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Le confinement : « impensé social et catalyseur d’inégalités »

L’éducateur équitable est un blog que je lis régulièrement : il m’enrichit, il me fait réfléchir différemment, il me rappelle aussi une réalité scolaire que je ne vis plus au quotidien, puisque je n’enseigne plus dans une zone d’éducation prioritaire pour le moment. Le propos est toujours franc et nuancé.

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Le dernier article que j’ai lu est particulièrement frappant. L’auteur s’appuie en particulier sur cet article de Jean-Paul Delahaye (il faut aller le lire dans son intégralité) :

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Jean-Paul Delahaye rappelle d’abord que le monde projeté sur les écrans de télévision est un monde, pas le monde, et surtout pas celui des pauvres. Et il développe, concis et clair comme à son habitude :

Pour les familles pauvres et leurs enfants, le confinement est une catastrophe. D’abord parce que l’école, on l’oublie quand on ne connaît pas la vie de nos concitoyens pauvres, n’est pas seulement pour les pauvres le lieu des apprentissages. L’école est aussi une institution d’aide aux familles, un premier recours face aux situations de détresse sociale, un point de médiation entre les familles et les organismes chargés de la politique médicale et sociale pour la prise en charge des enfants, un lieu où s’élaborent des solutions grâce à l’engagement et à la vigilance des personnels de l’éducation nationale. C’est tout cela qui disparaît avec la fermeture des écoles.

(…)

Cette crise est en réalité un cruel révélateur des inégalités sociales et territoriales à l’œuvre dans notre pays. Quand les politiques publiques ont laissé se creuser de tels écarts de richesse et se concentrer au même endroit des élèves en grande difficulté sociale ou victimes de la ségrégation ethnique, il est plus difficile de créer une dynamique pédagogique. (…) L’Éducation nationale, pour reprendre les propos de Condorcet ne saurait être une «espèce de loterie nationale» pour les enfants du peuple. Et c’est à l’État de garantir à tous les enfants une égalité des droits sur l’ensemble du territoire.

Le CPE équitable, lui, s’interroge : comment « continuer « à maintenir en vie » cette relation qui s’est dématérialisée» ? Il expose des dispositifs mis en place pour essayer d’attraper tous ceux qu’on peut, et met des mots pile sur ce qui fait mal :

J’ai le sentiment qu’il s’agit aussi, pour l’institution, de se donner bonne conscience. J’ai une famille, par exemple, arrivée récemment en France, ne comprenant que très peu la langue française et que j’ai réussi à joindre par l’intermédiaire d’une de leur voisine. Celle-ci m’a expliqué que cette famille essayait tant bien que mal d’aider leur fille en lui faisant faire des mathématiques et qu’elle ne possédait pas d’outils informatiques. J’ai expliqué à la voisine que les parents pouvaient se déplacer au collège pour récupérer une tablette, mais sans un accompagnement comment s’y prendront-ils ?

Pierre Perier qui a travaillé sur les familles populaires explique que cette situation va accroître considérablement les inégalités : « Je pense qu’on va avoir un effet catalyseur d’inégalités avec la situation actuelle et une accélération de ces inégalités. Les familles populaires vivent souvent dans des espaces réduits, avec la difficulté à dégager du temps pour le travail des enfants, avec des emplois précaires et sans les outils ou la maîtrise des outils pour les apprentissages. Les inégalités s’ajoutent les unes aux autres. On ne transfère pas seulement à ces familles les devoirs à faire, mais toute la responsabilité des apprentissages. Impensé social et catalyseur d’inégalités : voilà les deux traits dominants de la situation de confinement »source.

Sans compter les problèmes dramatiques liés à la protection de l’enfance.

Comment se passeront les jours d’après ? Alain Pothet, IA-IPR dans l’académie de Créteil, a parfaitement résumé dans un tweet les objectifs de sortie du confinement dans le domaine éducatif : « Non seulement il faudra prendre le temps de l’écoute et de l’émotion, mais aussi penser une pédagogie du retour qui sera attentive à restaurer le lien social indispensable aux apprentissages »source.

Et ceci doit nous porter et nous guider aussi hors éducation prioritaire : mon établissement n’est pas en REP, mais des élèves souffrent, et ressentent une anxiété insupportable, voire « de l’angoisse », comme me l’a expliqué hier, la voix étranglée, une petite élève de sixième sans internet. Dans les établissements dits favorisés, n’oublions pas que beaucoup d’élèves ne le sont pas. Certains font comme si, arrivent à se connecter, mais pas à vraiment travailler (c’est déjà ça, il y a du lien ; mais comment le vivent-ils ? Que ressentent-ils ? Est-ce un gain au final ?), d’autres fanfaronnent pour masquer ce qui est bien une exclusion. Ces enfants, et leurs familles, risquent de rester invisibles, de se fondre dans le paysage, tout en transparence. Au milieu d’enfants favorisés, il ne nous faudra surtout pas les oublier. Exactement comme l’écrit Alain Pothet : avec respect, avec attention, avec efficacité.

On n’a le droit à aucun pourcentage de perte. Zéro, c’est ça l’objectif. 100% tous ensemble. Nous devons aller chercher chacun de ces enfants. Et pour le moment, c’est bien frustrant. Mais nous faisons ce que nous pouvons, ce que nous devons, à fond, tous, avec des réussites bien différentes selon les contextes. Nous continuerons, car nous sommes enseignants.

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