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(Tentative de) cartographie des mathématiques que je ne comprends pas

Mickaël Launay clôt ces journées par une conférence très attendue ! C’est quand même une star des maths que nous écoutons là.

Mickaël s’est donné comme objectifs de nous parler de ce qu’il ne comprend pas, mais surtout de comment on ne comprend pas les choses.

Que faut-il pour pouvoir se dire qu’on a bien compris quelque chose en maths ?

Dans le lac des évidence, il y a des choses assez différentes. Par exemple, il y a le théorème de Thalès. Mickaël en connaît des démonstrations, mais quand il regarde la figure qui l’illustre, il a le sentiment de ne pas avoir vraiment besoin de démonstration. L’égalité de Thalès, c’est juste trois façons différentes de calculer la même chose. Un deuxième exemple c’est l’identité remarquable :

Dans la plaine des preuves, il y a des choses qui ne sont pas dans le lac des évidences. En revanche, dans la jungle des images mentales non, en tout cas pour les images mentales limpides, qu’on a vraiment comprises. Lorsque Mickaël était élève il n’en était pas ainsi ; il a appris à dépasser l’intuition.

Côté plaine des preuves, qui contient la plus grande partie des mathématiques de Mickaël, il y a le théorème de Pythagore. Il ne produit pas le même effet que le théorème de Thalès pour lui : il a besoin de se raccrocher à une preuve pour en être convaincu, et n’a pas encore trouvé d’image mentale qui le rende limpide. Peut-être n’y en a-t-il pas. Autre exemple, la symétrie des ellipses : pourquoi ça ne fait pas une forme d’oeuf, comme ça :

L’océan, c’est l’océan des préjugés. Il contient ce qui est pensé sans justifications, des choses vraies, des choses fausses. Il borde le récif des fausses bonnes idées. A l’image de l’hypercorrection, qui consiste à s’exprimer de façon « trop correcte » et finalement incorrecte à force de trop vouloir parler ou écrire de façon irréprochable, comme dans « il va t-être midi » ou « hypothénuse », on pourrait définir l’hyperexplication. Exemple : ici, le carré ne sert à rien. On peut trouver cette image très satisfaisante, avec une formidable astuce, en en fait elle ne sert à rien.

On peut faire comme ça :

Quand on ne comprend pas encore quelque chose, on est évidemment victime de préjugés sans meme s’en rendre compte. Parfois au lieu d’ajouter des choses dans notre esprit, il faut en enlever. Et ce n’est jamais fini : parfois quelque chose qu’on comprenait depuis longtemps s’éclaire encore par de nouvelles idées.

Dans les terres conquises, il y a d’autres territoires, comme les grands lacs, l’étendue sauvage dans laquelle on a des débuts mais pas le point final, ou des démonstrations sur certains cas particuliers, comme le travail de la mathématiciennen Maryna Viazovska, récompensée par la médaille Fileds, qui a démontré un résultat en dimensions 8 et 24.

Dans la métropole des conjectures, il y a une jolie question de probabilités, illustrée par une fourmi qui aime bien les endroits qu’elle connaît déjà, se déplace sur un carré et doit choisir une horizontale ou une verticale à chaque passage à un sommet. Et puis on change un peu les règles du jeu en on équipe la fourmi d’horloges exponentielles. Héééé si. On passe du discret au continu, jusqu’à une preuve élégante. Mais si on se débarrasse du carré et qu’on reprend le problème sur un triangle, ce problème n’est pas résolu, et ça ne semble pas raisonnable. Notre preuve s’appuie sur la parité des côtés, et su coup sur un triangle ça ne marche pas. C’est troublant, de bien comprendre le problème dans un cas et de ne pas le comprendre du tout dans un autre.

En 2016, la conjecture est tombée et est devenue un théorème vrai pour tous les graphes « raisonnables ». Mais la preuve est extraordinairement plus compliquée que celle du carré, ce qui laisse une petite interrogation sur l’existence d’une preuve aussi visuelle et simple que celle du carré.

J’ai bien aimé l’histoire du 11 qui est le meme que l’autre. Ca m’a vraiment parlé. Mickaël est parvenu à me faire rentrer dans sa compréhension, je crois. J’ai compris une partie de son fonctionnement mental parce que je la vis aussi, sans doute très différemment pourtant et sur des objets autres également.

Mais en fait, il n’y a pas que le 11 qui est le même que le 11. Ca marche avec 3, au moins parfois, peut-être toujours :

Alors ça, c’était très joli. Mickaël appelle ça les nombres funambules. Pour montrer que ces deux 3 sont les mêmes, on n’a pas besoin de savoir la valeur de 3. J’adore cette idée.

On peut faire ça en géométrie : les ellipses sont toutes des ellipses par exemple. Ca s’illustre bien avec π, aussi : on ne savait pas la valeur de π qu’on savait que c’est le même π dans l’aire du disque et dans le périmètre du cercle.

Sur la carte de Mickaël, il y a les grottes de la perplexité, qui contiennent ce dont Mickaël se demande ce qui est passé par la tête des personnes qui ont trouvé ça. John Conway est un mathématicien qui provoque beaucoup cette impression à Mickaël Launay. En théorie des noeuds, on se demande souvent si deux noeuds sont les mêmes. Ici, c’est le cas :

C’est un noeud à 3 croisements et déjà ce n’est pas simple de déterminer que ces noeuds sont les mêmes. Imaginez donc si on a des noeuds à 11 ou 12 croisements…

A ce stade, Conway se réfère aux fractions continues. Théorème :

Deux tangles sont les mêmes si et seulement si les fractions continues associées sont les mêmes.

Mickaël, là, est perplexe sur le chemin qui a amené Conway là. Il comprend l’énoncé du résultat, mais pas l’idée derrière qui a amené là.

Mais pour pouvoir dire qu’on ne comprend pas, il faut déjà avoir compris un peu. Il y a tout le reste :

Un très grand bravo à Mickaël Launay : c’était clair, drôle, plein de sens (et sensible, ce qui est différent) et joli, en plus. Un très très beau travail. Mickaël est décidément un grand professionnel. J’ai hâte de retrouver les diapos présentées sur le cloud des journées, car Mickaël les a dores et déjà partagées.

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