ou bien « avec deux côtés opposés d’une longueur, et les deux autres d’une autre longueur », voire « avec les deux horizontales d’une longueur, les deux verticales d’une autre ». Le carré, lui, a « quatre angles droits et quatre côtés égaux ».

Or, pour le rectangle, c’est faux. Et pour le carré ce n’est pas une « définition minimale ». Le rectangle est un quadrilatère qui possède trois angles droits et le carré est, par exemple, un rectangle dont deux côtés consécutifs sont égaux. Mais on peut choisir bien d’autres définitions, minimales elles aussi.

Quatre questions se posent, selon moi :

  1. Pourquoi ça fâche ?
  2. Est-ce vraiment important, tout ça ?
  3. Quels sont les enjeux ?
  4. Et alors, on fait comment pour éviter des constructions erronées ?

1. Pourquoi ça fâche ?

Parce que ça vexe, ça complexe, ça culpabilise : j’ai raconté une bêtise, je raconte une bêtise depuis longtemps, je n’ai pas fait ce que j’aurais dû, voire pire : je ne suis pas capable de…

C’est rendu encore plus douloureux lorsqu’on est enseignant : on est censé être détenteur des savoirs curriculaires, et transmettre des connaissances fausses est naturellement source d’une grande frustration, car on veut bien faire son travail.

Et pourtant, des bêtises, nous en disons et nous en faisons toutes et tous. Construire un rapport à l’erreur harmonieux, équilibré, sans culpabilisation excessive ni décontraction exagérée est difficile. Mais c’est crucial, ne serait-ce que pour pouvoir être vraiment bienveillant (exigence incluse, évidemment) devant les erreurs des élèves.

2. Est-ce vraiment important, tout ça ?

Tout dépend de ce qu’on entend par « important ». Est-il plus grave de croire que la Terre est plate, d’appeler systématiquement une chaise un tabouret, ou de penser qu’un carré n’est pas un rectangle ? Tout dépend sans doute du contexte. Mais tout de même, oui, c’est important. Ce n’est pas important dans le sens de rectification d’une erreur isolée. C’est important dans un sens émancipateur. Accepter des élèves, et donc de personnes, que boah-c’est-pas-si-grave-on-s’en-moque-un-peu-au-final-de-toute-façon-dans-la-vie-ça-va-changer-quoi-?, c’est aussi ne pas tout à fait les respecter. Ils méritent cette exigence, justement, indispensable à un enseignement de qualité. Dans la vie courante, on est d’accord, assez peu d’individus vont voir leur vie basculer pour cause de confusion géométrique. En revanche, l’accès à l’abstraction est impacté, pas seulement par cet exemple précis (carré vs rectangle), mais par ce qu’il porte quant au rapport à l’abstraction et à la construction du raisonnement. Cela m’amène au point suivant.

3. Quels sont les enjeux ?

Ils sont multiples et je vais essayer de faire court. Les mathématiques contribuent particulièrement (mais pas seulement : la philosophie aussi, et d’autres disciplines encore) à la construction de l’abstraction. Elle y contribue par le biais d’un langage particulier, qui passe par des figurés, du lexique et des éléments sémiotiques. En mathématique, dire qu’un rectangle est un quadrilatère qui possède trois angles droits ne signifie pas qu’on pense qu’il n’a que trois angles ou que le quatrième n’est pas droit. Cela signifie qu’il a au moins trois angles droits. En fait, s’il en a trois, il en a forcément quatre, alors dans un souci de minimalisme (prouver pour trois est plus rapide) on se contente de trois (c’est nécessaire, et aussi suffisant). De même, « définir » un carré par une liste de propriétés certes vraies, mais équivalentes, ce n’est pas définir. C’est énumérer des propriétés, ce qui est utile aussi, mais différent.

Ainsi, il y a la question de ce qu’est une définition. C’est important dans la vie de tous les jours, ça. A partir de quel moment puis-je nommer quelque chose ? Lorsque j’ai vérifié que sa caractérisation renvoie à ce mot. C’est transférable dans tous les domaines et cela permet la communication sans interférences, sans informations inutiles qui noient l’indispensable. C’est aussi ce qui permet d’accéder à l’idée d’argument, sans pencher vers l’opinion. On touche à la logique : à quel moment prononcer légitimement ce terrible « donc » utilisé à toutes les sauces à l’oral ? Qu’est-ce qui entraîne quoi ? Où sont les causes, les conséquences, le nécessaire, le suffisant ? Soyons honnêtes : pour penser de façon claire et argumenter solidement, quel que soit le contexte, on est plus robuste en sachant définir et lier les concepts entre eux. Les mathématiques y aident grandement. Dans cette perspective, ce ne sont pas les objets étudiés qui ont le plus d’importance, mais ce pourquoi on les étudie (le choix des objets étudiés a aussi de l’importance, dans une perspective différente).

Il y a aussi la question de l’abstraction. Quand un enfant (ou un adulte) se réfère à la verticalité et l’horizontalité, cela dit quelque chose de sa pensée. Elle en est à un certain point, et il est utile pour l’enfant d’avancer plus loin. Quand on montre en sixième un morceau de papier coloré de forme carrée placé de façon prototypique (avec un côté parallèle au sol), les élèves disent « carré ». Quand, devant eux, on effectue une rotation de 45°, une partie importante des élèves disent « losange ». Ils voient bien que c’est le même bout de papier. Mais une petite rotation les fait irrésistiblement énoncer un mot différent. Certains sont perplexes devant ce réflexe, d’autres pas. Notre rôle est, à partir de là où ils en sont, quel que soit leur âge ou leur niveau de classe, de les amener à progresser en ayant accès à l’abstraction : réussir à parler géométrie sans recours immédiat ou systématique à la figure choque souvent ; c’est pourtant un bon exercice intellectuel, que nous pratiquons au quotidien avec les nombres. Car 2, ce n’est pas « 2 pommes ». Le nombre aussi est une abstraction.

C’est bien normal et naturel de se rapporter à des cas concrets. Mais ces cas concrets ne définissent pas les concepts. Ils les illustrent.

4. Et alors, on fait comment pour éviter des constructions erronées ?

Je n’ai pas de recette magique (même si multireprésenter est un bon appui), et je le regrette. Mais j’ai des idées et des pratiques pour aider.

D’abord, partir du principe qu’on va loin d’emblée. Pas n’importe comment, pas n’importe quand. Mais avec tout le monde. Ensuite, si nécessaire, on simplifiera pour celles et ceux qui n’accèdent pas à ce qu’on propose, pour alors les hisser au plus haut à ce moment de leurs apprentissages et de leur parcours de vie. Mais enfin, on ne va pas se contenter de peu, quand même !

Ensuite, discuter de ce que sont les définitions, les propriétés, montrer qu’on peut choisir des définitions différentes pour un même objet, débattre de celle qui semble la plus adéquate à tel ou telle. Par exemple, il y a quelques années, mes collègues de maths et moi nous étions aperçues que nous ne donnions pas la même définition d’un parallélogramme : « un parallélogramme est un quadrilatère dont les côtés opposés sont parallèles » (pour le lien avec le mot), « un parallélogramme est un quadrilatère dont les diagonales se coupent en leur milieu » (pour le lien avec la symétrie centrale et l’importance de cette propriété), « un parallélogramme est un quadrilatère dont deux côtés opposés sont parallèles et de même mesure » (parce que les élèves zappent souvent cette entrée). J’avais trouvé ça super, en fait : depuis, j’en parle chaque année à mes élèves de cinquième, pour leur montrer comment on est libre de faire des choix justifiés, et là où ne peut pas aller parce que ce n’est pas correct. Nous parlons condition nécessaire, condition suffisante, équivalence, sans forcément le modéliser ou le formaliser (parfois oui, cependant), mais pour construire la pensée, pour donner des outils pour réfléchir et au final pour comprendre seul. De toute façon c’est toujours seul qu’on comprend, et c’est bien pour cela que démontrer en maths est une joie si intime. Mais on peut y être aidé : c’est moi qui monte à l’échelle, mais on m’a apporté le bon modèle d’échelle en fonction de mon objectif.

J’en reviens à mes carrés et à mes rectangles. On peut toujours déconstruire pour reconstruire. Il faut soulever le capot et démonter tout le moteur, mais on y arrive. C’est beaucoup plus difficile que si on a tout construit ensemble dans la continuité, évidemment, et éminemment plus long. Je pense qu’une solution ici est de procéder à la Brissiaud comme dans Picbille (Retz, CP) :

La seule chose que je n’ai pas ici, c’est que les rectangles soient opaques, ce qui privilégie la vision surfaces et ne permet pas de développer la vision lignes ou la visions points, qui seront essentielles plus tard. Mais là, Rémi Brissiaud donne la possibilité de raisonner, de faire des liens, d’inclure immédiatement les carrés dans les rectangles.

Ensuite il faudrait que cette entrée soit stable au fil de la scolarité (la question du cycle 1 se pose également). Et ça, c’est très compliqué. En particulier parce que la formation n’a pas les moyens de transmettre tout ce qui serait nécessaire. Et aussi parce que les maths ne font pas partie de la culture générale pour beaucoup, en particulier pour celles et ceux qui décident, souvent parce qu’eux-mêmes ne sont pas compétents en maths et choisissent la solution de facilité : puisque je peux m’en passer, c’est que c’est inutile.

Bel exemple de raisonnement de travers. Ca aurait été mieux avec un peu de maths, sans doute. Ca aurait aussi été mieux si on cherchait à avancer toutes et tous ensemble.

A quoi ça sert les maths ?·Actualité·ça m'énerve·Ca fait pas du bien aux maths·Calcul mental·Chez les collègues·Culture mathématique·Décrochage·Dur dur·Expo de maths·Lire·Maths et société·Maths pour tous·Merci !·Oups·Partager les maths·Représenter·Tous ensemble !

0,4 est-il inférieur ou supérieur à 0,13 ?

Arnaud Boulay a trouvé cette infographie et l’a partagée. Attention, c’est violent dans le fond et dans la forme :

Aujourd’hui en France, page 8, édition du 26 mai 2022

Voilà ce qui arrive lorsqu’on retient que de deux nombres, le plus grand est celui qui possède le plus de chiffres. Ca, ça marche jusqu’en CE2 (et encore). Mais une fois que les décimaux arrivent, c’est caduque.

C’est pourquoi cette affirmation est un subterfuge délétère, et pas une règle. C’est faux et cela construit des représentations qui perdurent.

La question bonus, c’est pourquoi les journalistes n’ont-ils pas des logiciels qui construisent des graphiques corrects ? Pourquoi utilisent-ils des outils où ils font à la main, visiblement ?

A l'attaque !·APMEP·Ca fait pas du bien aux maths·Chez les collègues·Genre·Manuels scolaires·Maths et genre·Oups·Partager les maths·Tous ensemble !

Faut pas faire genre

Je vais retrouver Aline Bègue-Crézé ce matin au local de l’APMEP, avec plein d’autres matheux motivés, pour un weekend productif. Je serai côté bureau et elle au groupe Femmes et maths, et elle a préparé de quoi cogiter avec cet exercice qui fait mal :

Comme le souligne Aline, cela n’ôte rien à la qualité du manuel. Chacune et chacun d’entre nous est menacé par ce type de stéréotype ; mieux vaut que nous ayons conscience que là où se cachent les nôtres, ils nous sont invisibles, pour se préparer à les reconnaître, les débusquer ensuite et les éliminer.

En tout cas, c’est un très bel exemple, bravo Aline !

A l'attaque !·A quoi ça sert les maths ?·Activité rigolote·Ca fait pas du bien aux maths·Culture mathématique·Cycle 3·Cycle 4·Expo de maths·Lire·Maths pour tous·Mes projets·Représenter·Tous ensemble !

Le grand atlas géographique, finalement pas mathématique.

Le Grand Atlas Géographique est un magnifique album de Regina Giménez, au sujet duquel j’ai écrit ici. A l’époque je l’avais qualifié de merveilleux ; voyons donc en y plongeant plus avant.

Aujourd’hui enfin, je l’ouvre à nouveau. Cela fait maintenant une semaine que je ne suis plus écrasée par toutes les dead-lines repoussées par le covid toutes sur la même période ; la tempête est derrière moi, les découvertes au fil de mes envies sont devant ; alors j’ai bien envie de travailler un album. Et comme mon mari est coordo Ulis mais à la base prof d’histoire-géo, je me dis qu’animer le Grand Atlas Géographique dans sa classe serait une bonne idée. Il va m’amener sa culture et son regard de géographe, et moi je vais mathématiser : duo gagnant.

Je vais partager cette première approche avec vous. Mon objectif est de choisir entre deux et quatre pages ou doubles-pages, et de proposer une séance à partir de chacune, dans laquelle je trouverai une assise mathématique satisfaisante, qui a du sens, qui est consolidée par l’album, qui apporte d’autres éléments de culture. Si possible, je voudrais mettre en oeuvre le triptyque manipuler-verbaliser-abstraire qui m’est cher.

En lisant avec attention tout l’album, j’ai retenu plusieurs axes : les représentations de données circulaires, triangulaires, en rectangles. J’aurais aimé travailler les marées, mais je trouve la page assez mal expliquée finalement.

D’abord, on peut étudier une de ces pages (il y en a d’autres du même type) pour voir comment est construite la représentation ; le problème est la façon dont est construit le diagramme. Par exemple, la limite supérieure de la couche bleu foncé correspond à une distance de 10km par rapport à la Terre : la largeur de la bande bleue représente 10km. Mais la limite supérieure de la bande bleu pétant adjacente atteint 50km, donc la distance à la Terre (en vert) doit être de 5 fois la largeur de la bande bleu foncé. On n’y est pas du tout : j’ai 1,6cm de large pour la bande bleue, et 4,3 de large pour la bande bleu foncé et la bleu pétant, cumulées. Ca cloche. Zut, je ne sais pas si j’utilise ça ou si c’est inutilisable. Nous pouvons chercher, avec les élèves, en quoi, pourquoi, comment ça cloche ; ici, on est dans de la dimension 1, et les calculs sont assez simples.

Sur les disques, je me suis bien pris le chou. J’aime même embêté ma fille covidée pour réfléchir à deux ; rien à faire, ça ne va pas du tout. J’ai vérifié la proportionnalité aires des disques représentés-surfaces réelles, ça ne marche pas. J’ai considéré que mes mesures pouvaient être imprécises, mais en calculant « à l’envers », cela ne concorde pas du tout avec les longueurs sur l’album. Ce n’est pas une question d’erreur de mesurage. J’ai vérifié aussi la proportionnalité rayons (ou périmètre, du coup)-surfaces réelles, et ça ne va pas du tout non plus.

D’ailleurs après coup je me suis rendu compte que j’aurais pu me passer de calculs : le disque rouge en bas du Groenland devrait représenter dix fois plus que le disque bleu foncé en haut de la deuxième colonne en partant de la gauche (la Grande Bretagne). Cela ne colle ni pour les longueurs ni pour les aires. Là, c’est difficile à exploiter avec les Ulis de mon mari.

Il y a aussi ces diagrammes, qui mobilisent des pourcentages. Elle est bien jolie, mais inexploitable. Sur la page de droite par exemple, les lignes sont équidistantes mais ne représentent pas des taux égaux ; d’autre part, le rectangle de l’Amérique du Sud représente une surface en théorie pas loin du double du rectangle de l’Afrique, et ce n’est absolument pas le cas. Et puis les taux sont compliqués à comprendre : il faut les cumuler, et je trouve que c’est peu intuitif.

Il y a ce diagramme en barres, mais il n’apporte pas grand-chose par rapport à un diagramme plus classique :

Le diagramme en triangle est intéressant, avec des triangles semblables ; là, j’avais déjà passé tellement de temps à constater que du point de vue mathématique les pages précédentes ne sont pas correctes, que je ne me suis pas lancée.

Je reste admirative de cet album sur le plan du design, mais je suis plus perplexe sur l’aspect scientifique des représentations de données. Je ne suis pas sûre de pouvoir l’utiliser. J’aimerais bien quand même, sans doute en partant des rayons non proportionnels cités en premier, et en passant ensuite peut-être sur les disques pour traiter des aires. Nous pourrions refaire les représentations, mais justes ; il faut que je voie avec mon mari si c’est trop ambitieux. Peut-être pour les aires de disques. Sans doute pas pour les longueurs.