J’ai découvert hier le dispositif des Cigales, au travers d’un échange avec Olga Paris-Romaskevich. Elle décrit et réfléchit à ce dispositif dans un excellent article d’Image des maths.
Les Cigales, c’est une semaine mathématique et sportive au Centre International des Rencontres Mathématiques, à Marseille, pour des lycéennes de première générale, qui peuvent venir de toute la France. Elles y font des maths, de l’informatique, du sport, rencontrent des femmes de maths, et profitent de leurs soirées pour jouer, chanter, danser…
Les mathématiques sont une science profondément sociale et partagée, perméable à nos propres préjugés.
Je me suis posé la question de cette perméabilité dans le cadre des Cigales : peut-on partager notre amour des maths avec les filles sans leur transmettre notre sexisme ?
Olga Paris-Romaskevich
L’article d’Olga Paris-Romaskevich est tout à fait passionnant, car elle y aborde les questions qu’elle aurait pu éluder : « et pourquoi pas des garçons, aussi ? » l’amène à évoquer le sentiment d’insécurité, d’une façon vraiment frappante ; sur la question des inégalités sociales (la plupart des participantes sont issues de classes sociales favorisées et/ou en lien avec les sciences) elle est aussi d’une franchise qui permet de réfléchir.
Je n’adhère pas à une vision élitiste de notre matière, nourrie par l’esprit de compétition et les restrictions budgétaires. Je pense que la pratique des mathématiques vivantes doit être véritablement accessible à tous et toutes, et pas seulement aux chercheuses et chercheurs. La vision élitiste des sciences exclut des personnes du monde entier, de façon systémique et violente, de la pratique des sciences. Pour combattre la violence produite par le système des institutions dont nous faisons partie, nous sommes dans l’obligation de repenser notre système-monde et accepter de ne pas nous placer dans son centre. Ce qui nécessitera, inévitablement, de repenser le fonctionnement de nos institutions.
Olga Paris-Romaskevich
Les écueils exposés dans l’article, pour mener à bien ce projet, sont intéressants : outre les soucis financiers et de disponibilité des animateurs, qu’on imagine sans peine, il y a aussi celle de la formation des encadrantes, qui elles-mêmes ne sont pas formées aux inégalités de genre et craignent de les reproduire, inconsciemment bien sûr. Si seulement toutes et tous acceptaient l’idée que chacun(e) d’entre nous peut être maladroit, même avec de « bonnes « intentions, ce serait tellement plus simple ! Ce que m’apporte vraiment cet article, grâce à sa grande sincérité, c’est de réfléchir autrement sur la question des dispositifs non mixtes, ce qui a priori me gêne. Là, je me dis « oui, mais… » et ce mais est à creuser.
Allez, un dernier extrait choisi, pour terminer. Mais s’il vous plaît, allez lire cet excellent article !
Ce genre de découvertes et prises de conscience (et de confiance !) peuvent aussi se faire lors d’évènements mixtes — mais ce sont des exceptions à la règle. La société pousse les garçons à intervenir, et les filles à se taire. La monopolisation de la parole masculine amène à une monopolisation de la pensée. Les filles laissent la place, en gardant leurs pensées pour elles. Cela demande un vrai effort aux garçons de se taire, et aux filles de s’exprimer.
Olga Paris-Romaskevich

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