Des « perles » de diagrammes faux, ces temps-ci, ça devient monnaie courante. Cela devient franchement inquiétant. En voici une de TF1, avec ce « vrai » juste au-dessus, si adéquat :
Il s’agit du taux de bacheliers parmi les candidats, par année.
Bon, si vous avez eu votre bac en 1995-2000, selon ce graphique, vous êtes drôlement fortiches, bravo. Alors moi, j’ai eu mon bac en 1990. Je n’ai pas souvenir d’avoir été une exception, ni que la tendance les années suivantes ait été à la baisse… D’ailleurs, la journaliste précise le taux de 1968 (certes haut) :
Vérification faite, la courbe juste ressemble à ceci :
C’est très ressemblant, à ceci près que l’axe des ordonnées ne démarre pas à 0, mais à 70%.
Je lis ici ou là que rhoooo allez booooon quoi, c’est pas si grave.
Mais si, c’est si grave. La façon de graduer un axe n’a rien d’un détail. C’est une information fausse et absurde : les deux personnes présentes sur le plateau et toutes celles qui ont travaillé à ce graphique ou l’ont vu auraient dû réagir. Comment croire que le taux du bac avoisinait 5% en 1995 ?
Le sujet en lui-même n’est pas d’importance, d’accord. Mais diffuser de fausses informations en a. Et que la culture mathématique soit si peu répandue aussi. Et que beaucoup n’accordent pas d’importance à la vérité également.
Et puis tout ça pour quoi ? Si personne ne réagit, c’est que tout le monde s’en fiche, qu’on se dit « Ah, tiens, un graphique avec des gens qui s’agitent autour », et qu’on ne regarde rien. Ou alors c’est pour le plaisir de ricaner dans le style « gniarkgniark, le bac ne vaut plus rien c’est normal les jeunes d’aujourd’hui sont tous débiles » ? Dans les deux cas, c’est désolant.
En principe, en fin de sixième, on sait faire ça, en maths :
Et dès le CM1, on travaille ça :
Mon propos n’est pas de dire que les auteurs de ce diagramme n’ont pas le niveau 6e (encore qu’en gestion de données, ils ne sont clairement pas au point). Mon propos est de mettre en évidence qu’il s’agit de compétences et de savoirs enseignés à l’école, et cela ne date pas des derniers programmes.
Alors comment se fait-il que nous échouions ainsi ? Sur quelque chose d’aussi concret, où l’erreur devrait être repérée par autoévaluation ?
Pour info, les données sont là.
David Vincent, collègue normand de maths, vient de me faire remarquer au sujet de ce dernier graphique que les données ainsi exposées on un sérieux air de continu alors qu’elles sont discrètes, et que la coloration sous la courbe donne encore un autre sens, pas seulement pour les matheux qui pensent intégrale d’ailleurs.
(Merci David !)
Cela fait maintenant très longtemps que des erreurs grossières sont commises de façon récurrente dans des médias à grande visibilité et rien ne change. Avec leurs capacités financières, il y aurait une solution évidente et peu coûteuse, il suffirait d’embaucher un petit nombre de personnes dont la tâche serait de conseiller et de vérifier la présentation de données numériques, et au vu des erreurs, il n’y aurait même pas besoin d’exiger de hautes compétences scientifiques, un très grand nombre de personnes seraient tout à fait capables de très bien remplir ce rôle. C’est donc que cela se joue ailleurs : clairement, cela ne les intéresse pas de présenter des données correctement, sans doute parce qu’au final cela n’a aucune conséquence financière réelle pour eux, et je suppose que tout ceci se résume selon leur point de vue à quelques profs aigris qui s’excitent pour rien d’important.
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Ils ont tort : nous ne sommes pas aigris ! 😄
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