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To be HPI or not to be HPI

HPI, c’est « haut potentiel intellectuel ». Que recouvre vraiment ce sigle ? Pour certains c’est un super pouvoir, pour d’autres un trouble, voire un handicap. On considère parfois l’appellation comme ancrée dans le cognitif, parfois dans le neurologique, parfois dans le psychologique. Pour certain(e)s c’est une chimère, pour d’autres l’explication de bien des comportements, scolaires en particuliers, gênants pour l’enseignant bien souvent.

De ma place d’enseignante, je n’en sais rien. Mon métier ne consiste pas à poser des diagnostiques. Je remarque que les familles qui suggèrent, arguent ou brandissent le HPI dans nos échanges n’ont jamais devant moi évoqué de document médical, de bilan de tel ou tel spécialiste. Je sais bien qu’en général on renvoie à une histoire de QI, mais la nature même et la façon dont les tests sont menés fait débat. De ma place de maman, je constate qu’une de nos enfants, avec son étiquette « autiste à haut potentiel intellectuel », a des compétences très au-dessus de la moyenne dans certains domaines, et très très faibles dans d’autres. Et on nous a souvent dit que ses frères sont HPI, mais comme ça pouf, sans test (que nous n’avons par ailleurs pas demandés) et sans propositions liées à cette affirmation non plus.

Conclusion : ne jugeons pas, c’est compliqué. Faut-il un label HPI ou pas ? Je n’en sais rien non plus.

Ce qui est certain, c’est que nombre d’enfants ont des soucis, des désagréments ou des difficultés à l’école parce que ça se passe différemment dans leur tête (et que ça s’exprime dans les comportements), différemment d’une façon qu’on peut regrouper. Attention, je ne parle que de mon ressenti, de mon expérience, cela n’a rien de modélisant. Mais j’ai là en tête des élèves précis, assez nombreux, qui par exemple :

  • ont une posture corporelle qui varie très vite du petit pois sauteur (« hé, les loulous, je vais vous expliquer un peu la géométrie sphérique ») à l’avachissement (« ça vous dit de résoudre 18 équations identiques d’affilée ? »)
  • posent des questions saugrenues, qui semblent n’avoir aucun rapport avec ce qu’on explique, ou bien des questions dérangeantes, qui paraissent parfois provocatrices
  • dessinent beaucoup
  • manifestent une très grande sensibilité
  • ont, au moins au collège, un goût prononcé et affiché pour le gore, l’évocation de la mort
  • semblent bâcler pas mal leur travail
  • résistent encore et encore à l’envahisseur à justifier et rédiger leurs réponses
  • aiment échanger avec les adultes, mais sont plutôt isolés avec leurs pairs
  • peuvent être insolents avec un grand naturel et l’impression de « juste dire ce qui est »
  • ont des champs culturels très vastes ou très spécialisés

Alors bon, tout ce que je décris au-dessus est très naturel, en fait : l’ennui dû à un cours qu’on juge inintéressant, l’adolescence et le gore et la provoc, la flemme d’expliquer comment on a fait puisqu’on l’a, ce fichu bon résultat, cela décrit la majorité de nos élèves. Oui, mais on pourrait tout de même regrouper des élèves autour de la présence de beaucoup de ces caractéristiques en même temps, et autour de leur intensité. Et de ma petite expérience, il y a une caractéristique qui est vraiment un indicateur : les questions saugrenues et divergentes par rapport au sujet. Vous parlez d’angles alternes-internes, par exemple, et bim, une élève pose une question, urgente manifestement, qui porte sur les freins d’un vélo. Ou bien vous êtes en probas, et paf, un élève vous demande d’imaginer ce qui se passerait chez un poulet si on lui coupait la tête et que patati et patata. Et alors si vous êtes en train d’expliquer les durées en revenant sur les mouvements de la Terre, ou bien si vous parlez d’une vidéo qui analyse une fake new, alors là, wouhouuuu, on s’accroche, ça va tanguer, allez-y les jeunes, même pas peurs de vos questions !

Alors que faire quand on est enseignant, avec et pour ces jeunes ?

Déjà, comme pour tout le monde, rester bienveillant, même si, c’est vrai, ces comportements peuvent sérieusement mettre les nerfs par dessus le tricot. En même temps, pourquoi mettent-ils sérieusement mettre les nerfs par dessus le tricot ? Parce que ce sont des comportements atypiques (mais qu’est-ce que l’ordinaire ?) qui se voient et qui s’entendent, y compris par rapport au groupe classe. L’élève qui rencontre des troubles et est en difficulté silencieuse est finalement considéré comme moins gênant. C’est affreux, mais c’est un fait : celle ou celui qui affiche son ennui, qui interrompt la séance sans cesse, qui semble provocateur, peut sembler menacer l’enseignant. Alors que non, je ne crois pas. Selon comment on le vit, et donc comment on le gère, voire comment on l’explique, comment on le met en lumière avec la classe, on peut réussir à garder de l’harmonie. Bon, ça marche si la classe n’est pas déjà dysfonctionnelle, et si on a posé dès le départ qu’on est prêt à s’adapter et qu’on a des propositions, qui ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Elles peuvent ne pas être efficaces tout de suite ou ne pas être les bonnes, mais elles ont le mérite d’être là, et c’est déjà pas mal pour les enfants concernés et leurs familles. Cela étant, il faut aussi poser des limites : il y a des règles auxquelles on ne peut pas déroger, quant au respect les uns des autres en particulier, et il y a des moments où oui, tu as une question vitale, mais tu viendras la poser tout à l’heure à la récré, parce que là, tout de suite, j’ai besoin d’arriver à un point précis de ma séance, donc chut s’il te plaît.

Ensuite concrètement, que peut-on proposer ? J’ai diverses solutions qui passent en général par une adaptation en direct, mais qui parfois sont anticipées. Mais rien de fou, je vous préviens…

  • Je prévois des supports différenciés pour les élèves en avance sur une tâche, histoire que les autres puissent prendre leur temps. Les élèves en difficulté ont des adaptations, mais je vais prévoir des énigmes (type problème sans parole en géométrie), des fiches qui abordent des problèmes historiques (Syracuse, etc.), des problèmes de construction, des fiches de l’APMEP de logique (les logigrammes, des problèmes de patates ou des fiches de la brochure programmation) ou sur le thème travaillé avec le groupe, pour faire cogiter et ne surtout pas laisser des neurones gourmands à l’abandon ;
  • Je ne m’arcboute pas quand l’élève est pris d’une frénésie d’aller voir ailleurs. Par exemple, un élève est complètement parti dans sa tête après que j’ai évoqué des systèmes de numération non décimaux, parce que mes anciens de sixième en avaient parlé. J’ai bien vu que c’était peine perdue, qu’on allait se prendre la tête et que mon thème du jour était chez lui déjà bien installé de toutes façons. Alors j’ai sorti les bouquins, je lui ai indiqué quelles pages étudier et je lui ai demandé d’inventer son système de numération à lui. Il a poursuivi chez lui, plusieurs semaines, et au final c’était une expérience vraiment passionnante qu’il a exposée à ses camarades dans un exposé ;
  • Je passe du temps à expliquer pourquoi je veux qu’on me produise des justifications. Cette année, j’ai réussi avec tout le monde (oui oui, tout le monde) dans mes classes, à obtenir au moins quelques explications. Mes pseudo-HPI sont celles et ceux qui ont le plus résisté. Pour réussir, je leur ai sorti une copie (anonyme et datant d’il y a plusieurs années, que j’utilise aussi en formation) et mon référentiel de compétences, et nous avons cherché ensemble les indices qui me permettent d’attribuer tel ou tel niveau. Ca m’a bouloté des récré, cette histoire, mais cet exercice a motivé les élèves concernés et maintenant ils justifient, parfois d’une façon éblouissante. Accessoirement, il leur a aussi montré qu’un prof, ça bosse et ça réfléchit ;
  • Je ne force pas le travail en groupe pour certain(e)s de ces élèves, mais je l’encourage et je l’aménage, et c’est une victoire lorsque ça se passe bien et se pérennise.

Une précision toutefois : presque toutes mes fiches d’exos ou d’activité prévoient des niveaux « objectif dépassé », et toutes et tous mes élèves y ont accès. Soit c’est sur la fiche et chacun(e) pioche par rapport à son niveau, soit c’est sur des supports à part mais j’en ai assez pour tout le monde qui serait intéressé, mais, si j’impose à certain(e)s de les traiter, je n’empêche personne de le faire et je donne l’accès à toutes et tous.

En fait, mon but est « simplement » (mais c’est bien complexe) de faire travailler ces jeunes et de leur enseigner. Cela passe par mes tentatives pour leur donner le goût d’apprendre, entretenir leur motivation scolaire, leur donner envie d’être là, le plus serein(e)s possibles, leur montrer que je les prends en compte. Il y a des hauts et des bas, des aleas, mais c’est normal. Je voudrais favoriser leur capacité à être au groupe, pour pouvoir préparer la suite de leur vie. Mais il n’y a pas de solution unique ou miracle, ou bien je n’en ai pas trouvé. On est à l’articulation enseignement-éducation, en plus, ce qui est toujours un peu inconfortable.

5 réflexions au sujet de « To be HPI or not to be HPI »

  1. Très intéressant cet article. On aime beaucoup coller une étiquette de nos jours sur chaque enfant qui n’est pas dans la « norme », à tord ou à raison d’ailleurs… Reste à définir ce qu’est la « norme »…
    Merci aux enseignants comme vous qui font tout leur possible pour s’adapter à chacun.
    Les visuels des exercices en fin d’articles sont intéressants, où puis-je les trouver ?

    Aimé par 1 personne

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