Dans cet article du JDD, on lit d’abord des constants : avant la réforme du lycée, 13 % des élèves de lycée général ne faisaient plus de maths à partir de la classe de première, contre 36 %, après la réforme. Les filles sont 55 % à faire le choix de la spécialité maths en première, contre 75 % des garçons, et 26 % conservent la spé maths en terminale, contre 52 % pour les garçons. 28 % des garçons issus de milieux sociaux très favorisés choisissent l’option maths expertes, contre seulement 14 % des garçons issus de milieux sociaux défavorisés. Voilà pour l’équité.
Voici des extraits de l’article écrit par Nathalie Sayac, professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie, mais il faut aller le lire dans son intégralité :
C’est là une des premières causes de persistance du mythe, la difficulté à imaginer qu’un mathématicien ou une mathématicienne puisse être une personne banale, qui n’aurait ni araignée en broche ni grotte à habiter. On a, en effet, souvent l’image caricaturale d’un personnage avec lunettes et cheveux hirsutes, éloigné des contingences matérielles et de son temps. C’est une image totalement fausse et dépassée, qui persistera tant que les médias, les livres et les manuels scolaires la véhiculeront inconsciemment ou par négligence.
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Une autre piste peut être avancée pour expliquer la persistance de la vision élitiste que l’on a des mathématiques. C’est celle de son histoire dans le système scolaire français. Il convient en effet de rappeler qu’avant même qu’elle ne devienne LA discipline de sélection telle qu’on la connait aujourd’hui, cette discipline était réservée aux hommes et particulièrement à ceux issus de milieux que l’on qualifierait aujourd’hui de favorisés.
Ce n’est qu’à partir de 1880 que les femmes ont pu bénéficier d’un enseignement secondaire, et encore, avec un programme mathématique allégé par rapport à celui des hommes, les programmes scolaires n’ayant été unifiés qu’en 1924. En effet, on considérait jusque-là que les enseignements dispensés aux femmes devaient principalement contribuer à les former à devenir de bonnes épouses et mères de famille et qu’elles pouvaient se dispenser d’étudier des disciplines trop complexes, telles que les mathématiques.
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A la fin de l’article, Nathalie relaie un propos d’élève qui fait vraiment mal : « les profs ne travaillent que pour ceux qui vont prendre la spécialité Maths en Première et ne se préoccupent pas des autres ». Mais elle explicite d’une façon qui fait changer l’angle de vue : la nature des nouveaux programmes oblige les professeurs à adopter un rythme d’enseignement davantage adapté aux élèves se destinant à poursuivre leurs études en mathématiques qu’à ceux qui ne font pas ce choix : les élèves qui choisissent la spé vont avoir une épreuve de bac à très haut coefficient (coeff 16, soit plus d’un quart du poids dans les épreuves terminales et donc 16% de la totalité des poids), dont leur bac dépend directement. La pression du bac est telle que les enseignants ont cet objectif qui les contraint eux-mêmes et qui écrase le reste : faire réussir leurs élèves au bac. Mais alors l’autre objectif de l’enseignement des maths au lycée, développer la culture, outiller pour comprendre le monde d’aujourd’hui et ses enjeux, ne trouve pas d’espace pour se développer. C’est exactement en ce sens que l’heure et demie en plus proposée en première n’est pas une réponse à nos difficultés : on confond en permanence deux objectifs complémentaires mais différents.
Et au final, ce la continue de nuire à cette si belle discipline, qui s’enferre dans le scolaire et reste à distance de la culture générale.
