Cela fait bien longtemps que je suis tutrice. Depuis deux années et demi, je suis tutrice d’une future collègue AED en prepro. Elle s’appelle Laura et elle est vraiment top : après une phase de mise en confiance, elle est passée à l’action. Elle a circulé, puis participé, puis coenseigné, et maintenant elle anime seule des séances, en ma présence ou lorsque je suis en formation. Elle m’a suivie dans les écoles, lors de conférences, a partagé mes lectures. Elle sait tant de choses avant même d’avoir commencé en tant que titulaire, grâce à cette curiosité et cette facilité à mémoriser!
Former de futurs collègues, c’est toujours formateur pour nous. Cela nous amène à sortir de nous-mêmes, de nous adapter pour identifier des problématiques propres à la personne aux côtés de laquelle nous avançons et trouver des leviers pour développer sa professionnalité. C’est une occasion de travailler ensemble comme rarement, en quantité et en qualité. C’est un regard sur les pratiques de l’autre, mais aussi sur les nôtres. C’est un lâcher prise qui me manquait, dont je n’étais pas capable jusqu’à aujourd’hui. Elle m’apprend à moins tergiverser parfois aussi. Elle est plus claire dans ses divisions que je ne le suis parfois.
Là, au fond de la classe, à suivre le cours de statistiques de Laura, autre chose me frappe. Former un collègue en devenir (enfin là, dans le cas de Laura, le devenir est bien avancé), c’est surtout transmettre des gestes. Les contenus des leçons sont vraiment annexes : sur une leçon de stat comme la sienne, il y a peu de variations. Son cours est peut-être différent de celui que j’aurais proposé, mais de pas grand chose, de rien de crucial. A supposer qu’il ne contient pas d’erreur mathématique, une leçon ou une autre, on s’en fiche un peu je trouve. Le choix des activités et des exercices est beaucoup plus important, mais ce qui écrase tout ce sont les gestes : Laura fait naître la parole, l’organise pour que chacun(e) ait sa place, rebondit sur les remarques ou les questions, quitte à revenir à une notions complètement autre ou antérieure ou anticipée, explicite, conceptualise, modélise. Elle accueille l’erreur sans frémir, l’exploite, relancé pour que les élèves se corrigent. Elle est posée, vérifie que tout va bien avant d’avancer plus, ne crie pas, est audible. Elle sait quels sont ses objectifs. Elle identifie les obstacles didactiques lorsqu’ils se présentent et réfléchit avant de répondre. C’est tout ça qui fait qu’elle apporte des savoirs et développe des compétences. Des cours bruts, il y en a plein partout. Un prof c’est un médiateur vers des savoirs nouveaux. Et rien ne peut remplacer ça.
Et puis une conséquence, c’est que pour un élève être inattentif en classe c’est de mettre en situation d’échec, à moins de compenser comme un ouf à la maison, ce qui nécessite d’avoir de l’aide extérieure. Dans tous les cas c’est contre-productif, comme plan.

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