Aux Journées Nationales de l’APMEP, en octobre dernier à Bourges, j’avais assisté à un atelier « Maths Monde », animé par Lucas Agostino et une collègue du groupe IREM dédié. J’y avais appris des tas de choses, comme la façon dont on représente les droites en Italie, en Grande Bretagne… Revenue en classe, j’avais parlé de mes découvertes à mes élèves. Hé bien voilà, ni une ni deux, certains s’en sont emparés :
J’amie beaucoup l’idée que quand je leur présente quelque chose, certains élèves se sentent libres de s’en emparer, sans me le demander. Je leur ai quand même précisé que ce n’était pas une représentation partagée en France, et qu’il faudrait faire attention avec qui ils l’emploient, ou se mettre d’accord avant avec leurs enseignants. Mais s’ils l’utilisent, c’est bien que cela répond à un besoin.
A l’occasion de cette petite remarque de ma part, je me souviens que les élèves avaient trouvé que quand même, c’était mieux, les pointillés ou les flèches, parce que la représentation française est assez implicite : il n’y a pas de marqueur spécifique pour la droite, ce qui, selon eux, « laisse planer le doute ».
Nous voilà à la conférence de clôture des Journées Nationales 2021 de l »APEMP.
C’est l’histoire d’une petite fille, Léa, qui rencontre des maths au fil de sa vie.
Léa naît, et on lui attribue un numéro de sécurité sociale.
La clef du numéro INSEE permet de détecter un certain nombre d’erreurs : comme elle est obtenue en déterminant le reste de la division euclidienne par 97 du nombre constitué par les 13 premiers chiffres, à moins de rajouter un multiple de 97, on se rend compte qu’il y a un souci. Pourquoi 97 ? Parce que c’est le plus grand nombre premier qui s’écrit avec deux chiffres. C’est plus improbable de se tromper en ajoutant un multiple de 97 que si on avait choisi 2, par exemple.
Ensuite, nous avons parlé format de feuilles. Le format A est fait de sorte qu’à chaque passage d’un format au successeur, on double : un A3, c’est deux A4. Mais en plus, les rapports longueur/largeur sont conservés, avec la longueur du An+1 qui est la largeur du An et la largeur du An+1 est la longueur du An. Ca donne ça :
Léa rentre à l’école. On entend le recteur dore « Cette année, les classes sont composées en moyenne de 23,25 élèves », alors que les parents d’élèves disent « Cette année, nos enfants sont dans des classes de 25 élèves en moyenne ». Pourtant, personne ne ment : avec 3 classes de 27 élèves et une classe de 12 élèves, on a bien une moyenne de 23,25 élèves, alors que les parents, calculent (81×27+12×12)/93. C’est juste que chacun a un point de vue différent et ne compte pas la même chose.
Léa passe le bac, celui d’avant, au temps où il y avait des sections.
Tout est une question d’effectifs : c’est le paradoxe de Simpson.
Léa ouvre un compte bancaire. Elle obtient donc un numéro de compte, composé du code de la banque sur 5 chiffres, du code du guichet sur 5 chiffres, le numéro de comptes à 11 chiffres et le clé RIB à deux chiffres. Encore une fois, on utilise 97. Le numéro de compte total doit être divisible par 97, avec la clef RIB. Pour l’IBAN, on a 34 caractères au maximum, avec le code du pays, une clef de contrôle et 30 caractères au maximum.
Cette fois, en ayant transformé les lettres en chiffres, on vise un reste de 1 par la division euclidienne par 97. Il y a donc une double clef de contrôle, celle du RIB et celle propre à l’IBAN.
Léa voyage. Elle va de Rouen à Vancouver. On est sur le 49e parallèle. Et la distance sur le planisphère n’est pas la même que la distance sur la Terre :
Que donne une géodésique sur un cube ?
Léa écoute de la musique et regarde des séries. Et parfois, ça ne marche pas.
Le bit de parité permet de détecter si le message transmis est faux : il faut que le nombre de 1 des mots soit pair pour être valide, puisque le bit de parité rend le nombre pair de toute façon. Cela permet de savoir que le message est faux, mais pas de savoir où est l’erreur pour la corriger. On a donc mis en place des codes correcteurs d’erreurs. Ils se basent sur des calculs faits dans l’ensemble constitué de 0 et de 1, où on met en place des règles de calcul d’addition (0 est pair et 1 impair, donc 1 et 1 donne 0, etc.), de multiplication, de soustraction. On peut aussi diviser par 1 : 0/1=0 et 1/1=1. L’ensemble est alors un corps fini, ce qui a été développé particulièrement par Évariste Galois.
Le code de Hamming fait en sorte qu’on détecte et on corrige une erreur, en ajoutant aux 4 caractères à transmettre trois autres caractères qui sont des sommes :
Si on suppose qu’on n’a fait qu’une erreur sur nos quatre caractères à transmettre, il suffit d’aller chercher dans la liste des codes valides celui qui diffère d’un seul caractère de celui transmis. Mais le problème c’est qu’on peut avoir fait plusieurs erreurs, et puis aussi que souvent on doit transmettre des messages plus long. Il faut donc mettre en place des théories qui soient efficaces sans être trop lourdes. On recherche un compromis entre vitesse et efficacité, et c’est toujours un objet de recherche. Vers 1950, Shannon, Varshamov et Gilbert ont montré qu’il existe une longueur de code optimale, mais il faut encore savoir comment faire.
Léa construit sa maison. Elle a un projet de construction sous la forme de plan d’architecte, qui prend en compte des contraintes, de terrain, de dimensions, de coûts, de solidité, etc. Léa consulte sa banque pour établir un plan de financement. Elle s’interroge sur sa terrasse.
L’analyse multi-échelle permet d’étudier les dégradations possibles de la structure de la terrasse en essayant de comprendre comment une structure à petite échelle (un petit trou, plusieurs petits défauts à proximité l’un de l’autre) peut avoir des conséquences importantes (une grande fissure). C’est un domaine applicable à des tas de contextes, comme l’aéronautique.
Léa fonde une famille.
Un indice peut être calculé de façons diverses. Par exemple, on regarde combien les femmes nées à une certaine année ont eu d’enfants par tranche de 10 ans. Mais on peut aussi se donner une année donnée et regarder, par tranches d’âges, le nombre d’enfants qu’il y a eu. C’est ainsi qu’est calculé l’indice strcutrel de fécondité. Pour qu’il y ait un renouvellement de la population, il faut que chaque femme donne naissance à une fille en moyenne. En France cela implique que l’ICF devrait être de 2,1 car plus de garçons naissent que de filles.
Le mot de la fin :
Il est plus facile d’apprendre les mathématiques que d’apprendre à s’en passer, Henri Cartan
Cette conférence aborde des points faciles à transmettre à nos élèves qui nous interrogent sur « les maths, à quoi ça sert ? »
Bon, il reste une conférence et les visites, mais c’est bientôt fini, ces journées 2021 de Bourges. Et l’année prochaine alors ? L’année prochaine, c’est à Jonzac, en Charentes Maritimes.
Après l’animation de l’atelier Kandinsky, après l’animation de l’atelier Baleines et loutres, après la médiatricisation de la table ronde pour les questions d’actualité premier degré-collège, nous voici à l’atelier sur lequel nous nous sommes précipitées à l’inscription, Maths Monde, par le groupe Maths Monde de l’IREM de Paris. redevenir spectatrice me va bien, là tout de suite. Surtout avec un programme aussi alléchant.
Le groupe Maths Monde s’appelait initialement Euromaths : dans le projet sont arrivées des langues non européennes, comme l’arabe. Tous les ans, le mercredi de la semaine des mathématiques, au mois de mars, est l’occasion de proposer des cours dans différentes langues, à Paris. C’est une journée de l’IREM proposée aux enseignants et aux chercheurs. Cette année, c’est le 16 mars.
La question centrale du groupe est : comment enseigne-t-on les mathématiques dans le Monde ? Selon les années, ce peut être sur les suites, les transformations du plan. Cette année, c’est la modélisation, ambitieux thème. Savoir ce qu’on enseigne, ce qu’on n’enseigne pas ailleurs, à quel âge on l’enseigne, et comment, permet de mettre plus à distance nos contenus curriculaires, et d’élargir nos éventails de méthodes pour enseigner telle ou telle notion.
Notre premier exemple a été technique : les multiplications et les divisions posées en Grande Bretagne, exemple assez frappant de présentation différente de l’algorithme, et avec l’utilisation de mixed numbers du type :
Une fraction du type 7/4, c’est une improper fraction.En Allemagne, on pratique la même chose avec die Gemischte Zahlen :
C’est important, parce que l’image mentale des fractions est différente. La façon dont on enseigne les choses, que ce soit la division ou les fractions, a des conséquences sur le sens que les élèves construisent.
Un problème, maintenant :
A number has exactly three prime factor, 2, 3 and 5.
It has exactly 12 factors.
Find all possible numbers.
Un autre :
Can you make square numbers by adding two prime numbers ?
Je poserais bien ce dernier problème en classe, comme ça, écrit au tableau et dépatouillez-vous.
Un autre exercice est rigolo : on lance un coin, et selon qu’on obtient heads on a l’hypoténuse à déterminer dans un triangle rectangle avec les côtés du right angle de 8 cm et et de 6 cm, et si on obtient tails on doit trouver comment faire 10 avec 6, 8, x, une racine carrée et un +.
En Russie, nous avons observé le système des Olympiades, des équations élémentaires et un exercice de 5e.
En Russie, les Olympiades, dès le CE1, existent à peu près dans toutes les matières. Elles ont lieu au niveau de l’école, puis de la ville, de la région, et à partir de la 9e classe elles sont nationales. Elles donnent des points à l’élève pour pouvoir aller là où il veut dans l’enseignement supérieur. Ceux qui gagnent ces Olympiades peuvent même être dispensés d’examen et leur scolarité peut être financée.
En CM1, on enseigne les équations. La façon de les résoudre est très normée, avec des techniques et un vocabulaire précis et enseigné.
Voici un problème de niveau 5e chez nous :
En Italie, le collège sure 3 ans et le lycée 5 ans. La sortie du système scolaire est donc à 19 ans. La pratique de l’oral est très forte. Dans toutes les disciplines il y a une note pour l’écrit et une note pour l’oral. Nous avons visionné une vidéo dans laquelle des élèves de série littéraire (qui sont les plus sélectives) résolvent des équations avec des racines carrées contenant l’inconnue au dénominateur de fractions. Beaucoup de physiciens, de mathématiciens ont fait L. Les lycées sont différenciés, avec des établissements littéraires, des établissements scientifiques. L’évaluation de l’oral est en continu, mais sans critères définis, alors qu’en France nous recherchons à établir des grilles d’évaluation de l’oral.
Luca Agostino nous a montré la méthode de Ruffini pour factoriser des équations. C’est très technique, mais l’aspect réflexion pour justifier la méthode est assez absente.
Nous avons terminé notre voyage par l’Allemagne. L’éducation n’y est pas nationale mais fédérale. Le bac a une grande valeur, mais il est organisé par établissement. Seuls 40% des élèves accèdent au bac. Jusqu’au cycle terminal, les exercices sont très concrets. Souvent les exercices sont présentés par un texte et une image, et les données sont iconographiques, systématiquement, et non dans le texte. Si dans un exercice on parle d’un carré, on va représenter un carré et tout le mode sera d’accord que c’est un carré. Les exercices sont souvent à prise d’initiative.
En classe, les élèves font ce qu’ils veulent : ils peuvent travailler, ou être sur leur téléphone, boire ou manger. Si leurs résultats ne sont pas suffisants, ils seront réorientés en cours d’année. Mais enseigner n’est pas facile et certains collègues abandonnent, en particulier en Realschule.
Dans cet exercice, les élèves doivent poser eux-mêmes les questions et les résoudre :
Nous avons terminé avec la façon de rédiger la résolution des équations du second degré à l’allemande, sans le discriminant, mais en mettant sous forme canonique à la main.
Aujourd’hui, vous trouverez seulement un compte-rendu d’atelier ici : à 8h30 j’anime Kandinsky avec Christelle, à 10h45 mes p’tites loutres avec Christelle aussi, et après le déjeuner les questions d’actualité premier degré – collège.
Bon, après je profite d’un atelier et ensuite dodo : la nuit a été courte…
Après le déjeuner, nous avons fait un petit détour par les jeux, avec de chouettes collègues :
Maintenant, c’est la commission nationale premier degré et collège. Sophie Roubin nous a fait un petit point d’actualités, dans un amphi assez incroyable.
Sophie est revenue sur les mercredis de l’APMEP : un mercredi par mois, de 17h à 18h30, un collègue ou un groupe de collègues viennent présenter des activités, des conférences. C’est hyper super top bien, les mercredis de l’APMEP.
Sophie a aussi mis en valeur le hors-série Au fil des maths sur le premier degré. J’y reviendrai, mais voici l’info principale : ici, vous pouvez trouver un super numéro libre d’accès de Au fil des maths, avec 170 pages pour le premier degré (enfin, pas seulement, parce que le second degré a aussi à prendre dedans !).
Nous avons discuté de la table ronde de demain, les questions d’actualité premier degré et collège. Je suis médiatrice, dites donc. C’est cool ça, parce que j’adore la médiatrice. Elle provoque de jolis problèmes de distances et tout.
Lors de la discussion, nous avons beaucoup parlé représentation et modélisation. Une collègue a posé la question du bien-fondé de l’enseignement de la modélisation : est-ce possible, quand tous les enseignants, tous les élèves sont différents ? Peut-on enseigner la modélisation ? C’est une question intéressante, et source de débats.
Bon, j’ai un peu de taf pour synthétiser tout ça et être au plus près des préoccupations et des questionnements des collègues.
Après un petit rappel très clair et pédagogique sur les équations cartésiennes, les équations paramétriques, les courbes polaires, nous avons envisagé les liens entre ces façons de décrire une courbe.
Nous avons réfléchi sur des coeurs connus, et c’était chouette. Avec ma fille, nous avons testé des valeurs pour procéder par élimination ou par identification sur un critère unique dans notre liste :
On a eu tout bon, on était contente. 🙂
Là, Marion Boucrot nous a expliqué comment tracer le coeur d’Eugène Beutel et c’était bien rigolo. Elle nous a vraiment très très bien expliqué. Puis nous sommes passés à la construction à la règle et au compas. Et nous avons terminé sur Scratch :
Voir cette jeune doctorante nous parler des mathématiques du coeur était un régal. Merci Marion, et bravo !
Allez zou. En route vers le premier atelier du dimanche aux Journées de l’APMEP a Bourges. Il y a la vue, et un bon petit dej en réfléchissant encore aux questions d’actualité de demain. Mais faut y aller : ça commence dans une demie-heure!