Et si on FAISAIT des maths au lieu de causer ???
Bon, bon, bon. Alors donc notre ministre a sorti un plans maths. Ooooh, chouette. Qu’y lit-on ?
En intro, je résume : ça va mal mais on a plein de médailles et de prix.
Afin non seulement de continuer à promouvoir l’excellence, mais aussi réconcilier tous les élèves avec les mathématiques et encourager l’égalité filles-garçons, Pap Ndiaye, ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, présente la stratégie qui fera de 2023 « l’année de promotion des mathématiques à l’école ».
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Ok. Promouvons, si c’est en faisant des maths. Parce que juste demander aux collèges d’ouvrir un compte Facebook, cela me fatigue.
Ensuite, à l’école primaire, on poursuit le plan de formation actuel et on revalorise les CPC dès cette année. Ca, c’est très bien, de revaloriser les CPC, parce que vu leurs conditions salariales et la charge de travail, le fait même que des collègues soient CPC volontairement me stupéfie.
Au collège :
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- Encourager la création dans chaque collège d’un club de maths à partir de la rentrée 2023 pour cultiver le goût pour les mathématiques et le plaisir d’en faire ;
- Mettre en place des groupes à effectifs réduits en classe de 6e en mathématiques, tant pour soutenir les élèves qui en auraient besoin que pour stimuler les élèves les plus avancés ;
- Créer un cadre national de compétences en mathématiques (CNCM) sur le modèle du cadre européen de référence pour les langues (CECRL) pour certifier le niveau atteint par chaque élève en fin de 3e.
Bon avec mes quatre clubs chaque année, je pense qu’on est tranquilles. Par contre si ça se trouve, je pourrais en être payée, avec plus que de l’estime, je veux dire. Parce que là tous mes midis en club, à raison d’1h par jour, cela doit me rapporter entre 0€ et 240€ par an. Vous aurez bien compris que je ne fais pas cela pour l’argent, mais pour mon plaisir et celui des élèves. Par contre un jour c’est l’absence de rémunération qui me fera arrêter, parce que parfois je fatigue de n’avoir jamais de pause.
En 6e, j’attends de voir les « groupes à effectifs réduits » : dans ma classe de 6e, j’ai 29 élèves dont 12 dans des situations extraordinaires dans leurs apprentissages. Je ne parle pas des dys, hein. Je parle des élèves qui ne savent pas lire, qui ont des handicaps physiques invalidants, qui sont malades, les hyperlaxes qui ne peuvent pas écrire, les élèves qui ne parlent pas du tout français, les élèves autistes, etc. Ma classe est formidable, adorable et super sympa. Mais aider tout le monde et chacun, c’est la folie furieuse. Alors oui, je veux bien des groupes en effectifs réduits, de façon plus fréquente qu’aujourd’hui : je vois mes élèves en demi-classe une heure par quinzaine, c’est peu, et ils sont en deux groupes chacun hétérogènes, ce qui ne permet pas une remédiation efficace.
Pour le cadre national, je suis perplexe : le DNB ne compte pas ? Parce que si vraiment on veut lui trouver une utilité, c’est de donner une idée du niveau atteint par rapport à une norme, non ? Ou alors on fait le truc du CNCM (on manquait d’acronyme, c’est vrai) et on vire le DNB. Là, je suis partante et même je ferai un article enthousiaste.
Au lycée, ça m’énerve. On nous ressort l’idée du module de réconciliation. Je n’en peux plus de cette idée de réconciliation, défaitiste à l’extrême, et dévalorisante pour les enseignants d’école et de collège. Point positif : le LP n’a pas été oublié. Et pour les maths en première et terminale, » Rendre obligatoire en classe de 1ère générale l’heure et demie de mathématiques pour tous les élèves n’ayant pas choisi la spécialité mathématique, afin de solidifier la formation commune de tous les élèves en mathématiques ». Bon, attendons de savoir comment, qui, quoi. C’est un progrès par rapport à ce qui se passait, disons.
Autre point de vigilance : les inégalités filles-garçons (je préfèrerais les inégalités de genre, car beaucoup d’élèves ne se reconnaissent ni dans fille, ni dans garçon ; c’est plus complexe. Parler tout le temps de la dichotomie filles-garçons renforce des stéréotypes) et liées à la pauvreté. Là, on sent la phrase qui fait bien :
Pour lutter contre les stéréotypes de genre, l’objectif est d’atteindre d’ici 2027 la parité filles-garçons dans les spécialités mathématiques, physique-chimie et mathématiques expertes (les filles sont majoritaires en SVT), et tendre vers la parité pour les autres enseignements (Sciences de l’ingénieurs – NSI – numérique et sciences informatiques).
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Pourquoi est-ce que je râle encore ? Parce que dans cette phrase il n’y a rien et qu’on y confond cause et conséquence. Pour améliorer la situation, il faut FAIRE des maths. Pas de l’affichage, mais des MAAAAATHS ! Former, revaloriser, rendre compétent et compétente.
Bref, je me calme. C’est dimanche soir, on ne va pas pulvériser un beau weekend comme ça pour des bêtises.
Mais quand même : « Lutter plus précocement (dès l’école maternelle) contre les stéréotypes de genre qui découragent les filles », ok, comment ? « Fixer des objectifs chiffrés d’orientation pour concentrer les efforts sur les secteurs scientifiques où les filles sont très minoritaires », très bien, en faisant quoi ? « Décliner dans chaque académie dès les prochaines semaines cette stratégie de promotion et de revalorisation des mathématiques », non, il faut FORMER !!! Et puis quoi, elles sont dévalorisées, en elles-mêmes, les mathématiques ??? Non : c’est le gouvernement qui porte cette dévalorisation.
J’aimerais écrire que j’y crois, qu’il y a de l’espoir, que les choses vont changer. J’aimerais présenter tout cela comme positif. D’ailleurs en réalité je ne demande qu’à être convaincue. Mais nous avons eu, j’ai ressenti tellement de déceptions, je me sens tellement abandonnée par le ministère, que je ne veux pas risquer d’être à nouveau dépitée. Le plan Villani-Torossian, tel qu’il était initialement, et tout son déploiement de base, porté par une véritable ambition et une énergie incroyable, était formidable et efficace. On voit ce qui en a été fait. Quant à la réforme du lycée… Alors si vraiment on veut améliorer les choses, on sait comment faire. Mais pour ça, il va falloir des moyens et des décisions. De vraies décisions. Et de vrais moyens.
