La première table ronde fait intervenir deux directeurs de labo maths, l’association MathsC2+ et l’APMEP. En fait nous sommes à Paris et la table est rectangulaire, mais bon.
Les collègues de labos maths ont expliqué comment fonctionnent leurs labos : un des labo de concentre sur l’observation de l’activité des élèves, de leurs productions écrites, de leurs productions orales, en collaboration. Un autre labo maths organise des journées particulières, avec des ateliers qui ont l’air alléchants. Ce sont deux exemples différents qui montrent bien la diversité des labo maths.
La deuxième table ronde fait intervenir deux autres enseignants liés à des labos maths, et la fondation Blaise Pascal, Cette fois, la collègue des labos nous a présenté un fonctionnement par des conférences d’universitaires et d’ingénieur(e)s, de façon régulière, pendant une heure. Les élèves volontaires y assistent. L’autre collègue a ouvert le labo maths à la suite d’un Erasmus en Italie, et les élèves travaillent sur des projets liés à la réalité virtuelle, à la réalité augmentée. Un virtual lab va sans doute être mis en place l’année prochaine, à la demande des élèves et grâce à la fondation Blaise Pascal.
Les collègues ont bien précisé les freins : organiser prend beaucoup de temps, demande une équipe fournie et soudée, et se heurte au manque de moyens financiers. C’est très bien que des associations soient là pour soutenir financièrement, mais c’est aussi le signe d’un dysfonctionnement de l’éducation nationale…
Ce qui m’interroge, c’est qu’on ne parle pas du tout de premier degré. Mais c’est plutôt une question pour les cadres, je pense, alors je leur poserai à l’occasion.
Bon, j’ai loupé le début de la conférence : j’ai rencontré quelques désagréments embouteillesques, et en arrivant j’ai pris le temps de boire des cafés et de goûter ce gâteau qui avait l’air tellement bon (et qui l’était). Mais ça y est, j’y suis :
J’ai quand même pu profiter du premier exemple, celui de Leibniz, avec une approche par le travail sur l’erreur, très intéressant.
Un exemple en lycée
Le deuxième exemple est consacré à Euler et s’adresse à des élèves de seconde ou de lycée en général ;
Un livre de l’IREM devrait paraître à l’automne sur ce thème. En fait, dans ce texte d’Euler, on trouve un algorithme qu’on peut proposer aux élèves pour le prolonger, par une étape supplémentaire, ou par exemple pour calculer la racine de 5 ou la racine de 9. On pourrait chercher à le programmer, mais le texte n’expose pas la formule de récurrence, et passer du texte d’Euler à l’algorithme demande d’écrire une suite définie par récurrence. Il faut repérer que cet algorithme est itératif, et on peut se demander si il s’arrête ou si on le fait tourner à l’infini : on est ramené à des questions de théorie des nombres et d’algorithmique. Du point de vue théorique, on sait qu’on ne s’arrête pas puisque racine de 20 est irrationnel. Il est aussi possible de réfléchir à la complexité.
Mais cet algorithme pose aussi des questions : s’applique-t-il à tout entier ? Se limite-t-il à des racines carrées ? Si la fonction n’est pas un polynôme, que peut-on faire ? Quel est le public visé par le texte, avec quelles connaissances ? Et quelles sont les connaissances d’Euler, au travers de ce texte (il n’aborde pas la solution négative, cela signifie-t-il qu’il ignore les nombres négatifs ? Spoiler : non) ? Ce texte n’est pas un peu texte d’algorithmique, car Euler donne des explications et lui porte un aspect heuristique. On n’est pas non plus dans une démonstration…
Renaud Chorlay nous a montré des traces de séances de classe, en lycée, très intéressantes car on fait des maths scolaires mais pas seulement, et on prend du recul pour réfléchir à ce qu’est l’activité mathématique.
Troisième exemple, en école-collège
Il s’agit d’une expérience interdegré, CM2-6e. La tâche élève a été voulue comme la plus en autonomie possible, avec un cadrage pensé en ce sens.
Renaud Chorlay a vraiment adopté une entrée très intéressante et bien ficelée, avec les documents didactiques et pédagogiques, vidéo incluse, pour que nous comprenions sa démarche. Cette histoire de multiplication per gelosia me plaît beaucoup… Ici, un article du Grand N n°100 explique tout ça, et j’y ai retrouvé le nom de la normande Blandine Masselin… 😉
Nous avons pu voir ce que ce travail a donné dans des productions élèves, et ça donne envie. J’y ai retrouvé des invariants que je lis dans les productions des élèves de CM2 d’Aline, ma super collègue de circo.
Un autre exemple est apparemment celui de la division par 2 d’entiers, en partant des unités, et non de la gauche du dividende comme nous en avons l’habitude. C’est top, car cela a été une question pendant longtemps récurrence pour mes élèves. C’est du Al Khwarizmi, derrière, avec le livre du calcul indien.
Une fois que les élèves comprennent qu’on effectue une division par 2, on leur demande pourquoi ça marche. Les élèves ne peuvent pas expliciter la distributivité mais ils peuvent en expliquer le, principe, et le reste des connaissances nécessaires est à la portée d’élèves de CM1-CM2. Renaud Chorlay nous a montré des productions d’élèves de sixième ou de CM2, assez renversantes tant elles sont pertinentes. Des élèves, par exemple, utilisent que 0,5 centaines, c’est 5 dizaines.
Quatrième exemple au collège
Et là bim, c’est pile ce que vais ou que j’ai commencé en 5e, selon que je pense à l’une ou l’autre de mes deux classes. Pour ma part, je m’appuie sur la vidéo de e-penser, très pédagogique et sympa pour les élèves.
Renaud Chorlay a bien insisté sur les aspects forts de modélisation de cette approche pour des élèves, qui est exactement ce pour quoi je l’ai choisie et conservée. C’est rare que je conserve une activité si longtemps, d’ailleurs. Pour moi elle est une activité d’introduction. Côté tâche de classe, on peut choisir de demander, en fin de chapitre, de faire une figure qui rende compte du texte (éventuellement simplifié). Les productions qui nous ont été montrées ne sont pas très satisfaisantes, mais très intéressantes car elles montrent des erreurs de modélisation qui ne donnent pas des dessins fonctionnels pour travailler. Il faut donc adapter la tâche, mais sa richesse est évidente.
La question des sources
Renaud Chorlay nous a montré deux images de sites connus qui comportent des erreurs, explicables mais qui ont vraiment éveillé mon intérêt et m’ont bien montré les limites… L’IREM de Rennes propose des analyses qui aiguisent l’appétit des neurones, ici.
Culture Maths, des publications de Vuibert, d’autres par la commission inter-IREM, et évidemment l’incroyable ouvrage Passerelles, pépite absolue, sont des ressources sûres.
Un petit groupes d’élèves de quatrième a réussi à se qualifier pour le troisième tour de l’AlKindi. Ils composaient cet après-midi, un peu sur une heure de cours, un peu sur une heure libre qu’ils ont consacrée au concours. C’était très chouette de les voir travailler ensemble, s’appuyant sur leur entraînement des semaines passées, avec des interactions efficaces et respectueuses. Ils ont obtenus un bon score… Sera-t-il suffisant, je l’ignore. Mais ils ont vraiment bien travaillé et c’est la première fois que j’ai des élèves à ce niveau. Croisons les doigts !
C’est vraiment un très beau travail que réalisent les concepteurs de ce concours. Je suis fan.
Aujourd’hui, c’était la visite de stage de Laura, AED en prépro dans ma classe pour la troisième année. Je n’étais pas inquiète : je vois Laura enseigner, au quotidien. J’écoute ses suggestions pour adapter à tel(le) élève, pour permettre d’atteindre un meilleur niveau d’apprentissage, pour améliorer une évaluation. J’étais vraiment investie à fond, ce matin, mais sereine. Quand la collègue visiteuse m’a demandé mon sentiment, a priori, je n’avais pas anticipé. Mais j’ai répondu spontanément : « Laura, ce n’est plus ma stagiaire. C’est une collaboratrice ». J’en ai, de la chance, non ? 🙂
Laura avait décidé d’animer une séance de découverte : réactivation en collectif sur des exos flash projetés, puis activité ludique mais associée à une vraie mise en activité en binôme, et synthèse pour dégager l’objectif d’apprentissage de la séance. C’était ambitieux, exigeant, et Laura a orchestré la séance en même temps avec rigueur et souplesse.
C’est bien joli à voir, tout ça. C’est l’oeuvre de Laura, de sa volonté, de ses valeurs, de sa réflexion et de son travail. Moi, j’ai joué l’arrosoir, c’est tout. Mais j’aime bien jouer l’arrosoir. C’est motivant, complexe, et important.
Ce matin, la journée de la régionale de Haute Normandie commence par une conférence d’Edith Petitfour, chercheuse au LDAR André Revuz. Elle illustre le thème de la journée, « faire des maths avec son corps », avec le thème « mathématiques et élèves à besoins particuliers ».
Manipuler pour apprendre
La manipulation est préconisée dans les programmes au cycle 1, pour composer et décomposer des nombres et développer les manipulations mentales. Au cycle 2, on parle d’agir, manipuler, expérimenter sur des situations qui emmènent vers le symbolisme. Cela se poursuit au cycle 3 et au cycle 4 le programme précise que pour certains élèves la phase de manipulation est indispensable pour ensuite verbaliser et accéder à l’abstraction : le vécu expérimentale et manipulatoire des élèves favorise les acquisitions.
Oui, mais…
Joël Briand insiste sur les moments de suspension de la manipulation, pour anticiper. Manipuler permet de s’approprier un problème, de se le représenter et de valider, mais il faut aussi permettre et favoriser les représentations mentales. Le but, c’est de conceptualiser, que ce soit sur le nombre ou en géométrie.
Les élèves dyspraxiques
Lorsqu’on fait manipuler les élèves dyspraxiques (par exemple), on les met en échec. Alors comment faire ?
La dyspraxie, ou trouve développemental de la coordination, comprend des compétences de coordination motrice inférieures à la moyenne, en général inférieures de 2 ans. Ce trouble est persistant, impacte la vie scolaire et la vie quotidienne. Si rien n’est fait, ces élèves sont en échec. Il n’y a aucun handicap intellectuel. Dès la maternelle, on constate un décalage : colorier est difficile, le geste graphique est très coûteux, l’enfant peut résister à certains exercices pour se protéger. Repérer des assemblages, identifier des représentations est aussi difficile. Couper, coller, avoir un cahier propre et ordonné sont des obstacles douloureux. Les enseignants peuvent interpréter ces échecs comme des provocations ou le fait de refuser de s’investir, à tort.
Edith nous a expliqué une séance qui l’a marquée, avec une élève dyspraxique qui a rencontré des tas de soucis liés à son handicap : elle secoue sa main pour détendre son poignet et met de l’encre partout, qu’elle nettoie comme elle peut, fait tomber la trousse de la voisine de derrière, a un souci de mine de crayon coincée dans le taille-crayon, etc. Au final, l’enfant n’a pas pu terminer le premier exercice quand ses camarades sont terminé la série donnée à faire par l’enseignant. Elle est en situation de difficulté, empêchée d’apprendre, sans doute frustrée. L’enseignant, de son côté, peut mal interpréter la situation.
Michelle Mazeau est une spécialiste de la dyspraxie. Elle explique que l’enfant dyspraxique est très souvent mis en difficulté par les méthodes pédagogiques et le matériel utilisé, mais pas par les connaissances ou les concepts à acquérir. C’est vraiment la façon dont on enseigne qui ne convient pas, et il faut donc trouver un autre moyen d’enseigner.
Les gestes du regard sont différents aussi : ici on suit le regard d’un enfant dyspraxique qui doit dénombrer les disques rouges. Si on lui demande de recommencer, le résultat est instable.
Ces troubles visuo-spatiaux ont des conséquences sur les calculs, par exemple pour poser les opérations, s’organiser de façon spatiale sur la feuille. Relier des points à la règle peut être d’une difficulté terrible. L’enfant sait ce qu’il doit faire, voit à la fin de son essai que cela ne va pas, et gomme, recommence. Tenir le compas est au moins aussi peu accessible à l’enfant, qui s’épuise à faire ce qu’il peut. Sur un logiciel tel que GeoGebra, il y a le souci de cliquer au bon endroit, de gérer le zoom de l’écran : le numérique allège la manipulation mais n’est pas une solution miracle. Il faut un apprentissage adapté du logiciel lui-même.
La dysgraphie fait partie de la dyspraxie, et les élèves dyspraxiques sont gênés pour écrire lisiblement, sur les lignes, et ne peuvent pas forcément se relire eux-mêmes. Là, un moyen de compensation est de passer par l’oral. Mais en évaluation par exemple, c’est compliqué : il faut trouver un moyen de permettre à l’élève d’oraliser sans gêner les autres.
Cadre de l’analyse de l’action instrumentée pour arriver à un moyen de compensation
Edith s’appuie sur les travaux de Rabardel. Une action instrumentée est l’utilisation d’un objet technique qu’un individu manipule avec son corps dans un environnement de travail donné, dans un but déterminé, par exemple faire un dessin en papier-crayon, ou analyser des propriétés.
Par exemple, pour tracer un cercle de centre A et de rayon AB demande tout un tas d’actions : trouver le compas, peut-être tailler le crayon, le régler dans le compas, écarter les branches selon le rayon, poser la mine au bon endroit, parvenir à bien tenir le compas par le tourillon ou bien faire tourner la feuille en appuyant bien sur le compas, faire face aux incidents (la mine glisse, les branches s’écartent au moment du tracé…), etc.
L’intention d’agir est de tracer le cercle, ici. Cette intention engendre un projet d’action : des actions élémentaires (comme le choix de l’objet technique, son positionnement par rapport aux objets graphiques, le tracer d’objet graphique). Des connaissances géométriques sont en jeu (c’est quoi un cercle), des connaissances graphiques (le croix représente un point par exemple), des connaissances techniques (un compas, comment ça marche ?), des connaissances spatiales (repérer les points). L’intention d’agir entraîne une intention motrice, liée à une organisation motrice et spatiale : l’appui, la vitesse, la position des mains… Vient la planification du geste : les actions vont-elles être simultanées ? Successives ? Il y a aussi des actions périphériques : aller chercher un compas dans le placard de la classe, associer les parties du compas entre elles, régler la hauteur du crayon… Les connaissances en jeu sont manipulatoires (coordonner, ajuster), organisationnelles (planifier les actions en contexte), spatiales.
Ensuite, on passe à l’exécution des actions, avec la mise en route des organes sensoriels et moteurs pour la réalisation. Dans le cas d’un trouble moteur, on a une impossibilité de réaliser les mouvements. Dans la dyspraxie, le handicap est cognitif et c’est comme si l’enfant était tout le temps en phase d’apprentissage, malgré la répétition et l’entraînement. Le geste sera toujours difficile, ce qui fait que plus on avance dans la scolarité plus c’est délicat car on attend que les gestes aient été automatisés, et ils ne le sont pas. La dyspraxie étant un handicap invisible, on risque très souvent d’oublier qu’on met l’élève en double tâche facilement.
Alors, on fait quoi ?
La proposition d’Edith est de sacrifier le développement de l’autonomie matérielle en classe pour développer l’intention d’agir, pusique c’est ce qui nous intéresse dans l’enseignement de la géométrie : par un travail en dyade (avec un camarade, un enseignant, un AESH, on permet d’éprouver l’action par des gestes et des observations, et bénéficier d’une rétroaction. On développe l’autonomie intellectuelle de l’élève, tout en développant les apprentissages des deux élèves qui travaillent ensemble, l’élève dyspraxique et l’autre. Les deux élèves doivent apprendre la même chose, même si ce n’est pas de la même façon. Il y a donc un instructeur et un constructeur, avec la question du langage au centre.
Mais les élèves n’ont pas forcément déjà le langage géométrique. Alors Edith propose de pouvoir passer par le langage technique : quel instrument, quel positionnement, quel tracé ? Pour communiquer on utilise les mots, mais aussi les gestes : des gestes de parcours pour préciser de quelle droite on parle, par exemple, des gestes sur les instruments pour mettre en relation (le pointage du sommet de l’angle droit de l’équerre par exemple). Des gestes mimétiques (le compas qui tourne, les droites qui se coupent). Le constructeur réalise les instructions demandées au fur et à mesure, en faisant le moins probable. Pour faire ça beaucoup en classe, en classe entière et en dyade, dans mes classes, je peux vous dire que c’est absolument top. Ca se travaille, mais ça vient très vite, y compris avec des petits. Il faut juste cadrer la « mauvaise foi ». On interdit les indications spatiales (en haut, au-dessous, etc.).
Quand on aura avancé, on pourra permuter les rôles, et l’élève dyspraxique mime les tracés, place l’équerre en gros, montre où on lui demande de tracer, mais au moins cela permet qu’il soit aussi récepteur du langage. Ou avec un avatar numérique, dans un simulateur d’interactions humaines, ce qu’Edith m’a aussi permis d’expérimenter avec mes élèves.
C’était une très belle conférence, concrète et étayée sur le plan théorique. Je m’aperçois que j’ai eu une chance incroyable qu’Edith vienne tester ces outils et ces dispositifs dans ma classe, il y a déjà des années, ce qui m’a permis d’assimiler ces apports dans mes pratiques.
Combien de fois a-t-on lu, écrit, dit, entendu cette phrase en conseil de classe ? Je m’interroge : nos élèves passent-ils de moins en moins de temps à travailler hors la classe ? Je crois pourtant travailler bien davantage la mémorisation en classe, débuter en classe tous les exercices à finir hors la classe, réactiver inlassablement, expliciter tous les objectifs des évaluations à venir, et pourtant j’ai l’impression qu’on en a encore perdu, en particulier depuis le covid. Ça fait un peu vieux schnock, mais c’est un constat objectif. Et encore, j’ai de la chance : en mathématiques il n’y a pas beaucoup à apprendre, mais surtout à comprendre.
Alors que faire ? Je réfléchis, mais je ne sais pas trop quoi faire de plus : j’ai tassé des contenus pour intégrer des moments de mémorisation, jusqu’à l’apprentissage des tables en cycle 4. Je différencie à fond, pour les plus fragiles, pour les plus rapides et efficaces, j’insiste très fort sur les évaluations flash pour permettre l’automatisation. Mais je pense que cela ne suffit pas.
C’est frustrant. Je sais bien que je ne peux pas agir à la place des élèves, à un moment donné. Mais c’est frustrant et je cherche des solutions plus efficaces encore.
J’ai passé une journée à me coltiner du conflit, avec des élèves ou entre eux. Pas la journée de rêve, disons. Alors revenir et trouver le petit mot de l’agent qui faire ma salle toute belle et recevoir le message d’une collègue à qui je rends un micro service, ça fait du bien…
La gentillesse, ça fait du bien, merci mesdames ! C’est avec ça que je pars en weekend, ouf !
PS : la réponse à « chuis acide ? » est non, et je suis assez d’accord. 😉
Aaaaaah, je suis contente, un outil que j’ai écrit à partir des « boîtes à Mamie », autrement appelées par monsieur Winkopp « Problèmes par l’image », est sorti ! C’est toujours chouette quand des projets sur lesquels on a travaillé longtemps et avec coeur sortent. Les problèmes par l’image, c’est un outil formidable que m’a déniché mon mari. Je l’ai utilisé pendant plusieurs années, j’ai formé pour promouvoir l’outil, et Bordas m’a proposé d’en faire une version actualisée mais qui respecte l’idée initiale, pour le cycle 3. Il n’était pas possible de rester sur le format cartes de problèmes, ce qui a été frustrant au départ. Mais cela m’a obligée à réfléchir autrement. Je me suis dit que proposer un outil d’explicitation, avec en ligne de mire l’égalité des chances et le travail de la langue, du repérage et du décodage de l’implicite, seraient un bon moteur. Je me suis bien amusée… Et je suis très contente du résultat. J’espère que ces Problèmes par l’image seront utiles aux élèves et à leurs enseignants !
Bon décidément je suis autrice… 🙂 Et je suis ravie de me voir caractérisée par mon engagement à l’APMEP, qui est vraiment important pour moi…
Ce matin (et cet après-midi avec mon autre classe de quatrième), deux intervenantes de la Banque de France viennent parler éducation financière à mes élèves. Ils savent déjà tout un tas de choses, c’est assez surprenant. Quand on leur parle impôts, ils répondent charges sociales et TVA, spontanément, par exemple. Et ils ont plein de questions, c’est chouette.
Après une présentation assez idyllique de la Banque de France, qui est vraiment tout à fait merveilleuse, les intervenantes ont parlé budget : qu’est-ce qu’un budget, comment le compose-t-on, etc. J’en retiens que je suis bien mauvaise élève avec mon tout petit peu d’épargne… En même temps je comprends qu’un objectif important est d’éviter le sur-endettement des futurs adultes que sont mes élèves.
En deuxième heure, les intervenantes ont proposé un jeu aux élèves : « Mes questions d’argent ».
Je me refuse à deviner les intentions de Jean-Michel Blanquer lorsqu’il a porté la mouture actuelle du bac. Pouvoir choisir des disciplines me semble en soi une idée intéressante. Appuyer l’obtention du bac sur le contrôle continu aussi : cela pouvait réduire le stress lié au risque d’accident ponctuel. Mais ça, c’était pour la théorie. Une idée n’est bonne que si elle est déployée de façon raisonnée, réfléchie en fonction des acteurs, des objectifs, des obstacles. Et en pratique, c’est un crash, cette réforme du lycée et du bac. Outre le manque de cohérence du système de spécialités, l’idée du contrôle continu a induit des effets délétères pour les lycéens.
Nos lycéens sont anxieux, à cause d’un système de contrôle continu qui transforme en couperet (pour le bac, mais aussi et surtout pour ParcoursSup) chaque évaluation. Ils ne travaillent plus pour les savoirs ou développer leurs compétences, ils travaillent pour la performance. Aucune réflexion collective n’a été initiée à grande échelle pour réfléchir la gestion de l’évaluation : on est à mille lieues de l’évaluation dynamique des compétences. On prend des photos ponctuelles mais définitives, et voilà. Cela n’a rien d’éducatif. Par l’incompétence du gouvernement, on prépare une génération abimée. On court après le temps, on fait comme si mars ne signait pas des vacances au moins à temps partiel, on s’interroge, jusque sur les sites institutionnels, sur comment occuper les lycéens au troisième trimestre.
C’est un naufrage.
Aujourd’hui, nous apprenons que n’importe quel adulte dans les établissements pourra surveiller le bac. Nous sommes d’accord, surveiller n’est pas compliqué, mais nécessite de vivre certains enjeux, d’incarner un positionnement précis. Il y a des gestes techniques, des points de vigilance précis, des protocoles à respecter. S’ils ne le sont pas, il y aura évidemment des recours justifiés.
Nous apprenons aussi que les élèves pourront arriver en retard, et resteront de sorte qu’ils composent le temps prévu. Cela signifie-t-il que personne ne sortira avant que le dernier potentiel retardataire soit rentré dans la salle ? Car sinon, nul doute que les sujets auront déjà été diffusés, et des éléments de correction aussi. Je ne trouve nulle part cette information : va-t-on empêcher les candidats qui voudraient sortir de quitter la salle d’examen ? C’est pourtant important de façon élémentaire. C’est concret, pratique, bassement matériel. Mais nous autres avons les pieds sur terre, justement.
Alors le débat, parfois violent, de grève ou pas grève du bac, est d’autant plus dommageable : ne se trompe-t-on pas de cible ? Qui a détruit le bac, finalement ? Que signifie-t-il aujourd’hui ? La souffrance des collègues qui penchent pour la grève du bac doit-elle être hiérarchisée, définie comme secondaire par rapport à l’implication des lycéens dans l’obtention du bac ?
Je ne crois pas que ce soit le moment de se déchirer. Les choses sont complexes et délicates, et tous les points de vue se défendent et peuvent se comprendre. Ne dilapidons pas notre énergie et nos capacités d’analyse dans des disputes stériles. En revanche, débattons, discutons. Et luttons.
Et puis quand même, ce débat et ces dissensions ont quelque chose de perturbants : lorsque le lycée professionnel est passé au contrôle continu, on n’a pas entendu grand-chose. Les questions vives de la certification des bacheliers professionnels, leur ressenti, leur vécu, leur réussite n’ont pas été interrogés de façon partagée. En ce moment, la levée de bouclier autour du bac, qu’elle soit autour du dispositif ou autour du déroulement de cette session, ressemble à une lutte de classe. Le gouvernement aurait pu en faire autre chose et éviter ce état de fait, en organisant une réflexion collective. Il ne l’a pas fait, nous mettant par là-même dans une posture philosophiquement et humainement plus qu’inconfortable.
A aucun moment la question ne se pose de façon globale sur ce que c’est qu’éduquer la jeunesse, de quel projet de société veut véhiculer l’école. Formons-nous encore une société, ou des castes plus ou moins influentes ?